Les Think Tanks français

Les Think Tanks français , nouveaux piliers de la stratégie de puissance de la France, ou simple reproduction du modèle partitocratique ?

En France, le phénomène des Think Tanks est relativement récent : Même si certain Think tanks se sont créés à la fin des années 1970, à l’image de l’Institut de l’Entreprise -1975-, le phénomène de création de Think Tanks prend de l'ampleur entre le début des années 1990 et 2000.Sous l’impulsion de chefs d'entreprise et d’experts les Think Tanks français existent officiellement le plus souvent sous la forme d'une association loi 1901, la législation ne permettant pas l'existence d'institutions privées à l'américaine. Mais si ces organisations ont un fonctionnement différent de leurs homologues américains, leurs objectifs restent les mêmes. La France compte à ce jour quelques dizaines de Think Tanks : citons parmis eux l’Institut Montaigne, créé en 2000 par Claude Bébéar, ancien président d’AXA ; L’Ami public, fondé en 2002 par Christian Blanc, ancien président d’Air France ; Croissance Plus, fondé en 1997 par Charles Begbeider, Président de Poweo…Les Think Tanks français, de tendance libérale pour la majorité d’entre eux, se sont développé sur la base d’un même constat : Le débat public, trop souvent accaparé par les parti politiques et l’administration, laissant la société civile à l’écart, est « en panne d’idées ». L’objectif pour les Think Tanks est donc clair: continuer à alimenter la réflexion des chefs d’entreprise sur les enjeux économiques et sociaux d’aujourd’hui, et de prendre en compte le rôle majeur joué par l’entreprise dans la société, dans la mesure où c’est elle qui est au centre du processus de création de richesse. La principale spécificité des Think Tanks est de faire se croiser des approches académiques et entrepreneuriales, le but étant de véhiculer des idées « transpolitiques ». Pour exemple, la concentration des travaux des Think Tanks sur des thèmes principaux, à l’image de l’Institut Montaigne : la cohésion sociale, la modernisation de la sphère publique et la stratégie économique et industrielle de la France. La priorité affichée étant la réforme urgente de l’Etat. Définie comme des institutions privées non partisanes sans but lucratif, indépendantes des administrations, des universités et des intérêts économiques, ces clubs de réflexion, où se côtoient des leaders d'opinion, s'appuient en général sur des études, des rapports ou des événements comme des forums, des séminaires pour diffuser leurs idées auprès des responsables politiques, avec des visées précises. La réflexion débouche sur l'action - Une forme de lobbying très ciblé auprès des politiques- et doit mener à des résultats, par exemple un projet de loi : « une fois nos idées émises, on mène un lobbying très actif », a déclaré Philippe Manière, actuellement directeur général de l'institut Montaigne et ancien journaliste, qui passe un cinquième de son temps rue de Varenne et rue de Grenelle .

Fondée en 1997 par l'économiste Michel Rousseau, et parrainée par Jérôme Monod, conseiller politique de Jacques Chirac, la Fondation Concorde compte parmi les modèles de Think Tanks français les plus aboutis .Think Tank le plus proche de l'Elysée, ses membres actifs sont régulièrement invités à dîner par le président de la République, des occasions pour apporter leurs conseils et faire part de leurs réflexions directement au chef de l'Etat. A l’heure actuelle, la Fondation Concorde est un lobby d'environ 1 800 membres et de plusieurs dizaines d'experts qui se réunissent dans différentes commissions de travail. Selon les idées véhiculées par La Fondation, les idées entrepreunariales doivent prévaloir: sans création de richesse il ne peut y avoir de politiques sociales. La Fondation Concorde résume son utilité par un objectif : " Faire de la France le pays le plus prospère d'Europe". La Fondation Concorde est un cercle de réflexion qui met en place des groupes de travail, des commissions sur divers sujets dont les perspectives sont de réhabiliter la responsabilité, valoriser l'initiative et consolider l'esprit d'entreprise,de démultiplier les initiatives et les emplois pour augmenter le pouvoir d'achat, de veiller à la modernité et à la qualité des services publics, et enfin, d'assurer les solidarités du peuple français pour mieux défendre les intérêts nationaux en Europe et dans le monde.

Cependant, force est de constater une dualité dans le paysage des Think Tanks en France, qui pourrait s’interpréter comme une simple duplication du modèle « partitocratique » et parcellaire français. Les partis ne se privent pas de créer leur propre filiale de « boîtes à idées », à travers les « fondations politiques ». Ainsi, la Fondation pour l'innovation politique, estampillée UMP, a vu le jour en 2004, et celle du PCF, la fondation Gabriel-Péri, est en attente d'un décret. Les fondations Jean-Jaurès (PS) et Robert-Schuman (UDF) , quant à elles, sont apparues en France en 1992. Le modèle présent du Think Tank français apparaît comme un reflet du paysage nationale : oscillant entre modèles réformateurs –abolition des clivages politiques et professionnels, mise en valeur de la société civile comme acteur majeur du débat public, volonté de faire prendre conscience de l’importance de l’innovation et de l’entrepreneuriat comme nouvelle donne stratégique- ; et duplication du schéma « partitocratique » – constitution de simples formations et clubs de réflexion dans le but d’alimenter les partis politiques en mal d’arguments et de thèmes électoralistes- force est de constater que ce modèle arrive à maturité : La compréhension et la maîtrise de l’outil de puissance -dans un contexte de société de l’information- qu’est le Think Tank par les politiques, est en passe d’être réalisée : la création de la Fondation Prométheus par les députés Bernard Carayon (UMP) et Jean-Michel Boucheron (PS) en est l’exemple le plus significatif. Sa mission première sera de suivre l'évolution des systèmes nationaux d'intelligence économique des grands pays industrialisés. Elle contribuera de ce fait à faire renaître un raisonnement en terme de stratégie de puissance dans les milieux politiques et de décisions de la France, qui délaissaient cette question.

BN