Comment l’ONG Public Citizen prépare sa guerre de l’information contre Suez.

Un correspondant nous a fait parvenir ce document traduit d’un  texte rédigé par Public Citizen afin qu’il soit réutilisé à des fins de propagande en France. La traduction n’est pas toujours parfaite et il manque les notes en soutien à l’argumentation qui ne figurait pas dans ce brouillon. 

 

Sommaire

Partie I: Historique........................................................................................................................... 1

Devoiler la nouvelle strategie du groupe................................................................................................................................. 2

Ameliorer le “climat d'investissement” general...................................................................................................................... 3

Partie II: etudes de cas : Suez dans des communautes tout autour du monde................................ 6

Defaite a Atlanta, Georgie USA................................................................................................................................................. 6

Batailles pour l'eau a Manille, Philippines................................................................................................................................ 8

Buenos Aires, Argentine............................................................................................................................................................. 9

Jakarta, Indonesie..................................................................................................................................................................... 12

Johannesburg, Afrique du Sud................................................................................................................................................ 14

Autres cas dans le monde…...................................................................................................................................................... 16

Conclusion................................................................................................................................................................................. 17

annexe 1.......................................................................................................................................... 18

Se forger des influences : Suez joue un role dans des associations commerciales importantes...................................... 18

adhesions de Suez...................................................................................................................................................................... 19

annexe 2.......................................................................................................................................... 19

Connections de Suez et Renvois d'Ascenceurs........................................................................................................................ 19

 

Profil du groupe : Suez

La seule chose pire que d’être un actionnaire, c’est d’être un client

Partie I: Le contexte

Son endettement s’élève à 29 milliards de $. Le groupe a enregistré 950 millions de $ de pertes nettes en 2002. Cela a juste fait gâcher de gros contrats d’envergure à Atlanta, Buenos Aires, et Manille.  Ses actions ont perdu les deux tiers de leur valeur l’année dernière. Nous parlons de Suez, l’une des plus grosses compagnies des eaux privées dans le monde et ce n’est pas joli à voir. Et ça, c’est juste si vous êtes actionnaire.

C’est même encore pire si vous êtes l’un des 125 millions de clients des compagnies des eaux Suez dans l’un des quelques 130 pays où elles opèrent. Suez fait ce qu’elle peut pour essayer de renverser le cours de ses déboires financiers. Cela signifie qu’en tant que divisions spécialisées dans l’eau, Ondeo et United Water ont pris le contrôle du système de distribution d’eau d’une ville, avec pour priorité principale de réduire les coûts, parce des coûts faibles signifient des bénéfices plus importants. Suez a donc ramené les effectifs du système de gestion de l’eau à des niveaux inadaptés, n’a pas effectué la maintenance requise, a essayé de différer ou d’éviter tout investissement coûteux dans l’infrastructure, réclame des tarifs plus élevés, plus d’argent du gouvernement voire les deux, et accuse les pouvoirs publics, ou simplement le public, de tous les problèmes de la société. Les clients, pour finir, payent plus cher pour une prestation de moindre qualité.

Qu’il s’agisse de cadres du secteur industriel touchant des salaires surévalués ou de fonctionnaires du gouvernement versant un pot de vin industriel, d’idéologues pondérés suçant leur pouce dans des sacro-saints groupes de réflexion, ou d’experts aux tempes grises et en costume cravate, ils examinent tous, cloîtrés dans des institutions financières internationales telles que la Banque Mondiale, les apôtres et promoteurs de la privatisation qui scandent que les groupes de sociétés constituent la Grande Réponse d’un monde en voie de développement qui  a désespérément besoin d’eau potable et saine. Le commerce viendra à leur secours, le mot est lâché.

Suez, cependant, opère sur le marché de l’eau et non sur celui de l’humanitaire. En ce qui la concerne, la raison principale pour laquelle la société a perdu 900 millions de $ en 2002, c’est l’Argentine. Comment Suez aurait pu gagner de l’argent avec ses clients en Argentine avec l’énorme crise fiscale de cette nation et l’effondrement de sa devise nationale. C’était impossible. Suez a bu la tasse et renoncé à 500 millions de $. Et Suez en a eu assez.

Dévoiler la nouvelle stratégie de la Société

Suez a dévoilé en janvier 2003 le “plan d’action” qu’elle avait conçu pour sortir la société de son endettement colossal et la ramener sur la voie du profit. L’une des mesures principales de ce plan consiste à réduire d’un tiers les risques auxquels la société est confronté dans les « pays émergeants ».”4 Suez a demandé à ses sociétés de devenir rentables en trois ans, misant sur un potentiel de 27 ans de rentabilité sur ses contrats de bail et de concession.

Parmi les autres “problèmes” du portefeuille de pays émergeants de Suez, la faiblesse des devises a eu pour conséquence un “refus/une impossibilité spécifique d’augmenter le prix de l’eau, conformément aux contrats, afin de compenser la dévaluation des effets de dépréciation.” A Manille, Buenos Aires et dans d’autres villes, Suez a découvert que les structures gouvernementales fixaient des limites aux réponses qu’elles accordaient aux exigences des sociétés. Même la capacité politique des organismes réglementaires peu puissants créés pour « travailler en partenariat » avec les intérêts des sociétés, était limitée et ne pouvait continuer à imposer aux consommateurs des augmentations de tarif incessantes pour compenser les dévaluations de devises ou autres mauvaises fortunes de la société. Ceci étant, la société réduit ses investissements dans ces “marches émergeants” risqués et ms ses avoirs à l’abri.

Le plan d’action de Suez pour désinvestir dans les nations en voie de développement contredit carrément le mantra sociéto-gouvernemental ayant cours selon lequel le secteur privé fournira une eau saine et abordable aux nations ayant le plus besoin d’assistance. Au contraire, plus une région ou son économie est troublée, moins il y a de perspectives de privatisation pour fournir autre chose que de vaines promesses. Au lieu de faire les investissements nécessaires et concentrer l’efficacité du secteur privé sur un accès plus important aux services d’eau à des tarifs abordables, Suez reconnaît ouvertement qu’elle ne peut pas se le permettre dans les pays en voie de développement et ne peut certainement pas se permettre de faire des investissements structurels sur un « marché » qui ne peut soutenir les attentes de profit de la compagnie des eaux.

