Depuis de longues années, Serge July nous a habitué à l’affairisme de presse et aux glissements éditoriaux qui en découlent. Il est dommage que certains de ses journalistes suivent un chemin parallèle en singeant une posture morale post soixante-huitarde qui n’amuse plus grand monde. Mais la baisse du nombre de lecteurs, au même titre que la crise sociale révélée par la récente grève du personnel, n’est pas une circonstance atténuante pour tolérer les dérapages démagogiques de ce quotidien. Celui-ci s’est surpassé dans la médiocrité rédactionnelle à travers l’amalgame qu’il vient de pratiquer dans son article titré Barbouzeries industrielles au bout des canons paru le 1er décembre 2005. En prenant le prétexte de la sinistre affaire Gomez contre Matra, le journaliste de Libération Renaud Lecadre se lâche en ces termes en parlant de l’intelligence économique : « L'intelligence économique a encore reculé d'un cran hier devant le tribunal correctionnel de Paris en charge de l'affaire «Couper les ailes de l'oiseau». La société Thomson y est accusée de tentative d'extorsion de fonds contre le groupe Lagardère, sur fond de règlements de comptes entre marchands de canons. De fait, l'intelligence économique est la nouvelle appellation de l'espionnage industriel, qu'il soit pratiqué par des services gouvernementaux ou des officines privées, ses praticiens ayant la fâcheuse tendance de passer de l'un à l'autre. »
Résumer l’intelligence économique à ce genre de duel fratricide franco-français est bien pratique pour les individus qui se contentent de regarder passer les trains. L’avenir de notre pays n’est pas dans les mains de journalistes de ce type. C’est clair mais cela ne leur donne pas le droit de confondre le crachat avec la plume. Les personnes qui se battent pour que les entreprises françaises résistent à une compétition économique de plus en plus acharnée, ne se reconnaissent pas dans ces propos stupides. L’intelligence économique collective que nous bâtissons pas à pas depuis 20 ans s’inscrit dans une autre vision du monde. Elle est le fruit de la lutte continue (qui ne se limite pas à trois jours de grève) pour défendre les emplois sur ce territoire qu’est la France, de la combativité informationnelle indispensable au développement compétitif de la France et à la préservation de son mode de vie, de la lucidité évidente sur le fait que nous perdons du terrain face à des pays en recherche de puissance comme la Chine, vis-à-vis de laquelle il est bien vain de croire que aurons toujours deux coups d’avance technologique. La confrontation rampante que vit aujourd’hui le personnel de Libération avec les nouveaux financiers du journal risque peut-être un jour, de leur démontrer à quoi sert l’intelligence économique dans un combat pour la survie. Souhaitons-leur que ce la ne soit une démonstration par l’absurde.
L’équipe d’Infoguerre