Les équipementiers automobiles confrontés à de multiples menaces


Cette année 2005, aura été une année pleine de surprises pour les équipementiers automobiles découvrant pour certains que les bas prix chinois ne sont pas leurs pires ennemis.

 

Des menaces diversifiées
L’histoire la plus retentissante en France, fut sûrement l’histoire de la petite « Lili » qui aurait dérobé des données confidentielles sur le site de La Verrière de Valeo. C’est ainsi, qu’un nombre impressionnant de documents techniques (zone la plus sensible chez Valeo) ont pu passer en mains étrangères. Ce n’est pourtant pas la seule affaire à laquelle fut confrontée Valeo cette année. Durant le salon de l’Equip’Auto de Novembre, des pièces contrefaites sont proposées aux constructeurs par de simples exposants ayant payés comme tous, leur cotisation au salon. De quoi refroidir et expliquer la menace de boycott des principaux équipementiers français (Bendix, Valeo, Corteco, Eyquem, Dana et SNR) pour le salon Equip’Auto d’Algérie. Pour lutter contre de tels agissements, Valeo a bien tenté de s’armer mais encore une fois, l’amateurisme surprend. En juin dernier, le responsable de la contrefaçon de Valeo commet l’irréparable. Basé en Chine, Nicolas L. est chargé de développer des systèmes de sécurité et d’organiser avec des avocats et des détectives locaux, des « raids » en compagnie de policiers ou de douaniers chinois. Alors qu’il se trouve sur le salon Auto Mechanika de Francfort, il vole des échantillons contrefaits sur le stand d’un concurrent. Il sera dénoncé puis mis à pied par la direction les jours suivants. Mais il ne faut pas croire que Valeo soit la seule société concernée par l’espionnage, la contrefaçon, les attaques informationnelles…
Le 3 Octobre 2005, Michelin, manufacturier français ayant considérablement investi en matière d’intelligence économique, révèle avoir été victime du vol d’un pneu Z BTO lors du rallye du Japon. Ce pneu, équipant les voitures de Sébastien Loeb, représenterait selon Michelin « 5 ans de gain en R&D » pour ses concurrents. Cette disparition n’est pas une première, Michelin avait déjà été victime du vol avec effraction d’un pneu moto de Superbike sur le circuit irlandais de Mondello Park.

Et des attaques informationnelles
Maintenant, c’est au tour de Firestone de se retrouver au cœur de l’information. L’International Labor Rights Fund porte plainte contre Firestone en l’accusant d’exploitation de main d’œuvre au Libéria. Simultanément, des articles apparaissent à travers le web jusqu’au Nouvel Observateur. Une histoire qui intervient juste après l’étude de la SAMFU à propos des risques environnementaux que représente la plantation. Encore une fois, l’enjeu est de taille. La Firestone Rubber Plantation est l’une des plus grande plantation d’extraction de gomme au monde et a été au cœur de la guerre entre rebelles et gouvernements à plusieurs reprises. Cette pratique nous rappelle le précédent article paru sur Infoguerre sur la responsabilité sociales des entreprises.

Une nécessaire prise de conscience
Il est temps que les équipementiers ouvrent leurs yeux sur le monde dans lequel ils évoluent. Le temps est fini où les affrontements concernaient principalement des guerres de prix et de technologie. Différents syndromes mènent à l’émergence de ces nouvelles pratiques.
Ainsi, avec la place grandissante de l’Aftermarket, le rôle de l’image de marque des entreprises est devenue ultrasensible, spécialement parmi les Français, qui à l’image de nombreux autres secteurs, se sont spécialisés dans la qualité et la technologie. La technologie est, elle aussi un nouveau nerf de la guerre. Il ne s’agit plus de surveiller son adversaire pour pouvoir comprendre ses évolutions technologiques et tenter de les suivre. A contrario, maintenant, certains acteurs asiatiques se spécialisent pour décortiquer le plus vite possible les produits concurrents et les refaire dans la foulée à moindre qualité et surtout moindre coût.
De plus, les équipementiers occidentaux qui ont su devenir indépendants de la politique et des constructeurs nationaux se retrouvent confronter à des acteurs qui eux, sont toujours soutenus par le réseau économique et politique local à l’image de la situation en Corée du Sud. Ainsi, la fusion Daewoo-GM, au lieu de favoriser l’introduction d’équipementiers internationaux en Corée du Sud a provoqué à contrario l’arrivée de nouveaux acteurs sud coréens sur les marchés internationaux.
Il y a peu de secteur ou autant d’acteurs foisonnent. Entre les principaux acteurs internationaux et les nouveaux des pays émergeants (Inde, Chine, Iran, Russie, ASEAN, Corée Du Sud), l’offre est de plus en plus segmentée. Ainsi, des faillites à l’image de Delphi seront obligatoires afin de revenir au juste équilibre du nombre d’acteurs critiques que peut supporter le marché.

Quelles solutions ?
Diverses solutions doivent être mises en place et méritent d’être étudiées dans le détail. La mise en place de cellules d’intelligence économique semble, au vu de ces différents exemples, la plus réaliste dans sa concentration d’outils et de moyens. Ces cellules pourraient jouer un rôle centralisateur des résultats de veille produit, matière et technologie. Certes, cette veille est déjà réalisée de manière sérieuse et complète dans le secteur, mais souvent les résultats ne sont ni centralisés, ni facilement accessibles par tous, ni traités avec un point de vue global. En plus de cette première mission, les cellules d’intelligence économique pourraient apporter des visions géoéconomiques sur les marchés, les concurrents, les partenaires et autres acteurs du marché (ONG par exemple). Ainsi, elles auraient à cœur de surveiller les attaques informationnelles puis de proposer des actions à mettre en œuvre pour les parer. Enfin, elles seraient force de proposition et d’action à la création d’observatoires spécialisés sur la contrefaçon et force d’appui à des démarches ciblées de lobbying. On se rend ainsi compte de l’intérêt primordial qu’auraient l’intelligence économique et les équipementiers automobiles à se rencontrer afin de répondre à ces problématiques stratégiques.

Sylvain Hedde