Sans vouloir dépeindre une vision eschatologique du contexte géoéconomique des ressources énergétiques, la nouvelle donne inflationniste de l’or noir contraint nolens volens les pays à entamer un aggiornamento de leurs modes de vie (modes de consommation et de déplacement, « devoir citoyen » écologique et économies d’énergie, etc) mais surtout les obligent à repenser leurs stratégies d’influence et de coopération. Sur la scène internationale, la Russie est fermement décidé à irradier de toute sa puissance de premier producteur et exportateur de gaz et de deuxième producteur de pétrole, en usant de son influence auprès des pays « oil addicted » (Europe, Chine, Japon, Etats-Unis, Ukraine notamment) et en menant parallèlement une politique de sécurité des approvisionnements dans le « Moyen-Orient » de la Caspienne.Les premiers carburants de la croissance russe
La Russie (respectivement en 2ème et 8ème position pour les réserves mondiales de gaz et de pétrole) attise toutes les convoitises par l’hubris de ses réserves de pétrole et de gaz. Première activité économique de la Russie post-soviétique avec 13 % du PIB en 2003, la production d’hydrocarbures est devenue la principale source de revenus du budget russe (57,6 milliards de recettes fiscales en 2003) et 50% des exportations russes proviennent de l’énergie (75 milliards de dollars en 2004) devançant celles de l’armement. La Sibérie occidentale est la principale région pétrolière russe avec 70% de la production et 40% des réserves. L’exploration est essentiellement tournée vers la mer Caspienne, l’Arctique et la Sibérie orientale (Sakhaline I, région d’Irkoutsk) ; l’Europe représente 78% des débouchés pétroliers russes avec comme principaux consommateurs l’Allemagne, la Finlande et les pays de l’Europe de l’Est ; enfin la Sibérie orientale est orientée vers les marchés chinois, japonais, sud-coréen et américain.
Les restructurations des secteurs pétroliers et gaziers
Le contrôle des compagnies pétrolières et gazières constitue un enjeu à la fois financier, industriel et stratégique pour le gouvernement russe. L’achat de Sibneft par Gazprom en Septembre 2005 lui permet d’entrer sur le marché du pétrole afin de coller à la stratégie du Kremlin (actionnaire à hauteur de 51% du capital de Gazprom) d’en faire une sorte d’Aramco à la russe et ainsi de mettre la main sur 30% de la production de pétrole russe.
Le « Grand Jeu pétrolier » (2) du Caucase et de l’Asie centrale
Comme l’affirmait Vladimir Poutine dans la Tribune du 19 juin 2003, Gazprom (25% du gaz sur le marché mondial, 65% des ressources gazières russes et 93% des exportations de gaz russe) est un « puissant outil d’influence politique et économique sur le reste du monde ». Une stratégie d’influence en Asie centrale - qualifiée de politique de l’«étranger proche » - dont Gazprom est le fer de lance et qui repose principalement sur :
- une politique de coopération avec les pays caucasiens à travers l’organisation GUUAM (Géorgie, Ukraine, Ouzbékistan, Azerbaïdjan et Moldavie) ou dans le cadre de l’Espace Economique Unique (EEU)
- une politique d’investissements dans les réseaux de transport :
Jusqu’à l’inauguration de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) en mai 2005 (projet soutenu par l’Europe et les Etats-Unis), la Russie exerçait un quasi-monopole (plus de 80% des oléoducs existants) sur l’évacuation du pétrole de la Caspienne (acheminé vers le port russe de Novorossisk), par l’intermédiaire de la société d’Etat Transneft même si d’autres entreprises russes ou étrangères ont des intérêts dans l’industrie des oléoducs (ENI et Gazprom dans Blue Stream Line, Chevron et Exxon dans Caspian Pipeline Consortium aux côtés de Lukoïl et Rosneft).Par ailleurs, Gazprom a annoncé le lancement officiel du gazoduc « Nord Europe », un des plus importants projets d’infrastructures énergétiques européens de la Russie à l’Allemagne en passant par la mer Baltique (un débit de 27,5 milliards de mètres cubes de gaz dès 2010 pour un investissement de 4 milliards €) et arrêté le choix de ses partenaires étrangers pour le développement du plus prometteur gisement de gaz, Shtokman situé en mer de Barents.