Ainsi, les stratèges de Suez regardent le monde d’un œil nouveau et ont décidé de recentrer leur emprise concurrentielle pour conquérir des parts de marché en (1) Europe – notamment en France, en Belgique et dans une proportion plus limitée, en Europe de l’Est et en (2) Amérique du Nord, Mexique compris, avec un accent sur le développement de l’emprise de United Water.  Ces marchés tendent à avoir des structures légales et réglementaires plus complexes en matière de protection de l’environnement, du travail et des consommateurs, ce qui est un inconvénient définitif du point de vue de la société. Mais d’un autre côté, leur population est celle de consommateurs issus d’une classe moyenne relativement stable pouvant générer un flux de recettes sûr. Ce qui revient à dire que Suez applique la stratégie de Willie Sutton qui, lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait braqué des banques, avait répondu par cette phrase devenue célèbre « c’est là que se trouve l’argent ».”

Améliorer le “climat d’investissement” général

Subissant clairement l’influence de la stratégie de Suez, des documents de l’Union Européenne (UE) divulgués officieusement, ont indiqué qu’elle avait demandé aux Etats-Unis, au Mexique, au Canada et à la Suisse que leurs industries de l’eau se soumettent aux négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) relatives à l’Accord Général sur le Commerce des Services (GATS). Après un lobbying important des organisations des sociétés civiles américaines, les négociateurs commerciaux américains ont publiquement déclaré en mars 2003 qu’ils avaient rejeté la demande de l’UE visant à ce que la « collecte, le traitement et la distribution » d’eau destinée à la consommation humaine soit ouverte à la concurrence étrangère en vertu des règles très favorables du GATS. La pression persistante de Suez et d’autres sociétés, associée à une série de réunions à huis clos marquant l’accès prononcé des sociétés et leur influence sur les décideurs des organisations commerciales et des établissements financiers internationaux, suggère que les assurances de l’équipe commerciale américaine peut être, au mieux, modifiable, ou moins charitablement, un bobard cynique. Les militants américains du commerce équitable demeureront vigilants lors des négociations de l’OMC.

Suez a joué un rôle important dans la formulation des demandes de l’UE au GATS comme le prouve une lettre de la commission commerciale que l’UE a adressé à Suez : “L’un des principaux objectifs de l’UE dans le nouveau round de négociations est d’obtenir un accès véritable et significatif au marché pour les services environnementaux des prestataires européens.” Cette déclaration a été envoyée accompagnée d’un questionnaire demandant aux principales compagnies des eaux leurs listes de souhaits relatifs à la libéralisation du marché. Suez, dans les négociations du GATS, était intéressée par (1) des propositions visant à abolir la ‘fixation restrictive des droits politiques appliquées par le gouvernement pour protéger les consommateurs à faibles revenus, (2) des préoccupations relatives aux conditions de licence accablantes et aux réglementations nationales exigeant des normes environnementales élevées et une qualité élevée de l’eau potable, et des (3) restrictions exigeant que les investisseurs étrangers concluent des accords de partenariat avec des entreprises locales. Suez avait déjà un pied dans la commission commerciale alors que la société civile a été éconduite.

Suez n’a pas officiellement pris part aux manifestations de l’Organisation Mondiale du Commerce en qualité d’organisation non gouvernementale (ONG) mais l’European Services Forum (ESF) y a pris part au nom de ses deux membres du secteur de l’eau, Suez et Veolia (anciennement Vivendi), et exerce une influence significative sur les négociations. En fait, lors de la réunion de l’OMC à Seattle, l’ESF était membre officiel de la délégation de l’UE. Plus de 50% des ONG accréditées et enregistrées pour le Sommet Ministériel de Cancun de septembre 2003 au Mexique sont appelées BINGO (Business Initiated Non-Governmental Organizations- organisations non gouvernementales à l’initiative des entreprises), ce qui laisse planer peu de doute sur le fait que ce qui se passe en coulisses n’est pas à la portée des citoyens ordinaires.

Alors que Suez est impatiente de pénétrer davantage sur le marché nord américain et clame qu’elle diminuera ses “prises de risques” dans les pays en voie de développement à court terme, il ne subsiste aucun doute sur le fait que le plan à long terme est de réformer l’environnement réglementaire et légal afin de manœuvrer en prenant moins de risques et en engrangeant plus de profits dans ces « pays émergeants ». La preuve de ce plan de réforme est en partie apportée par les requêtes présentées par l’UE qui demande à 72 pays de soumettre leur secteur de l’eau aux GATS. Plus de 70 pourcent des demandes de l’UE ont été formulées aux pays en voie de développement en dépit des assurances précédemment données par l’UE qu’aucune demande ne serait faite à ces nations.

Un autre élément clé du programme de réformes de Suez concernant les marchés des pays en voie de développement est révélé par le rapport du Groupe de travail mondial sur le Financement des infrastructures de l’eau présidé par l’ancien Directeur du Fonds Monétaire International (FMI), Michel Camdessus.  Le Vice Président de Suez, Gérard Payen a siégé dans le groupe qui  a milité pour de nouveaux programmes de crédit, d’assurance des risques et de garantie des offres publiques de la Banque Mondiale, du FMI, des agences de crédit à l’exportation et banques multilatérales pour protéger les bénéfices des compagnies internationales des eaux sur les marchés risqués.9 Ils faisaient partie des représentants de la Banque Mondiale, de la Citibank, de la Banque américaine de l’import export, de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement, la Banque Interaméricaine pour le Développement, la Banque Africaine pour le Développement, de la Banque Asiatique pour le Développement et d’autres.10 S’ils sont mis en application,  les programmes proposés dans le rapport Camdessus pourraient sécuriser les bénéfices des sociétés par toutes sortes de garanties financées par des fonds publics, allant des tremblements de terre aux fluctuations des taux de change internationaux. Le rapport Camdessus a été dévoilé lors du 3ème Forum Mondial de l’Eau de Kyoto, Japon en mars 2003. Le Forum Mondial de l’Eau est organisé par le Conseil Mondial de l’Eau et René Coulomb, ancien vice-président de Suez, est l’un de ses trois fondateurs.

