La difficulté de maintenir une puissance taiwanaise

« Taiwan fait partie intégrante du territoire chinois !» : voilà la phrase tant redoutée par les indépendantistes de Formose. Après la défaite de l’armée de Chiang Kai-Sek par les troupes communistes de Mao, Taiwan devint le refuge des nationalistes. Le 8 décembre 1949, le général Jiang Jieshi établissait officiellement le gouvernement nationaliste de la Chine à Taipei ; En 1951 les USA reconnurent ce gouvernement comme le seul gouvernement légal de la Chine, faisant ainsi un affront à la République Populaire de Chine, à l’époque explicable par l’hostilité entre les deux « blocs ».Depuis, la complexification des relations internationales et l’émergence économique de la Chine ont poussé une majorité de pays à considérer Taiwan comme faisant partie intégrante de l’Empire du Milieu. Face à cela, Formose, partagée en son sein entre les défenseurs du rapprochement avec la Chine, et les fervents indépendantistes qui entendent bien faire de Taiwan un Etat souverain tente de se faire une place sur la scène internationale!
Petit île d’une vingtaine de millions d’habitants face à un empire de plus d’un milliard trois cent millions d’habitants bien déterminé à procédé à la réunification des territoires « chinois » après Hong Kong et Macao, Taiwan se trouve face à une double dilemme : d’une part parvenir à affirmer sa souveraineté auprès de la communauté internationale sans pour autant déclencher des hostilités militaires de la part de la Chine, et d’autre part, préserver ses intérêts économiques étant donné la forte imbrication de son économie et des investissements taiwanais sur le sol chinois.

Obtenir un siège à l’ONU revient à se voir reconnaître la souveraineté de son Etat par la communauté internationale. Or, le Vatican et Taiwan sont les deux seules entités à ne pas avoir de siège à l’ONU. Depuis 1971, l’expulsion de Taiwan des Nations unies et la reconnaissance de la République Populaire de Chine comme étant la représentante légitime de la Chine, a porté un rude coup aux revendications indépendantistes de Formose. L’île tente ainsi depuis de nombreuses années de récupérer sa place au sein de la Communauté internationale en combinant deux stratégies majeures : l’une consiste à effectuer un lobbying intensif auprès de Washington, en particulier via la FAPA (Formosan Association for Public Affairs) et en s’entourant d’alliés apportant leur soutien pour la constitution d’un comité d’étude chargé de discuter du problème de la représentation de la République de Chine à l’ONU. Ses alliés sont constitués en majeure partie de pays en développement. On retrouve des pays tels que le Burkina Faso, le Nicaragua, le Honduras, la Gambie, le Tchad… et le soutien financier de Taiwan n’est pas anodin dans cette prise de position. Des coopérations avantageuses pour ces pays sont offertes par Taiwan, et l’on peut noter l’exemple de novembre 2005, lors de la conférence de l’OMC, du remerciement chaleureux de Pascal Lamy envers Taiwan pour les 20 000 dollars américains (environ 670 000 dollars taiwanais) dont l’île venait de faire don afin d’aider à financer la participation des pays les moins avancés (PMA). Dans le même cadre, Taiwan incite explicitement ses entreprises à investir au sein de ces pays. Seulement, la place de la Chine sur le marché mondial se faisant grandissante, Taiwan perd du terrain, notamment en Afrique lorsque l’on voit par exemple le Sénégal qui en octobre 2005, change de discours et de position en affirmant que Formose fait « partie intégrante du territoire chinois ».
Les refus constants d’ouverture de dossier de la part de l’ONU fragilise les espoirs du gouvernement taiwanais pour une reconnaissance à court terme de leur souveraineté d’autant plus que dans la configuration actuelle, aucun gouvernement n’a intérêt à s’attirer le courroux de la Chine en remettant en cause l’appartenance de l’île au territoire chinois.

L’Empire du Milieu d’ailleurs met en oeuvre une stratégie d’isolement vis-à-vis de Taiwan, soit par la voie diplomatique comme nous venons de le voir, soit par la voie économique. On peut le noter par exemple lors de l’accord en 2002 (prenant effet mi 2004) concernant l’abaissement des droits de douanes et l’encouragement d’investissements croisés entre la Chine et l’ASEAN dont Taiwan ne fait pas partie. Formose voit en cela bien évidemment un risque de marginalisation au sein des échanges économique de la région, mais préfère l’observer sous un angle différent : d’une part l’île effectue des pactes économiques séparés avec des pays membres, et d’autres part, la proportion d’investisseurs taiwanais présent sur le sol chinois leur permet indirectement de profiter de ce nouvel accord ! En effet, les investissements taiwanais sur le sol chinois font partie des plus importants présents sur la zone. Cela peut être interprété de deux manières différentes : la Chine séduit ainsi un segment influent de la population taiwanaise en faveur d’une réunification de leur pays pour des raisons purement économiques. Mais d’un autre coté, Taiwan se constitue comme étant l’un des poumons financiers de la Chine, qui n’a donc aucun intérêt à résoudre le conflit d’une manière violente.

Taiwan est donc dans une position difficile au niveau de la mise en oeuvre d’une réelle stratégie de puissance. Ces difficultés sont tant d’ordre interne qu’externe.
La reconnaissance de Taiwan comme Etat souverain est évidemment quasiment impossible par des Etats soucieux de préserver de bonnes relations avec l’Empire du milieu et son développement économique fort prometteur ! Ensuite, Taiwan fait face à des dissensions internes importantes. Lors des dernières élections régionales, le président taiwanais Chen Shui-bian n’a pu que constater l’échec de sa politique d’opposition à la Chine. Il est vrai que les voix du rapprochement avec l’Empire se font de plus en plus entendre.
Se positionner comme haut lieu économique et technologique sur la scène internationale (notamment grâce au prolongement des investissements dans les nanotechnologies) pourrait être une solution pour Formose. Quoi qu’il en soit, entre la délocalisation de ses centres de recherches vers la Chine et l’Inde, et la perte du soutien de certains de ces alliés au profit d’un Empire du milieu de plus en plus puissant, les revendications indépendantistes ne semblent guère avoir un réel avenir.

Morgan Cousin