- le contrôle « en jeu de go » de la chaîne de valeur du pétrole et du gaz (et en particulier le monopole des usines de raffinage) :
Les nombreux rachats d’entreprises de distribution de gaz (23 acquisitions ont été dénombrées dont la création en mai 2003 de la joint-venture GruzRosGazprom en Géorgie pour mettre à mal la viabilité écononomique du « double corridor » Bakou-Tbilissi-Erzerum) par Gazprom visent moins à développer une industrie rémunératrice qu’à s’assurer du contrôle total de l’ensemble de la chaîne de valeur du gaz en endossant la double casquette de fournisseur-commercialisateur. Par ailleurs, Gazprom a noué des partenariats avec les deux gaziers allemands E.ON Ruhrgas et Wintershall en rachetant conjointement des entreprises sur le marché allemand : une stratégie pour endiguer le Heartland. En Ukraine, TNK et Lukoïl contrôlent les quatre principales raffineries du pays et ont fait main basse sur le réseau de distribution d’essence (3).Dernières opérations en date : Gazprom a obtenu le 14 Novembre 2005 l’autorisation de vendre du gaz naturel en France (4) et vient par ailleurs de sceller un partenariat de distribution avec ENI (5).
- l’obtention via Gazprom, dans un rapport de « fort au faible », de la cession d’actifs de ces pays débiteurs contre le remboursement partiel de leurs dettes énergétiques (Moldavie, Ukraine, Kirghizhstan en échange d’uranium, Biélorussie pour le contrôle de la compagnie de transport de gaz Beltransgaz)
- une politique tarifaire préférentielle et versatile (marché intérieur 11-13$ pour 1000 mètres cubes, en Biélorussie de l’ordre de 30$, en Ukraine à 50$ et en Europe occidentale à 100$)
- l’instrumentalisation des minorités ethniques pour peser indirectement dans les négociations pétrolières d’Etats-tiers (lien étroit entre l’état des tractations pétrolières entre l’Azerbaïdjan et la Géorgie et l’intensité des conflits transcaucasiens en Ossétie du Sud et en Abkhazie)
- une opposition aux initiatives européennes dans la région visant à renforcer le rôle géopolitique de la Turquie (pays intégré en juin 2004 dans la nouvelle Politique de voisinage de l’Europe) :
Datant du 22 juillet 1999, l’accord-ombrelle européen et véritable « cheval de Troie » INOGATE a pour but de permettre à l’UE d’accéder à de nouvelles sources d’énergie dans le bassin de la mer Caspienne. Par ailleurs, la Russie s’est opposé au projet BTC et est déterminé à conserver le contrôle de la Tchétchénie, réservoir énergétique et zone de transit.
Les synergies en demi-teinte avec la Chine
L’enjeu stratégique de la Chine (2ème importateur de pétrole derrière les Etats-Unis en 2004) consiste en priorité à assurer sa sécurité énergétique en gaz et pétrole en provenance du Moyen-Orient, de Russie, de l’Iran, du Venezuela et du Soudan pour soutenir son développement économique.
Ainsi en 2004, la Russie a transmis 14 millions de tonnes de pétrole brut vers la Chine, représentant le dixième de l’importation chinoise. En Asie centrale, la China National Petroleum Corporation (CNPC) a remporté en 1997 la soumission d’exploitation des deux champs pétrolifères du Kazakhstan d’une quantité de 1 à 1,5 milliards de barils. La CNPC a promis de construire un oléoduc de 6000 km du Kazakhstan au Xinjiang de Chine (avec un débit de 400 000 barils/jour (6)).
Par ailleurs, la Chine intensifie ses efforts de coopération avec l’ANASE, dans la mesure où 88% de ses importations (du Moyen-Orient, de l’Afrique et des régions de l’Asie-Pacifique) transitent par le détroit de Malacca, voie maritime contrôlée par l’Inde, la Malaisie et Singapour.