Le FMI et la Banque Mondiale pensaient avoir enregistré une victoire lorsque les principales compagnies des eaux du monde s’étaient engagées dans un “partenariat” dans la campagne de la Banque afin de promouvoir le secteur privé comme solution au manque d’accès à l’eau potable des pays en voie de développement.  Gérard Mestrallet, PDG de Suez, jubilait au sujet de ce partenariat tout comme le premier conférencier de la conférence annuelle sur les échanges de personnel de la Banque Mondiale en juin 2002. Dans son discours, Mestrallet a présenté le programme que Suez a élaboré fin 2001 : “De l’eau pour tous” (co-optant le slogan d’une campagne de citoyenneté publique). Le discours, intitulé “Jeter un pont sur la ligne de partage des eaux, ” prétendait que Suez pouvait assurer d’excellentes prestations de distribution d’eau aux prix abordables que les pauvres souhaitaient payer. La musique de fond précédant sa déclaration était “Imagine” de John Lennon. Mestrallet a de plus affirmé que la concession de Buenos Aires était un franc succès – mettant cruellement en avant l’ignorance totale du PDG. La concession de Buenos Aires était confrontée à de grandes difficultés à l’époque du discours et, après des pertes importantes, Suez a abandonné l’Argentine début 2003.

La Banque Mondiale, les gouvernements du G-8 et les principales compagnies des eaux multinationales avaient une grande stratégie de relations publiques. Ils parcouraient le monde en dissertant sur la manière dont les Objectifs de Développement des Nations Unies pour le nouveau Millénaire (MDG) sur l’eau et l’assainissement pouvaient être atteints grâce aux partenariats public/privé. Naturellement, cela impliquait que la seule manière dont les services d’eau et d’assainissement pouvaient être développés au service des pauvres dans les pays en voie de développement (et atteindre les MDG) était l’engagement des principales compagnies des eaux. La Banque Mondiale a dit aux gouvernements du monde entier que les compagnies des eaux du secteur privé pouvaient apporter des investissements significatifs dans le cadre du nouveau modèle de partenariat public/privé.

Mais une chose étrange s’est produite sur la voie du paradis public privé. Suez a changé d’avis. En fait, la compagnie ne veut pas investir. Suez, ainsi que les autres compagnies des eaux multinationales, dit que la Banque Mondiale s’est trop avancée. C’est plutôt préjudiciable pour la crédibilité de la Banque déjà mise à mal. Mais Suez et les autres compagnies de eaux mondiales ont quelques suggestions assez claires sur la façon dont la Banque Mondiale pourrait les faire remonter à bord.  Plus précisément, les sociétés mettent leurs espoirs dans les propositions du rapport Camdessus, propositions qui protégeraient les compagnies des risques et les envelopperaient d’un cocon financier de subventions des banques multinationales.  Reste à voir si la Banque Mondiale et les autres institutions financiers accéderont aux demandes des groupes commerciaux.

Parallèlement, la nouvelle stratégie du groupe Suez prévoit d’éviter les marchés risqués des pays en voie de développement et de se concentrer sur les contrats générant le plus rapidement possible des liquidités.  Cette stratégie nécessite également un endettement peu lourd et, plus important, d’éviter de nouveaux investissements. Suez veut se voir comme une société “d’information”. La compagnie ne veut pas voir des espèces sonnantes et trébuchantes devenir les écrous, boulons et tuyaux nécessaires à un système d’eau sain. Cela a obligé Suez à sortir de force de transactions potentiellement lucratives en Allemagne et au Vietnam où les investissements nécessaires étaient tout simplement un peu lourds. Et il a fallu vendre 75% de ses parts dans Northumbrian Water afin de réduire son endettement de 1 milliard d’euros. La transaction Northumbrian libère Suez des importantes demandes d’investissement de l’organe régulateur britannique OFWAT en vertu du cadre réglementaire du Royaume-Uni.

Suez s’évertue à simplifier son fonctionnement pour plaire aux investisseurs et aux actionnaires. C’est une société qui se trouve au milieu de ce qu’une publication spécialisée à intituler une “transformation importante.” Même l’accent racoleur qu’elle met sur l’Amérique du Nord est en train de s’embrouiller. En juin 2003, United Water a quitté un processus d’offre de privatisation à la Nouvelle Orléans, Louisiane, craignant que ne soit formulée l’exigence que tout contrat doive être approuvé par vote. Et plus récemment, comme indiqué plus en détail ci-dessous, des officiels de la ville d’Atlanta, Géorgie, ont récemment dit à United Water que les jeux étaient faits et qu’elle devait préparer ses bagages.
 

Partie II: Etudes de cas sur Suez dans différentes communautés du monde

 Défaite à Atlanta, Géorgie USA

L’échec de Suez à exploiter effectivement un système d’eau ne se cantonne en aucun cas aux nations en voie de développement aux devises effondrées et se battant pour se défendre contre un effondrement économique. L’un des fiascos les plus spectaculaires du groupe a récemment eu lieu dans ce qui est généralement considéré comme l’économie la plus florissante, stable et structurellement saine dans le monde, les Etats-Unis.

