Stéphane Paoli le faisait remarquer lundi matin sur France Inter. Il est de plus en plus difficile d’échapper aux rumeurs, quelque soit le registre de l’information traitée. Il faut dire que c’est un journaliste qui sait de quoi il parle. Il est lui-même la cible d’un auditeur qui le défie régulièrement, en changeant régulièrement d’identité, lorsque les auditeurs prennent la parole pour poser des questions à l’invité du 7/9 entre 8h40 et 9h. Est-ce vraiment le problème de la rumeur qui prend aujourd’hui cette dimension déstabilisatrice ? Les analyses du professeur Jean-Noël Kapferer, auteur de Rumeur, le plus vieux média en ligne (Editions du Seuil, 1987) sont désormais devenues une sous-catégorie d’un phénomène bien plus vaste. La manipulation de l’information est désormais un art de la guerre comme un autre qui recouvre de multiples dimensions conflictuelles. La plus vaste est mesurable à l’échelle planétaire : il s’agit d’Internet, l’ultime avatar de la société de l’information. Internet n’est pas simplement un formidable instrument de communication, il est aussi un univers conflictuel en devenir. Les sites pro Ben Laden en sont une des illustrations les plus voyantes. Mais ces hauts parleurs numériques du terrorisme ne sont que l’expression de petites escarmouches. Les enjeux majeurs se jouent sur d’autres échiquiers moins spectaculaires. L’éditorial du Monde diplomatique de novembre 2005 a le mérite de souligner l’importance de l’enjeu stratégique du contrôle d’Internet, qui est aujourd’hui sous l’emprise quasi-totale des Etats-Unis d’Amérique. En réclamant que «l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) cesse d’être sous contrôle de Washington et devienne enfin un organisme indépendant relevant des Nations unies », Ignacio Ramonet place la barre à la bonne hauteur du débat sur le contrôle de l’information dans cet espace infini de la société de l’information.
Mais ne rêvons pas, les Etats-Unis ne sont prêts de lâcher un tel pouvoir. La pression de l’Europe, de la Chine ou du Brésil pour ouvrir la gouvernance d’Internet à la communauté des nations ne sera pas suffisante pour amener les Etats-Unis à céder le contrôle de la toile à l’occasion de la fin du contrat qui lie l’ICANN au ministère du commerce américain en septembre 2006. Le débat n’est pas public et n’intéresse très peu de monde dans les sociétés civiles des différents pays membres de l’ICANN. A l’exception de certains lobbies qui veillent à la défense de leurs intérêts. Ce fut le cas de certains groupes pharmaceutiques qui s’opposèrent à la création d’un point « s », souhaité par l’Organisation Mondiale de la Santé. En profitant du cadre ésotérique des débats de l’ICANN, les lobbies pharmaceutiques ont bloqué la création de ce point « s » pour éviter de voir apparaître un canal d’information sur la santé publique qu’ils ne maîtriseraient pas.
Les tentatives de débat au niveau international se limitent à des interventions très consensuelles. Diplomatie oblige. Le premier sommet mondial sur la société de l’information de Genève en décembre 2003, a été plutôt décevant. Les débats se sont limités à des aspects purement consensuels. Aucun groupe de discussion n’a abordé les enjeux de puissance liés au contrôle de l’information par le biais d’Internet. Le second sommet qui aura lieu du 16 au 18 novembre à Tunis reste très politiquement correct en posant le problème sous l’angle du respect des règles. La question «comment instaurer un contrôle plus démocratique d’Internet ? » élude une fois de plus les jeux d’influence géostratégiques et géoéconomiques. Cette limitation du cadre du débat favorise ceux qui maîtrisent les procédures de contrôle à peine visibles pour un profane (par exemple l’attribution d’un nom de domaine) et les procédures de contrôle invisibles (les services de renseignement et de sécurité français bloquent l’accès d’Internet à la plupart de leur personnel pour éviter de se faire piéger par la National Security Agency américaine ou par d’autres centrales de renseignement). Que rapporte un tel contrôle ? Il serait très utile de l’étudier. Lorsque Ignacio Ramonet le compare à la surveillance des voies maritimes chères à l’empire britannique de la reine Victoria, il est trop elliptique. Il est temps de dire ce que nous coûte cette dépendance en terme clairs et audibles pour les profanes que nous sommes. Si les Etats-Unis ne veulent pas abandonner un tel pouvoir, ils ont sans doute de bonnes raisons. Or ce sont justement ces bonnes raisons que nous souhaitons connaître. Cette question-là ne sera malheureusement pas abordée au sommet de Tunis.
Mais ne rêvons pas, les Etats-Unis ne sont prêts de lâcher un tel pouvoir. La pression de l’Europe, de la Chine ou du Brésil pour ouvrir la gouvernance d’Internet à la communauté des nations ne sera pas suffisante pour amener les Etats-Unis à céder le contrôle de la toile à l’occasion de la fin du contrat qui lie l’ICANN au ministère du commerce américain en septembre 2006. Le débat n’est pas public et n’intéresse très peu de monde dans les sociétés civiles des différents pays membres de l’ICANN. A l’exception de certains lobbies qui veillent à la défense de leurs intérêts. Ce fut le cas de certains groupes pharmaceutiques qui s’opposèrent à la création d’un point « s », souhaité par l’Organisation Mondiale de la Santé. En profitant du cadre ésotérique des débats de l’ICANN, les lobbies pharmaceutiques ont bloqué la création de ce point « s » pour éviter de voir apparaître un canal d’information sur la santé publique qu’ils ne maîtriseraient pas.
Les tentatives de débat au niveau international se limitent à des interventions très consensuelles. Diplomatie oblige. Le premier sommet mondial sur la société de l’information de Genève en décembre 2003, a été plutôt décevant. Les débats se sont limités à des aspects purement consensuels. Aucun groupe de discussion n’a abordé les enjeux de puissance liés au contrôle de l’information par le biais d’Internet. Le second sommet qui aura lieu du 16 au 18 novembre à Tunis reste très politiquement correct en posant le problème sous l’angle du respect des règles. La question «comment instaurer un contrôle plus démocratique d’Internet ? » élude une fois de plus les jeux d’influence géostratégiques et géoéconomiques. Cette limitation du cadre du débat favorise ceux qui maîtrisent les procédures de contrôle à peine visibles pour un profane (par exemple l’attribution d’un nom de domaine) et les procédures de contrôle invisibles (les services de renseignement et de sécurité français bloquent l’accès d’Internet à la plupart de leur personnel pour éviter de se faire piéger par la National Security Agency américaine ou par d’autres centrales de renseignement). Que rapporte un tel contrôle ? Il serait très utile de l’étudier. Lorsque Ignacio Ramonet le compare à la surveillance des voies maritimes chères à l’empire britannique de la reine Victoria, il est trop elliptique. Il est temps de dire ce que nous coûte cette dépendance en terme clairs et audibles pour les profanes que nous sommes. Si les Etats-Unis ne veulent pas abandonner un tel pouvoir, ils ont sans doute de bonnes raisons. Or ce sont justement ces bonnes raisons que nous souhaitons connaître. Cette question-là ne sera malheureusement pas abordée au sommet de Tunis.