Le vote du projet de convention de l'UNESCO pour la protection et la promotion de la diversité culturelle a été adopté par 151 pays, les États-Unis et Israël, ayant voté contre. En Octobre 2005, le texte était débattu devant la commission culture, avant d'être soumis au vote des délégués des 191 membres de l’Unesco, réunis à Paris pour la 33e conférence générale. La convention, qui devra être ratifiée par 30 pays pour avoir force de loi, passera par un processus long.L’objectif du texte est de protéger la diversité culturelle, promouvoir les traditions ethniques et langues minoritaires, et de protéger les cultures locales des impacts négatifs liés à la mondialisation. Ce document vise à ne pas soumettre l'ensemble des biens et des industries culturelles aux décisions de l'Organisation mondiale du commerce (l'OMC) et au principe de la concurrence libre et non faussée, faisant ainsi de la culture une exception pouvant être subventionnée par les Etats. Cette Convention aurait une portée contraignante pour les Etats signataires qui pourraient s'en prévaloir lors des discussions à l’OMC qui concernent les produits culturels.
L’article 1, de la convention, confirme "le droit souverain des États de conserver, d’adopter et de mettre en oeuvre les politiques et mesures appropriées en vue de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire". L’article 20 stipule que cette convention est "non subordonnée" aux autres traités internationaux. Elle a le même poids que les règles de l’OMC. Chacun est donc libre de ces choix dans ses politiques pour protéger sa culture à l’aide de subventions, quotas et mesures fiscales.
Les seules règles du marché appliquées au secteur culturel serait synonyme d'une homogénéisation ou d’une uniformisation des cultures au profit des modèles culturels dominants, fondées sur une logique marchande qui exclurait l'expression des cultures « moins rentables ». Le danger serait de voir les citoyens de chaque pays adopter les manières de penser et de vivre des Américains selon le concept de « Social Learning ». La position dominante des États-Unis en matière culturelle serait alors assurée et renforcée.
Les luttes au sein de l’Unesco pour créer ou non un instrument juridique contraignant et qui protégera la diversité culturelle reflètent clairement une guerre économique menée par les Américains. Celle-ci tient au fait, que pour eux, il faut faire reconnaître les biens et services culturels comme pouvant être soumis aux règles usuelles du commerce.
Le 1er bilan que l’on peut faire du vote de ce projet de convention est que les Etats Unis auront été abandonnés par leurs fidèles alliés : la Nouvelle-Zélande, l'Australie, le Mexique, l'Argentine, le Guatemala, et le Japon. Seul Israël a voté contre ce projet de convention et le Japon, l'Australie et Israël ont exprimé des réticences, au nom de la liberté des échanges. Selon le journaliste Maurice Ulrich, « la position de l'Union européenne est allée en faveur de l'adoption du texte. On peut sans doute y lire une volonté d'exister face aux États-Unis en matière culturelle ». Les représentants de la Chine et de la Russie, ont soutenu avec force le texte. Et pour la Mauritanie, il constituerait "un véritable antidote contre la mondialisation".
Pour les Américains, le texte de la convention ferait « capoter les progrès vers une mondialisation du commerce sous l'égide de l'OMC ». 27 amendements ont été déposés pour essayer de vider le texte d'une partie de sa substance. Auparavant, Condoleeza Rice avait même évoqué une rupture, soit un retrait des États-Unis de l'UNESCO. Elle a aussi adressé une lettre à tous les ministres des Affaires étrangères leur demandant de prolonger la discussion sur le projet.
Pour de nombreux pays, l’attitude des Etats-Unis n’a rien de surprenante. Certains affirment que « si ils ont réintégré l’Unesco en octobre 2004, après 19 ans de boycottage, c’est justement dans le but manifeste d’empêcher l’aboutissement d’une telle convention. » La bataille pourrait alors se prolonger au moment de la ratification. Ils pourraient exercer des pressions sur certains Etats pour qu'ils ne ratifient pas la Convention. En effet, l'article 20.2 qui précise que «rien dans la présente convention ne peut être interprété comme modifiant les droits et obligations des parties au titre d'autres traités auxquels elles sont parties» est une faiblesse du projet de la convention.
Certains observateurs craignent que les États-Unis ne profitent de cette clause pour multiplier les accords bilatéraux avec d'autres pays, ce qui affaiblirait la convention. Selon Robert Pilon, membre de la coalition pour la diversité culturelle, « les Américains établissent des précédents dans chaque continent et forcent successivement les gouvernements à renoncer, le plus possible, à leur souveraineté sur leur politique culturelle. Généralement, ils leur suffisent de baisser les droits de douane sur certains produits que les pays souhaitent exporter afin d’obtenir le maximum de libéralisation de services ». Malgré les efforts de la France pour empêcher que le Cambodge fasse une offre de libéralisation de ses industries culturelles, rien n’a pu être évité.
"En ce moment, au Burkina Faso ou au Bénin, des diplomates américains mènent un intense travail de lobbying. Ils n’hésitent pas à proposer de rédiger les offres commerciales à la place des représentants africains pour les accords bilatéraux", ajoute François Loos. Jean Musitelli, lui, précise que « dans certains pays d’Europe de l’Est ou au Vietnam, les Américains ont équipé le territoire en salles de cinéma ». Ils essaient de soigner leur image en faisant venir des vedettes hollywoodiennes pour l’inauguration de multiplexes. Il y a aussi des pressions américaines sur le Maroc. Ils proposaient d’ouvrir leur marché aux produits agricoles marocains. En contrepartie, le Maroc devait s’engager à renoncer à sa souveraineté sur ses industries culturelles.