En 1998, la ville d’Atlanta a signé un contrat pour 20 ans de 428 millions de $ avec United Water, filiale que Suez venait d’acquérir aux Etats-Unis, pour exploiter le système de distribution d’eau d’Atlanta. Il s’agissait du plus gros contrat de privatisation aux Etats-Unis et sa signature a été célébrée par une déclaration de victoire des compagnies des eaux. Atlanta servirait de “modèle” aux autres communautés, aux armées de promoteurs et d’apôtres de la privatisation. Les contribuables et les clients pourraient économiser de l’argent et les systèmes seraient améliorés puisque la privatisation s’était avérée être le modèle gagnant du 21ème siècle. Atlanta allait ouvrir la voie.

Mais l’histoire se déroula de la manière suivante.

Bien avant que la branche américaine de Suez ne mette la main sur le système en 1999, l’on soupçonnait la société d’avoir largement surévalué la somme d’argent qu’elle pouvait économiser et d’avoir lourdement sous-estimé – au moins publiquement -  le travail nécessaire à l’exploitation du système. Lorsque la société a pris en charge l’exploitation du système, les soupçons se sont transformés en remords lorsque Atlanta a découvert la noire réalité du “modèle” de privatisation :

•United Water a diminué par plus de deux le nombre des salaries et réduit radicalement la formation dispensée aux salariés restant ce qui est loin de répondre aux exigences du contrat. Les demandes de travaux et de maintenance s’entassaient pour pratiquement chaque partie du système, des pannes principales et de maintenance d’équipements à l’installation de compteurs, en passant par les réparations des postes d’eau et la maintenance du parc automobile. Non seulement la société n’arrivait pas à faire face aux demandes de travaux en augmentation mais elle ne parvenait pas à enregistrer convenablement les demandes. La réparation d’une conduite d’eau pouvait demander jusqu’à deux mois et les projets de maintenance oscillaient autour de 50 pourcent de réussite.

•United Water a commencé presque immédiatement à exiger d’avantage d’argent de la ville et à ajouter 80 millions de $ au contrat.

•La ville a jugé que United Water la facturait indûment. La maintenance ordinaire par exemple était facturée à la ville comme du « gros entretien » . La ville a également découvert que le personnel de United Water, payé sur le budget d’Atlanta, travaillait également sur des projets de United Water en dehors d’Atlanta, y compris pour que la société obtienne des contrats dans d’autres villes.

•La ville s’est régulièrement plainte du manque de coopération de United Water et du fait qu’elle était moins qu’avenante lorsque la ville demandait des informations à la société. La ville a tellement perdu confiance dans la compagnie qu’elle a dépensé 1 million de $ pour l’embauche d’inspecteurs charges de vérifier les rapports de United Water.

•Même après avoir ramené les effectifs à des niveaux inadaptés, ne pas avoir rempli les obligations de maintenance et de réparation qu’impliquait le contrat et réussi à facturer à la ville des millions en plus de la redevance contractuelle annuelle, les économies de la privatisation tant vantées ne se sont pas matérialisées et la promesse d’annonce d’une baisse de tarif grâce aux économies ont tourné court. Les tarifs d’assainissement ont augmenté chaque année que United Water a eu le contrat (17% en 1999 ; 11% en 2000 ; 3% en 2001 ; et 15% en 2002). Les factures mensuelles combinées pour l’eau et l’assainissement des eaux usées pour des consommateurs résidentiels moyens à Atlanta sont passées de 46,34 $ lorsque United Water a repris le système à 56,47 $ en 2002.

Les promoteurs de la privatisation avaient tout à fait raison lorsqu’ils proclamaient que le contrat d’Atlanta serait un modèle de privation des services de distribution de l’eau. Dans ce modèle, comme Atlanta l’a si bien illustré, la société a fait des promesses qu’elle savait ne pouvoir tenir, tout en attendant que la ville puisse simplement se faire facturer des charges supplémentaires ultérieurement. Alors que les charges supplémentaires sont conçues pour dynamiser la partie revenus de l’équation, la société tente de limiter ses propres coûts de manière drastique en ramenant les effectifs à un niveau inadapté et en n’effectuant pas les travaux de maintenance ou les réparations nécessaires. La société s’est enhardie à poursuivre une telle stratégie anti-consommateur parce qu’elle s’était assurée un contrat à long terme conçu pour maintenir les consommateurs sous le monopole de la compagnie pendant des dizaines d’années.

Atlanta a réussi à en sortir bien que l’accord de dissolution du contrat ait tenté d’empêcher les autorités d’Atlanta de critiquer Suez et sa prestation.21 La ville se trouve maintenant confrontée à la tâche titanesque de reprendre son système de distribution et d’évacuation des eaux pour effectuer les modernisations nécessaires qui ne l’ont pas été pendant la gestion d’United Water.

Pendant ce temps, les supporters de la privatisation, dans une attaque désespérée, pour ne pas dire audacieuse, ont rejeté sur Atlanta la responsabilité de tout le gâchis de la société. Bien que les sociétés des services de distribution d’eau privatisées soient fières de disposer habituellement d’une expérience   technique supérieure, appuyée par un sens aigu et réaliste des affaires, United Water s’est plainte que la réalité de l’exploitation du système de gestion de l’eau à Atlanta était bien plus importante que prévue et que la ville aurait dû dire à la société ce dans quoi elle mettait les pieds. Apparemment, lorsque United Water est apparue à Atlanta, elle a laissé toute l’expérience et le sens des affaires dont elle se ventait quelque part au siège social de Suez à Paris.

Avec une impudence et un culot sans commune mesure auxquels on a encore du mal à croire, les apôtres de la privatisation clament haut et fort que la leçon d’Atlanta reste toujours un modèle pour d’autres communautés envisageant la privatisation. "Faites simplement exactement le contraire de ce qu’Atlanta a fait," a suggéré l’un des promoteurs de la privatisation lors des groupes de réflexion.

