Dominique de Villepin: bâtir une stratégie géoéconomique pour la France ?

Durant l’été 2005, le Premier Ministre Dominique de Villepin parlait de patriotisme économique, suite à l’affaire Danone (qui n’est pas forcément le cas d’exemplarité le plus crédible, compte tenu de ce qui est dit sur sa véracité par des personnes en charge de l’Intelligence économique au niveau étatique), et dans la foulée sont créées les nouveaux pôles de compétitivité. Fin octobre 2005, ce dernier déclare supprimer le Commissariat Général du Plan et le remplacer par un « centre d’analyse stratégique ».


Ces différentes mesures esquissent une nouvelle démarche pour définir la politique stratégique et économique de la France. Elles interviennent au moment où un nombre infime de nos compatriotes et de nos élites prend conscience de l’importance d’un repositionnement de notre pays dans le cénacle des puissances économiques. Car non content de perdre de l’influence sur la scène internationale, nous perdons également de l’influence au sein même de l’Europe. Une institution dont notre patrie est cofondatrice. Qu’est devenue notre culture des réseaux ? Le 21ème siècle est plus que jamais plongé dans la course à l’information, à la connaissance et au savoir. Si nous perdons des postes clés au sein même de l’Europe, ce qui induit la perte de contrôle de l’information, nous ne pouvons en aucun cas prétendre à quelque rayonnement que ce soit. N’oublions pas que la manière de manager l’information de manière offensive est une étape essentielle de la guerre économique. Nos élites ont encore beaucoup de mal à parler de « guerre économique », résultat de l’entretien parfait d’un système de pensée, lié au traumatisme des grandes guerres du 20ème siècle, et à la fin de l’air bipolaire. Ce système de pensée dont Raymond Aron fût l’une des victimes, empêche notre système d’évoluer à la même vitesse que nos concurrents et nos adversaires. La guerre économique est bien réelle.

Elle est effectivement « le prolongement de la politique des Etats », de leur volonté à organiser la survie des peuples et à ne pas subir le pouvoir des autres. Nous devons arrêter de penser le « politiquement correct », il ne semble pas être porteur de résultats. L’Allemagne et le Japon ont connu la défaite à l’issue des guerres et ont su limiter le traumatisme et peut-être même en tirer des leçons pour savoir identifier les nouveaux enjeux de puissances et organiser non seulement la reconstruction économique mais aussi la réflexion nécessaire à l’élaboration de leurs stratégies. Est-il judicieux d’analyser notre matrice culturelle en dehors de l’analyse des matrices des autres pays ? Une comparaison permettrait de comprendre le retard accumulé dans ce domaine. Nos politiques doivent comprendre la nécessité de s’entourer de nouveaux stratèges et de « soldats économiques ». Nous devons radicalement apprendre à rassembler les connaissances et les savoir faire, afin d’optimiser les résultats liés aux objectifs que l’on doit se donner pour retrouver une dynamique concurrentielle et une stratégie économique à la hauteur de l’image de notre pays. Parler de croissance, d’emploi, et de réforme sociale ne peut être viable que si l’on est capable de se débarrasser de nos vieux démons. La dissolution d’une institution inadaptée dans le contexte actuel, afin de créer un nouveau «Centre d’analyse stratégique », ne peut pas être efficace si les mêmes acteurs sont maintenus. Même si certains ont une capacité inédite de retourner leur veste pour préserver leurs privilèges de représentation.

Olivier Larzille
EGE 2006