On voit donc les enjeux que suscite la diversité culturelle pour les différents acteurs. La convention, qui devra être ratifiée par 30 pays pour être performante, est le théâtre d’affrontements et de jeux d’influence. Il s’agit maintenant de convaincre que la ratification officielle doit suivre. La France, le Canada, le Québec et l’Espagne mobilisent leur réseau diplomatique dans cette voie. L’adoption de la convention semble acquise mais plus il y aura de pays qui refuseront le mécanisme, moins le traité sera performant, ce qui aura pour conséquence d’avoir une jurisprudence internationale en droit culturel affaiblie.
Martin Mollet
L’article 1, de la convention, confirme "le droit souverain des États de conserver, d’adopter et de mettre en oeuvre les politiques et mesures appropriées en vue de la protection et de la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire". L’article 20 stipule que cette convention est "non subordonnée" aux autres traités internationaux. Elle a le même poids que les règles de l’OMC. Chacun est donc libre de ces choix dans ses politiques pour protéger sa culture à l’aide de subventions, quotas et mesures fiscales.
Les seules règles du marché appliquées au secteur culturel serait synonyme d'une homogénéisation ou d’une uniformisation des cultures au profit des modèles culturels dominants, fondées sur une logique marchande qui exclurait l'expression des cultures « moins rentables ». Le danger serait de voir les citoyens de chaque pays adopter les manières de penser et de vivre des Américains selon le concept de « Social Learning ». La position dominante des États-Unis en matière culturelle serait alors assurée et renforcée.
Les luttes au sein de l’Unesco pour créer ou non un instrument juridique contraignant et qui protégera la diversité culturelle reflètent clairement une guerre économique menée par les Américains. Celle-ci tient au fait, que pour eux, il faut faire reconnaître les biens et services culturels comme pouvant être soumis aux règles usuelles du commerce.
Le 1er bilan que l’on peut faire du vote de ce projet de convention est que les Etats Unis auront été abandonnés par leurs fidèles alliés : la Nouvelle-Zélande, l'Australie, le Mexique, l'Argentine, le Guatemala, et le Japon. Seul Israël a voté contre ce projet de convention et le Japon, l'Australie et Israël ont exprimé des réticences, au nom de la liberté des échanges. Selon le journaliste Maurice Ulrich, « la position de l'Union européenne est allée en faveur de l'adoption du texte. On peut sans doute y lire une volonté d'exister face aux États-Unis en matière culturelle ». Les représentants de la Chine et de la Russie, ont soutenu avec force le texte. Et pour la Mauritanie, il constituerait "un véritable antidote contre la mondialisation".
Pour les Américains, le texte de la convention ferait « capoter les progrès vers une mondialisation du commerce sous l'égide de l'OMC ». 27 amendements ont été déposés pour essayer de vider le texte d'une partie de sa substance. Auparavant, Condoleeza Rice avait même évoqué une rupture, soit un retrait des États-Unis de l'UNESCO. Elle a aussi adressé une lettre à tous les ministres des Affaires étrangères leur demandant de prolonger la discussion sur le projet.
Pour de nombreux pays, l’attitude des Etats-Unis n’a rien de surprenante. Certains affirment que « si ils ont réintégré l’Unesco en octobre 2004, après 19 ans de boycottage, c’est justement dans le but manifeste d’empêcher l’aboutissement d’une telle convention. » La bataille pourrait alors se prolonger au moment de la ratification. Ils pourraient exercer des pressions sur certains Etats pour qu'ils ne ratifient pas la Convention. En effet, l'article 20.2 qui précise que «rien dans la présente convention ne peut être interprété comme modifiant les droits et obligations des parties au titre d'autres traités auxquels elles sont parties» est une faiblesse du projet de la convention.
Certains observateurs craignent que les États-Unis ne profitent de cette clause pour multiplier les accords bilatéraux avec d'autres pays, ce qui affaiblirait la convention. Selon Robert Pilon, membre de la coalition pour la diversité culturelle, « les Américains établissent des précédents dans chaque continent et forcent successivement les gouvernements à renoncer, le plus possible, à leur souveraineté sur leur politique culturelle. Généralement, ils leur suffisent de baisser les droits de douane sur certains produits que les pays souhaitent exporter afin d’obtenir le maximum de libéralisation de services ». Malgré les efforts de la France pour empêcher que le Cambodge fasse une offre de libéralisation de ses industries culturelles, rien n’a pu être évité.
"En ce moment, au Burkina Faso ou au Bénin, des diplomates américains mènent un intense travail de lobbying. Ils n’hésitent pas à proposer de rédiger les offres commerciales à la place des représentants africains pour les accords bilatéraux", ajoute François Loos. Jean Musitelli, lui, précise que « dans certains pays d’Europe de l’Est ou au Vietnam, les Américains ont équipé le territoire en salles de cinéma ». Ils essaient de soigner leur image en faisant venir des vedettes hollywoodiennes pour l’inauguration de multiplexes. Il y a aussi des pressions américaines sur le Maroc. Ils proposaient d’ouvrir leur marché aux produits agricoles marocains. En contrepartie, le Maroc devait s’engager à renoncer à sa souveraineté sur ses industries culturelles.
On voit donc les enjeux que suscite la diversité culturelle pour les différents acteurs. La convention, qui devra être ratifiée par 30 pays pour être performante, est le théâtre d’affrontements et de jeux d’influence. Il s’agit maintenant de convaincre que la ratification officielle doit suivre. La France, le Canada, le Québec et l’Espagne mobilisent leur réseau diplomatique dans cette voie. L’adoption de la convention semble acquise mais plus il y aura de pays qui refuseront le mécanisme, moins le traité sera performant, ce qui aura pour conséquence d’avoir une jurisprudence internationale en droit culturel affaiblie.
Martin Mollet