L’Industrie du mensonge. Lobbying, communication, publicité & médias

A l’origine, L’Industrie du mensonge. Lobbying, communication, publicité & médias a été rédigé pour mettre à jour les opérations de manipulation de l’opinion publique et de la politique gouvernementale par les cabinets de relations publiques. La démarche cherchait à révéler les actions et les procédés mis en place par ces agences de lobbying pour influencer les décisions. Force est de constater que cet ouvrage remplit pleinement ses objectifs.Face aux entreprises, le citoyen-consommateur détient un énorme pouvoir que lui-même soupçonne à peine : choisir de consommer ou non tel ou tel produit. Ce choix reste au demeurant « trop dangereux » pour être laissé au seul bon vouloir du citoyen ; ce dernier doit être guidé ! Les agences de lobbying jouent ce rôle de conseiller « éclairé » pour simplement et distinctement expliquer ces sujets trop complexes que sont le nucléaire, le tabac, les OGM, la santé…

Les auteurs passent en revue les procédés et les savoir-faire en prenant appui sur de réelles campagnes d’opinion : financement de partis politiques et création d’associations regroupant des pseudo-scientifiques pour soutenir l’industrie du tabac, utilisation des bandes dessinées à destination des enfants par les compagnies d’électricité pour promouvoir le nucléaire aux Etats-Unis…
La création d’associations fantômes ou la récupération de mouvements existants sont des pratiques couramment employées pour influencer les leaders d’opinion. Pour se faire, des structures sont créer ex-nihilo, d’autres agrégent de réels militants ou des personnalités connues du secteur servant ainsi de gages… l’objectif étant qu’au final les associations sur lesquelles reposent les campagnes paraissent authentiques. Cette stratégie se présente comme une « démocratie synthétique ».

L’ouvrage présente également les stratégies des agences de lobbying visant à contrer les militants trop « gênants ». Selon Ronald Duchin, vice-président d’un cabinet de relations publiques, il existe quatre types de militants : les révolutionnaires, les opportunistes, les idéalistes et les réalistes. Voici sa démarche pour les maîtriser : isoler les révolutionnaires ; puis flatter les idéalistes et les éduquer pour les transformer en réalistes ; enfin récupérer les réalistes pour qu’ils adoptent le point de vue de l’industrie menacée.

Malgré des exemples souvent anciens et avant tout localisés aux Etats-Unis, cet ouvrage brille par sa clarté d’écriture, la précision de ses exemples et la démonstration du pouvoir détenu par ceux qui « murmurent à l’opinion publique ».

Précisions de Roger Lenglet qui a préfacé l’ouvrage et l’a complété d’exemples européens.

« Duper l’opinion et plier les autorités aux intérêts des grands groupes industriels est un métier qui porte un nom : le lobbying. Ce livre révèle les procédés qu’utilisent les lobbyistes pour nous vendre aussi bien les vertus du tabac ou du nucléaire que celles des OGM ou de la guerre ; il dit dans quelles circonstances et sur quelles personnes ils les emploient. La diversité des protagonistes abordés, des stratégies exposées et la précision des faits répondent au souci d’analyser au plus près ce domaine, qui a pris une ampleur nouvelle et que l’on peut définir comme « l’art des pratiques d’influence appliqué à la décision politique ». Un art du secret recourant à des procédés inavouables et qui donne au mensonge une place sans précédent dans nos sociétés.

A-t-on pris assez conscience du rôle paradoxal que l’on fait jouer à l’« opinion publique » ? Objet d’un immémorial mépris dissimulé derrière les discours « démocrates » qui servent de masque à la plupart des gouvernants contemporains, formés aux mêmes certitudes qu’un Machiavel convaincu de l’éternelle bêtise du peuple et de la nécessité de le manipuler. L’immense majorité de nos élites est intimement convaincue que les citoyens sont dénués des qualités de jugement qui leur permettraient d’accéder à une bonne intelligence des informations sensibles et de fonder réellement la démocratie, en un mot que nos opinions sont condamnées à se nourrir des produits de l’« industrie du mensonge ». La seule différence entre la philosophie de Machiavel et le pragmatisme sans portée de nos dirigeants tient précisément à la finalité inaliénable du premier : la défense de l’intérêt général. User de mensonges pour accomplir le bien public, même si ce principe reste moralement et intellectuellement condamnable, reste une attitude philosophique diamétralement opposée à celle qui fait du mensonge l’instrument de fins viles, le moyen d’un mercantilisme passant s’il le faut sur le corps de ses semblables. »

John Stauber & Sheldon Rampton, « L’Industrie du mensonge. Lobbying, communication, publicité & médias ».

AVS