L’Inde concurrence la Chine dans l’exploitations des ressources énergétiques des régions d’Extrême-Orient de la Russie mais en juin 2005, les ministres des Affaires étrangères de la Chine, de la Russie et de l’Inde ont eu une rencontre informelle à Vladivostok en Russie et fait une « déclaration conjointe » pour annoncer un futur renforcement de leur coopération notamment dans le domaine des ressources énergétiques. S’agit-il des prémisses d’un noyau dur de l’Organisation de Coopération de Shanghai sur la stratégie énergétique ?
Conclusion
Si la manne énergétique de la Russie constitue à l’heure actuelle la clef de sa résilience économique et de son influence géopolitique, le propos doit être nuancé pour plusieurs raisons :
• les ressources énergétiques ne sont inépuisables
• il n’y a pas de véritable stratégie de financement du développement énergétique qui associe financement de l’offre (appareil de production et de distribution vieillissant et exploitation off-shore à l’état embryonnaire) et maîtrise de la consommation énergétique intérieure
• le népotisme et la corruption rampante des oligarques étatiques creusent un peu plus chaque jour la dette de Gazprom, estimée actuellement à 17,7 milliards de dollars
• les acteurs pétroliers et gaziers russes se livrent une concurrence fratricide qui fissure les positions monopolistiques de Gazprom et de Transneft, « le marteau et la faucille » de la stratégie de puissance du Kremlin
Michel Laaroussi
Références documentaires
(1) Dans son livre « Masse et puissance », Elias Canetti élabore progressivement une théorie des rapports qui unissent les phénomènes de masse à toutes les manifestations de la puissance.
(2) Renvoyant à l’expression de Kippling dans son roman Kim pour évoquer la course dans laquelle s’étaient lancés les empires russe et britannique pour la conquête de l’Asie centrale au 19ème siècle.
(3) La Tribune, 2 mai 2003
(4) La Tribune, 17 Novembre 2005
(5) La Tribune, 28 Novembre 2005
(6) 1 baril/jour = 50 tonnes/an et 1 tonne = 7,3 barils
• « Géopolitique de l’énergie », Collection Revue Française de Géopolitique dirigée par Aymeric Chauprade, aux Editions Ellipses - 2004
• « Géopolitique du pétrole, Un nouveau marché, De nouveaux risques, Des nouveaux mondes » de Cédric de Lestrange, Christophe-Alexandre Paillard, Pierre Zelenko, aux Editions Technip - 2005
• « La politique européenne de la Russie : ambitions anciennes, nouveaux enjeux », Isabelle Faucon, chargée de recherche à la Fondation de Recherche Stratégique - Juillet 2005
• « Les hydrocarbures russes : une industrie en quête de modèle », Catherine Locatelli , LEPII-EPE, CNRS, Université de Grenoble II – Juillet 2005
• « L’enjeu énergétique des relations entre la Chine et la Russie-Caspienne », Catherine Locatelli, LEPII-EPE, CNRS, Université de Grenoble II – Octobre 2004
• « Equilibres géopolitiques en Asie Centrale : la montée en puissance de la Chine », Annie Jafalian chargée de recherche à la Fondation de Recherche Stratégique, Annuaire stratégique et militaire, Paris, FRS, Odile Jacob, 2005, pp 135-149
• « Les relations Chine Russie vues de Moscou : variable de la politique étrangère ou réel partenariat stratégique », Les cahiers de Mars, n° 183, 1er trimestre 2005, pp 100-110
• « L’approvisionnement énergétique de la Chine : Marchés et politiques », Pierre Noël et Michal Meidan, Ifri, Juillet 2005
• « Un équilibre fragile : les relations sino-russes », Bobo Lo, Ifri - Programme de Recherche CEI/Russie, Avril 2005
• Agence internationale de l’Energie
• Politique et géopolitique du pétrole russe par Julien Vercueil, Centre d'Etudes des Modes d'Industrialisation, EHESS Paris
• www.russia-intelligence.com
• Article « L’Oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan » sur le site www.caucaz.com
• Sources de la Documentation Française :