Il a tout à fait raison. Alors qu’Atlanta a confié son système public de gestion de l’eau à une société privée, les autres villes devraient faire exactement le contraire et laisser les ressources publiques sous un contrôle public. La perte d’Atlanta a été un coup important pour Suez, et pour toutes les compagnies de gestion des services d’eau, notamment lorsqu’elles ont essayé de pénétrer aux Etats-Unis qui promettaient des bénéfices stables et importants. Mais même lorsque  Suez assure à ses actionnaires que tout ira bien une fois qu’elle aura limité les risques dans les pays “émergeants”, réduit ses coûts et limité ses investissements, il faut noter que le modèle de la privatisation sensé généré des bénéfices incroyables, ne s’en est même pas sorti financièrement dans l’une des villes les plus économiquement dynamiques des Etats-Unis – les audits ont révélé que 47 millions de $ de l’endettement massif dont Suez essaye actuellement de sortir ont été générés pendant que United Water supportait la débâcle d’Atlanta.

Batailles pour l’eau à Manille, Philippines

Cinq après avoir promis aux citoyens que la privatisation ferait baisser les prix et améliorerait les services à Manille, les prix ont monté et les investissements en infrastructure promis n’ont pas été effectués. Face à la résistance du public aux efforts pour augmenter le prix de l’eau, la concession privée, à laquelle Suez prenait part, a quitté Manille en se plaignant qu’elle ne pouvait pas ponctionner les consommateurs autant qu’elle le voulait. Les prix auraient augmenté de 700% en décembre 2002 si Suez avait pu faire ce qu’elle avait prévu.

Sous la pression de la Banque Mondiale, le système de gestion de l’eau de Manille a été privatisé en 1997. La concession était lourdement subventionnée par les banques de développement multilatéral et a obtenu en 1999 un prêt de 45 millions de $ de la part de la Banque de développement asiatique. La concession de la zone est a été attribuée à un consortium lié à la famille oligarchique Ayala et appelé Manila Water Co. Inc. La zone occidentale a été attribuée à un consortium lié à une autre famille oligarchique, les Lopez, ainsi qu’à Suez, sous le nom de Maynilad Water Services.

Maynilad a obtenu la concession assortie de la promesse selon laquelle les prix seraient maintenus à 4,97 PhP le mètre cube pendant les 10 premières années de la concession.26 Quelques mois après avoir obtenu les concessions, les deux concessionnaires ont essayé d’augmenter leurs tarifs. Ces augmentations de tarif ont été circonscrites mais d’autres non.  De manière générale, les prix de l’eau pour les consommateurs de Manille ont franchi, sous la direction des concessionnaires, le seuil établi.27 En juin 2002, Maynilad facturait 15,46 PhP le mètre cube d’eau mais a essayé de passer ses tarifs à 30 PhP le mètre cube, chiffre bien loin du prix convenu de 4,97 PhP. Malheureusement, l’accès à l’eau n’a pas progressé de manière spectaculaire. Six ans après que les concessions ont été accordées, un cinquième des habitants de la ville n’était toujours pas raccordé aux systèmes. Les concessionnaires se sont battus pour obtenir des modifications du contrat leur permettant de réduire ou de reporter leurs objectifs de résultats.  En invoquant la crise financière asiatique, la société Suez, gravement endettée, a annoncé en février 2003 qu’elle sortait du contrat de Manille et qu’elle avait l’intention de demander des dommages et intérêts au Metropolitan Waterworks and Sewerage System (MWSS). La famille Lopez avait annoncé son intention de se retirer en décembre 2002.

Bien que confrontée à des prix affichés potentiellement élevés pour regagner le contrôle de son système de gestion de l’eau – Suez veut 303 millions de $ pour les investissements, 530 millions de $ sous forme de prêts pour ses créanciers, et l’amélioration constante des coûts de distribution et de traitement de l’eau – le MWSS pense toujours être en mesure de gérer plus efficacement le système que Suez.

“Nous pouvons gérer le système de distribution et d’assainissement de l’eau et même en tirer des bénéfices,” a déclaré Orlando Hondrade, l’administrateur MWSS, au Consortium International de Journalistes d’Investigation. “Pensez aux économies que nous ferons parce que la compagnie des eaux n’aura plus a payé des millions de pesos de salaires à ses cadres et d’honoraires de consultant.”32 Les femmes et leur famille sont confrontées à la réalité d’un système mal, comme Erlinda, qui se lève tous les jours à 5 heures pour faire couler l’eau avant que le robinet ne se tarisse. Lorsqu’il n’y a plus d’eau au robinet, Erlinda est obligée d’en acheter aux vendeurs d’eau locaux. Sa facture mensuelle s’élève à 47 $US, somme astronomique à Manille. Suez a soumis le litige contractuel à l’arbitrage de la Chambre Internationale de Commerce et selon le contrat, elle dispose d’un délai de 150 jours pour trancher le litige. On attendait toujours la décision en août 2003, et on spécule à Manille que la procédure d’arbitrage ne pourra pas être tranchée avant les élections présidentielles prévues en 2004, du fait des implications politiques explosives de la décision. Pendant ce temps, Suez continue d’exploiter la concession et lorsqu’on l’a interrogé lors du Forum Mondial sur l’Eau de mars 2003 Gèrard Payen a déclaré : “Manille, qui dit que nous quittons Manille.”

La tentative de renégociation des contrats, de facturer des sommes de plus en plus importantes aux consommateurs et aux clients et les pleurs ultimes lorsque le plan n’a pas généré les profits sur lesquelles la société comptait, est une procédure d’exploitation tout à fait normalisée chez Suez. Manille ne fait pas exception à la règle appliquée de manière constante par Suez, mais en est plutôt caractéristique.