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/carte-mer-caspienne.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/carte-oleoducs-gazoducs.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/chronologie.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/introduction.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/mer-riche.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/petrole.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/gaz.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/region-geostrategique.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/oleoducs-activite.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/oleoducs-construction.shtml
La Russie (respectivement en 2ème et 8ème position pour les réserves mondiales de gaz et de pétrole) attise toutes les convoitises par l’hubris de ses réserves de pétrole et de gaz. Première activité économique de la Russie post-soviétique avec 13 % du PIB en 2003, la production d’hydrocarbures est devenue la principale source de revenus du budget russe (57,6 milliards de recettes fiscales en 2003) et 50% des exportations russes proviennent de l’énergie (75 milliards de dollars en 2004) devançant celles de l’armement. La Sibérie occidentale est la principale région pétrolière russe avec 70% de la production et 40% des réserves. L’exploration est essentiellement tournée vers la mer Caspienne, l’Arctique et la Sibérie orientale (Sakhaline I, région d’Irkoutsk) ; l’Europe représente 78% des débouchés pétroliers russes avec comme principaux consommateurs l’Allemagne, la Finlande et les pays de l’Europe de l’Est ; enfin la Sibérie orientale est orientée vers les marchés chinois, japonais, sud-coréen et américain.
Les restructurations des secteurs pétroliers et gaziers
Le contrôle des compagnies pétrolières et gazières constitue un enjeu à la fois financier, industriel et stratégique pour le gouvernement russe. L’achat de Sibneft par Gazprom en Septembre 2005 lui permet d’entrer sur le marché du pétrole afin de coller à la stratégie du Kremlin (actionnaire à hauteur de 51% du capital de Gazprom) d’en faire une sorte d’Aramco à la russe et ainsi de mettre la main sur 30% de la production de pétrole russe.
Le « Grand Jeu pétrolier » (2) du Caucase et de l’Asie centrale
Comme l’affirmait Vladimir Poutine dans la Tribune du 19 juin 2003, Gazprom (25% du gaz sur le marché mondial, 65% des ressources gazières russes et 93% des exportations de gaz russe) est un « puissant outil d’influence politique et économique sur le reste du monde ». Une stratégie d’influence en Asie centrale - qualifiée de politique de l’«étranger proche » - dont Gazprom est le fer de lance et qui repose principalement sur :
- une politique de coopération avec les pays caucasiens à travers l’organisation GUUAM (Géorgie, Ukraine, Ouzbékistan, Azerbaïdjan et Moldavie) ou dans le cadre de l’Espace Economique Unique (EEU)
- une politique d’investissements dans les réseaux de transport :
Jusqu’à l’inauguration de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) en mai 2005 (projet soutenu par l’Europe et les Etats-Unis), la Russie exerçait un quasi-monopole (plus de 80% des oléoducs existants) sur l’évacuation du pétrole de la Caspienne (acheminé vers le port russe de Novorossisk), par l’intermédiaire de la société d’Etat Transneft même si d’autres entreprises russes ou étrangères ont des intérêts dans l’industrie des oléoducs (ENI et Gazprom dans Blue Stream Line, Chevron et Exxon dans Caspian Pipeline Consortium aux côtés de Lukoïl et Rosneft).Par ailleurs, Gazprom a annoncé le lancement officiel du gazoduc « Nord Europe », un des plus importants projets d’infrastructures énergétiques européens de la Russie à l’Allemagne en passant par la mer Baltique (un débit de 27,5 milliards de mètres cubes de gaz dès 2010 pour un investissement de 4 milliards €) et arrêté le choix de ses partenaires étrangers pour le développement du plus prometteur gisement de gaz, Shtokman situé en mer de Barents.
- le contrôle « en jeu de go » de la chaîne de valeur du pétrole et du gaz (et en particulier le monopole des usines de raffinage) :
Les nombreux rachats d’entreprises de distribution de gaz (23 acquisitions ont été dénombrées dont la création en mai 2003 de la joint-venture GruzRosGazprom en Géorgie pour mettre à mal la viabilité écononomique du « double corridor » Bakou-Tbilissi-Erzerum) par Gazprom visent moins à développer une industrie rémunératrice qu’à s’assurer du contrôle total de l’ensemble de la chaîne de valeur du gaz en endossant la double casquette de fournisseur-commercialisateur. Par ailleurs, Gazprom a noué des partenariats avec les deux gaziers allemands E.ON Ruhrgas et Wintershall en rachetant conjointement des entreprises sur le marché allemand : une stratégie pour endiguer le Heartland. En Ukraine, TNK et Lukoïl contrôlent les quatre principales raffineries du pays et ont fait main basse sur le réseau de distribution d’essence (3).Dernières opérations en date : Gazprom a obtenu le 14 Novembre 2005 l’autorisation de vendre du gaz naturel en France (4) et vient par ailleurs de sceller un partenariat de distribution avec ENI (5).
- l’obtention via Gazprom, dans un rapport de « fort au faible », de la cession d’actifs de ces pays débiteurs contre le remboursement partiel de leurs dettes énergétiques (Moldavie, Ukraine, Kirghizhstan en échange d’uranium, Biélorussie pour le contrôle de la compagnie de transport de gaz Beltransgaz)
- une politique tarifaire préférentielle et versatile (marché intérieur 11-13$ pour 1000 mètres cubes, en Biélorussie de l’ordre de 30$, en Ukraine à 50$ et en Europe occidentale à 100$)
- l’instrumentalisation des minorités ethniques pour peser indirectement dans les négociations pétrolières d’Etats-tiers (lien étroit entre l’état des tractations pétrolières entre l’Azerbaïdjan et la Géorgie et l’intensité des conflits transcaucasiens en Ossétie du Sud et en Abkhazie)
- une opposition aux initiatives européennes dans la région visant à renforcer le rôle géopolitique de la Turquie (pays intégré en juin 2004 dans la nouvelle Politique de voisinage de l’Europe) :
Datant du 22 juillet 1999, l’accord-ombrelle européen et véritable « cheval de Troie » INOGATE a pour but de permettre à l’UE d’accéder à de nouvelles sources d’énergie dans le bassin de la mer Caspienne. Par ailleurs, la Russie s’est opposé au projet BTC et est déterminé à conserver le contrôle de la Tchétchénie, réservoir énergétique et zone de transit.
Les synergies en demi-teinte avec la Chine
L’enjeu stratégique de la Chine (2ème importateur de pétrole derrière les Etats-Unis en 2004) consiste en priorité à assurer sa sécurité énergétique en gaz et pétrole en provenance du Moyen-Orient, de Russie, de l’Iran, du Venezuela et du Soudan pour soutenir son développement économique.
Ainsi en 2004, la Russie a transmis 14 millions de tonnes de pétrole brut vers la Chine, représentant le dixième de l’importation chinoise. En Asie centrale, la China National Petroleum Corporation (CNPC) a remporté en 1997 la soumission d’exploitation des deux champs pétrolifères du Kazakhstan d’une quantité de 1 à 1,5 milliards de barils. La CNPC a promis de construire un oléoduc de 6000 km du Kazakhstan au Xinjiang de Chine (avec un débit de 400 000 barils/jour (6)).
Par ailleurs, la Chine intensifie ses efforts de coopération avec l’ANASE, dans la mesure où 88% de ses importations (du Moyen-Orient, de l’Afrique et des régions de l’Asie-Pacifique) transitent par le détroit de Malacca, voie maritime contrôlée par l’Inde, la Malaisie et Singapour.
L’Inde concurrence la Chine dans l’exploitations des ressources énergétiques des régions d’Extrême-Orient de la Russie mais en juin 2005, les ministres des Affaires étrangères de la Chine, de la Russie et de l’Inde ont eu une rencontre informelle à Vladivostok en Russie et fait une « déclaration conjointe » pour annoncer un futur renforcement de leur coopération notamment dans le domaine des ressources énergétiques. S’agit-il des prémisses d’un noyau dur de l’Organisation de Coopération de Shanghai sur la stratégie énergétique ?