 SUEZ: Principaux contrats et transactions (2001-2003)

Nouveaux Contrats

Pertes & ventess

Pise, Italie – concession de la gestion de l’eau pour 20 ans

Vendu 75% de Northumbrian Water, Royaume-Uni

Manaus, Brésil – concession de la gestion de l’eau pour 20 ans

Vendu Ondeo Nalco, Afrique du Sud

Kaohsiung, Taiwan – contrat de 15 ans

Fin du contrat à Manille, Philippines

Puerto Rico – contrat de 10 ans

Fin du contrat à Buenos Aires, Argentine

Quingdao, Chine – contrat de 25 ans

Non retenu à l’appel d’offre de la Nouvelle Orléans, USA

Mexique – contrats à Cancun, une partie de la ville de Mexico, Torreon, Leon, et Matamoros

Fin du contrat, Halifax, Canada

Tangerang, Indonésie– concession de 25-ans

Fin du contrat, Atlanta, USA

Schwerin, Allemagne  – vente d’actif 49%

Fin du contrat, Ville de Castres, France

Buenos Aires, Argentin

En juillet 2002, Suez a résilié l’un des plus importants contrats de concession de gestion privée de l’eau du monde.  Suez a mis fin au contrat de 30 ans portant sur la distribution d’eau et les services d’assainissement de la ville de Buenos Aires, qui a une population de 10 millions de personnes depuis que la crise financière en Argentine a transformé les bénéfices de la société en pertes. La transaction de la privatisation de Buenos Aires, qui remonte à 1993, a été largement vantée par la Banque Mondiale, le gouvernement argentin et l’industrie de l’eau comme étant un succès international. Mais le succès a tourné court après la clause contractuelle permettant à Suez d’indexer le prix de l’eau sur le dollar US et de s’assurer des bénéfices substantiels, ait été annulée par un décret pris en urgence par le gouvernement argentin.

Au cours des huit premières années du contrat, des pratiques peu réglementaires et des renégociations du contrat supprimant les risques d’entreprise ont permis à la filiale de Suez, Aguas Argentinas S.A., d’obtenir des bénéfices de 19% sur sa valeur moyenne nette. En 2002 toutefois, Suez a dû enregistrer 500 millions de $ de pertes à cause de la concession de Buenos Aires. Que signifient les bénéfices en pleine croissance, puis l’effondrement soudain et qu’a signifié la résiliation qui s’en est suivie pour les habitants de Buenos Aires ?

Les programmes d’ajustement structurel du FMI et de la Banque Mondiale ont longtemps été considérés comme pressant les services sociaux et l’infrastructure publique en Argentine.  La privatisation de l’eau a constitué un fardeau supplémentaire pour la population en général. Selon Fernando de la Rua, l’un des nombreux présidents étant venu et passé pendant la crise argentine (a déclaré en mars 1999 lorsqu’il était Maire de Buenos Aires) : “Les tarifs de l’eau, dont Aguas Argentinas a dit qu’ils baisseraient de 27% ont en fait augmenté de 20%. Ces augmentations de tarif et le coût de l’extension des services, ont été supportés manière disproportionnée par les pauvres de la ville. Les défauts de paiement pour l’eau et l’assainissement s’élèvent à 30 pourcent et les coupures de distribution d’eau sont communes pour les femmes et les enfants, qui supportent ce fardeau avec des conséquences sur leur santé et leur sécurité.”36 Les augmentations de tarifs avaient la faveur des dirigeants de la Banque Mondiale. Un homme d’affaires célèbre et estimé en Argentine et qui était actionnaire de la société, a prétendument gagné 100 millions de $ grâce à la privatisation. En dépit des augmentations de tarifs, le consortium na’ pas honoré en 2002 687 millions de $ au titre de prêts.

La peu réglementaire agence ETOSS, à la fois subordonnée au pouvoir présidentiel et de la société, a permis des modifications constantes du contrat et généré le non-respect des objectifs de résultat. Cela a eu pour consequence des augmentations successives du prix de l’eau pour les consommateurs, des modifications du programme de financement pour le développement des services, de l’assurance risque de change pour la société et l’indexation des tarifs de l’eau appliqués aux consommateurs sur la dévaluation du taux de change du peso. Aguas Argentinas a par exemple renoncé à ses obligations contractuelles de construire une nouvelle usine de traitement des eaux usées En conséquence, plus de 95% des égouts de la ville s’écoulent directement dans le fleuve Rio Del Plata .  Puisque Suez a quitté la scène de Buenos Aires, c’est au gouvernement et aux contribuables de régler les problèmes. En appliquant la tactique de plus en plus crainte des sociétés multinationales, Suez va tenter de recouvrer les 500 millions de dollars de pertes en se retournant contre le gouvernement argentin et en faisant appel au Centre International de Règlement des Litiges relatifs aux investissements de la Banque mondiale. Le montant réel des réclamations formulées par Suez à l’encontre du gouvernement américain est “secret” mais elle demande une compensation pour les concessions d’eau de Buenos Aires, Santa Fe, et Cordoue.

Suez contrainte de quitter El Alto en Bolivie

En janvier 2005, les citoyens de El Alto sont sortis en masse dans les rues pour demander que leur système de gestion de l’eau, privatisé en 1997 sous la pression de la Banque Mondiale, repasse dans le domaine public. Sous la pression d’une grève générale pacifique qui a paralysé la ville de El Alto pendant trois jours, le gouvernement bolivien a annoncé la fin du contrat détenu par le consortium privé Aguas del Illimani, (dont l’actionnaire principal est Suez) le 13 janvier 2005. Il s’agit du deuxième contrat passé avec une société transnationale que le gouvernement bolivien annule. Il y a cinq ans à Cochabamba, Bolivie, plusieurs semaines de conflits violents entre contestataires et militaires ont abouti à l’expulsion d’un consortium contrôlé par la société américaine transnationale Bechtel.

Les habitants de El Alto ont compris depuis longtemps que Aguas de Illimani ne prenait pas leurs intérêts à coeur. Les commerçants, écoliers et ouvriers en route pour La Paz se rappellent chaque jour la colonisation de leur système public de gestion de l’eau. Le panneau affiché devant l’usine de traitement de l’eau représente un bébé blanc avec des boucles blonde nageant dans une piscine sous le slogan "Más agua, más vida" ("Plus d’eau pour la vie.") Le slogan reflète simplement la manière dont Suez est déconnectée de la réalité, des besoins ou des aspirations de la population qu’elle est sensée servir. La peau douce et blanche du bébé contraste avec celle de la majorité des habitants qui revendiquent, pour plus de 60% une ascendance indigène.