Conclusion
Si la manne énergétique de la Russie constitue à l’heure actuelle la clef de sa résilience économique et de son influence géopolitique, le propos doit être nuancé pour plusieurs raisons :
• les ressources énergétiques ne sont inépuisables
• il n’y a pas de véritable stratégie de financement du développement énergétique qui associe financement de l’offre (appareil de production et de distribution vieillissant et exploitation off-shore à l’état embryonnaire) et maîtrise de la consommation énergétique intérieure
• le népotisme et la corruption rampante des oligarques étatiques creusent un peu plus chaque jour la dette de Gazprom, estimée actuellement à 17,7 milliards de dollars
• les acteurs pétroliers et gaziers russes se livrent une concurrence fratricide qui fissure les positions monopolistiques de Gazprom et de Transneft, « le marteau et la faucille » de la stratégie de puissance du Kremlin
Michel Laaroussi
Références documentaires
(1) Dans son livre « Masse et puissance », Elias Canetti élabore progressivement une théorie des rapports qui unissent les phénomènes de masse à toutes les manifestations de la puissance.
(2) Renvoyant à l’expression de Kippling dans son roman Kim pour évoquer la course dans laquelle s’étaient lancés les empires russe et britannique pour la conquête de l’Asie centrale au 19ème siècle.
(3) La Tribune, 2 mai 2003
(4) La Tribune, 17 Novembre 2005
(5) La Tribune, 28 Novembre 2005
(6) 1 baril/jour = 50 tonnes/an et 1 tonne = 7,3 barils
• « Géopolitique de l’énergie », Collection Revue Française de Géopolitique dirigée par Aymeric Chauprade, aux Editions Ellipses - 2004
• « Géopolitique du pétrole, Un nouveau marché, De nouveaux risques, Des nouveaux mondes » de Cédric de Lestrange, Christophe-Alexandre Paillard, Pierre Zelenko, aux Editions Technip - 2005
• « La politique européenne de la Russie : ambitions anciennes, nouveaux enjeux », Isabelle Faucon, chargée de recherche à la Fondation de Recherche Stratégique - Juillet 2005
• « Les hydrocarbures russes : une industrie en quête de modèle », Catherine Locatelli , LEPII-EPE, CNRS, Université de Grenoble II – Juillet 2005
• « L’enjeu énergétique des relations entre la Chine et la Russie-Caspienne », Catherine Locatelli, LEPII-EPE, CNRS, Université de Grenoble II – Octobre 2004
• « Equilibres géopolitiques en Asie Centrale : la montée en puissance de la Chine », Annie Jafalian chargée de recherche à la Fondation de Recherche Stratégique, Annuaire stratégique et militaire, Paris, FRS, Odile Jacob, 2005, pp 135-149
• « Les relations Chine Russie vues de Moscou : variable de la politique étrangère ou réel partenariat stratégique », Les cahiers de Mars, n° 183, 1er trimestre 2005, pp 100-110
• « L’approvisionnement énergétique de la Chine : Marchés et politiques », Pierre Noël et Michal Meidan, Ifri, Juillet 2005
• « Un équilibre fragile : les relations sino-russes », Bobo Lo, Ifri - Programme de Recherche CEI/Russie, Avril 2005
• Agence internationale de l’Energie
• Politique et géopolitique du pétrole russe par Julien Vercueil, Centre d'Etudes des Modes d'Industrialisation, EHESS Paris
• www.russia-intelligence.com
• Article « L’Oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan » sur le site www.caucaz.com
• Sources de la Documentation Française :
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/carte-mer-caspienne.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/carte-oleoducs-gazoducs.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/chronologie.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/introduction.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/mer-riche.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/petrole.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/gaz.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/region-geostrategique.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/oleoducs-activite.shtml
- http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/mer-caspienne/oleoducs-construction.shtml