Le contrat Suez est un exemple classique de "clôturage circulaire," qui oblige la prestation de services dans certaines zones de la ville uniquement. Ce que désigne le terme “zones desservies” dans le contrat Suez se concentre sur la distribution en eau aux clients rentables et exclut l’obligation d’étendre les services aux établissements les plus récents et les plus marginaux – les zones ayant le plus besoin d’améliorations. Selon la Federación de Juntas Vecinales (FEJUVE, ou Association des Conseils de Quartiers) environ 200 000 personnes vivent actuellement à El Alto en dehors des "zones desservies" et ce chiffre continue de progresser. Non seulement Suez a laissé 200 000 personnes pour compte en dehors de la “zone desservie,” mais elle a aussi fixé le prix du raccordement au système de distribution de l’eau à un niveau tel que la plupart des Boliviens ne peuvent se le permettre. Le prix d’un nouveau raccordement au système de distribution et d’évacuation de l’eau est égal à 445 $ dans un pays où le salaire minimum est de 60 $, pour les quelques chanceux ayant un travail dans l’économie formelle. En raison des hausses excessives du prix des services depuis la privatisation, la FEJUVE rapporte que près de 70 000 personnes vivant dans la “zone desservie” ne peut s’offrir les services de base proposés par Suez.

La FEJUVE et d’autres groupes de mouvement social en Bolivie exigent le transfert immédiat de la gestion et l’assainissement de l’eau à la SAMAPA, services publics de la municipalité qui gérait la distribution de l’eau avant la privatisation. Le gouvernement bolivien d’inquiète des poursuites des investisseurs et du “signal” qu’un tel mouvement peut adresser à d’autres investisseurs étrangers. Comme d’habitude, la Bolivie est victime des manigances des institutions financières internationales, notamment la Banque Mondiale. Carlos Mesa, président bolivien. Si le gouvernement annulait le contrat dans des termes défavorables à Suez et aux autres actionnaires d’Aguas de Illimani, le gouvernement bolivien devrait payer 17 millions de $ US à la Banque Mondiale. Après la bataille pour l’eau à Cochabamba, la Banque Mondiale est devenue l’associée de Aguas del Illimani grâce à son secteur privé spécialisé dans les prêts, l’International Finance Corporation, qui détient 8% des actions. Ce changement a placé le gouvernement bolivien dans une situation très vulnérable parce que la Banque Mondiale est directement intéressée par la garantie de l’investissement et est juge et jury de la procédure future et probable. Suez a menacé de poursuivre le gouvernement bolivien pour obtenir 90 millions de $ par-devant le l’International Centre for the Settlement of Investment Disputes (Centre International pour la Résolution des litiges relatifs aux investissements ICSID) au titre de la perte d’investissement et le manque à gagner, similaire aux poursuites intentées par Bechtel après la résiliation du contrat de concession Aguas del Tunari après la "Bataille pour l’eau" de Cochabamba en 2000.

Les opérations financières d’Aguas de Illimani sont tenues secrètes et les habitants ne connaissent par le montant des investissements ou des bénéfices qui ont été réalisés. Dans une interview de M. Kuhn, Directeur Général par Business News America, il nous a déclaré qu’Aguas del Illimani n’avait redistribué aucun profit à ses actionnaires au cours des sept premières années de la concession. Suez dit au contraire sur son site qu’il a réalisé 4 milliards de dollars de bénéfices en Bolivie l’an dernier.  Aguas del Illimani clame qu’elle a investi 63,5 millions de dollars à  La Paz et El Alto, au moins 52 millions de $ sur cette somme sont constitués de prêts à intérêts peu élevés d’agences financières internationales  : 15 millions  US$ la Banque interaméricaine de développement; 15 millions de $  de la Banque de développement inter asiatique, 15 millions de $ de la International Financial Corporation, la branche privée spécialisée dans les prêts de la Banque Mondiale ; 10 millions de $ du Fonds de développement andin et 12 millions de $ d’autres sources internationales.

FEJUVE exige que le nouveau service public soit contrôlé par les habitants plutôt que par des politiciens ou des sociétés privées, nationales ou internationales. La FEJUVE a élaboré une proposition en partenariat avec les comités de quartier afin que la nouvelle compagnie des eaux soit contrôlée par un conseil de représentants, démocratiquement élus à partir de tous les districts de La Paz et El Alto. L’on espère que le fait de garantir la participation de la population à la distribution de l’eau, permettra aux habitants d’assurer la transparence, l’efficacité et une gestion démocratique. En réponse à cette proposition, des donateurs internationaux ont annoncé leur intention d’étrangler la nouvelle compagnie des eaux en lui coupant l’accès à la finance internationale.  Face à toutes ces bizarreries, le mouvement populaire bolivien reste déterminé à résoudre les problèmes basiques d’accès à une eau propre et abordable et s’assurer que tous les habitants puissent vivre dignement.

Jakarta, Indonésie

Aujourd’hui, six ans après la signature d’un gros contrat de privatisation de l’eau, la plupart des pauvres de Jakarta n’a pas accès aux services de distribution de l’eau. Sous la dictature de Suharto faire du commerce en Indonésie signifiait s’associer avec une entreprise locale, et la plupart des grosses entreprises commerciales appartenait à la famille Suharto. Lorsque les principaux prêts multilatéraux (Banque Mondiale) et bilatéraux (Japon) ont été garantis, Suez et Thames ont commencé à changer de position pour la reprise du système de distribution de l ‘eau. Thames a conclu une alliance avec le Groupe Sigit, contrôlé par le fils aîné de Suharto, Sugit Harjojudanto. Suez a travaillé avec un copain de Suharto dans le monde des affaires, Anthony Salim, PDG de l’une des plus importantes sociétés indonésiennes, le Groupe Salim.  Il n’y a eu aucun appel d’offres ouvert et transparent. A la place, en 1997, après des négociations privées ralenties, les contrats ont simplement été attribués aux deux nouvelles entités. Le partenariat de Thames avec le Groupe Sigit s’appelait PT Kekar Pola Airindo et le partenariat de Suez avec le Groupe Salim a été baptisé PT Garuda Dipta Semesta. Le fait que le droit national et les réglementations locales interdisent les investissements étrangers dans la distribution d’eau potable et empêchent la participation du secteur privé à la distribution d’eau, n’était apparemment pas pertinent.

Ces nouveaux contrats de 25-ans conclus avec PAM Jaya, le distributeur local d’eau sont sensés être lucratifs pour les partenaires locaux et internationaux. Les nouvelles sociétés ont immédiatement déménagé dans de nouveaux bureaux du quartier d’affaires de Jakarta plutôt que d’utiliser l’ancien bureau où PAM Jaya travaillait. Les salaires versés aux cadres de Suez, qui vivaient dans les quartiers chics, étaient bien supérieurs à ceux versés aux dirigeants de PAM Jaya ce qui a occasionné beaucoup de ressentiment parmi les salariés. Les contrats exigeaient non seulement que les nouvelles sociétés gèrent le système mais qu’elles développent pendant les cinq premières années, le réseau de conduites existant, investissent 318 millions de $, obtiennent 1,5 millions de clients supplémentaires, desservent 70 pourcent de la population, augmentent la distribution en eau et réduisent les“pertes” d’eau. PAM Jaya a convenu d’obliger les entreprises et foyers privés à fermer les puits privés et à se fournir en eau auprès des compagnies.  (En 1997, près de 70 pourcent de l’eau utilisée à Jakarta provenait de puits privés).

Les paiements aux sociétés étaient sans rapport avec les bénéfices réalisés mais chaque société se voyait verser des honoraires par PAM Jaya sur la base de l’eau fournie.  De cette manière, les sociétés dissociaient leurs recettes des risques et des problèmes liés à la collecte des droits auprès des consommateurs. Au départ, les sociétés avaient demandé à être payées en dollars, puisqu’elles avaient emprunté en dollars. Mais lorsque le gouverneur de Jakarta a menacé de revenir sur la question, Thames et Suez sont convenues d’accepter les roupies. Elles ont toutefois insisté pour que les paiements en devise locale soient indexés sur le dollar US pour les protéger des dévaluations de devises. Il n’y avait aucun mécanisme formellement réglementaire, et apparent.  PAM Jaya n’avait pas le droit de voir les rapports financiers des sociétés et il n’y avait pas de sanctions clairement définies au cas où les objectifs ne seraient pas atteints.

En 1998, la crise financière asiatique et le renversement de Suharto ont modifié le paysage politique. Craignant la contestation de la rue, les principaux cadres de Suez et Thames se sont mis à l’abri à Singapour.  Confronté à une crise immédiate de l’eau, le nouveau gouverneur de Jakarta a demandé à PAM Jaya de combler le vide et de reprendre l’opération. Après un lobbying intensif, avec notamment l’intervention des diplomates français et britanniques et une declaration de l’Ambassade britannique selon laquelle “la rupture du contrat amenuiserait la confiance en l’Indonésie comme lieu d’investissement,” l’accord a été conclu pour permettre à Suez et Thames d’y retourner, mais le contrat a dû être renégocié. Depuis la fuite de Suharto et que la famille de l’ancien président et ses partenaires commerciaux ont été l’objet de la vindicte populaire, Thames et Suez ont accepté de racheter les participations locales de leurs opérations commerciales afin d’effacer l’ombre portée par les liens avec la famille Suharto. Comme l’on peut l’imaginer, les objectifs d’investissement et de développement n’ont jamais été atteints, et aucun mécanisme fiable ne permettait de vérifier les comptes de la société. Suez affirmait avoir augmenté de 50% les raccords au réseau, ratant de peu l’objectif de 70%. Il manquait environ 200 millions de dollars d’investissement par rapport à l’objectif. La crise financière a entraîné une dévaluation dramatique de la roupie, ce qui signifie que les bénéfices provenant des clients ont chuté alors que les paiements aux sociétés privées (indexés sur le dollar) ont creusé encore plus profondément l’endettement de PAM Jaya. Etant donné la situation politique tendue en Indonésie, les augmentations des tarifs pour les consommateurs ont été reportées à plusieurs reprises. Les services de gestion de l’eau des zones riches, de la classe moyenne ou industrielle se sont améliorées. Pourtant, la plupart des communautés pauvres n’était pas raccordées au réseau du fait des frais de raccordement inabordables, les accords de location informels et le manque d’incitations pour PAM Jaya ou les sociétés à assurer les prestations de service dans ces zones. Les clients doivent encore faire bouillir l’eau pour s’assurer de sa salubrité avant de la boire. Selon l’ingénieur de PAM Jaya,  Feri Watna, “les sociétés sont juste arrivées et ont volé tout ce que nous avions. Nous avons déjà les réseaux de distribution, tous ces tuyaux, les installations pour l’eau, les clients etc.”

Johannesburg, Afrique du Sud

L’Afrique du Sud est souvent montrée en exemple pour l’Afrique. Grâce à son économie moderne et son fort potentiel d’investissements, elle a souvent la réputation du moteur économique de l’Afrique. Pour Suez, c’est la vitrine de la privatisation de la distribution de l’eau.

Lors du passage de l’ère de l’apartheid à celle d’une démocratie noire et obéissant aux règles de la majorité, la Banque Mondiale a joué un rôle de conseil important auprès du gouvernement sud africain et a conçu la majeure partie du nouveau Cadre des Investissements dans l’Infrastructure Urbaine Sud Africaine en 1994. Le Programme de Reconstruction et de Développement du gouvernement sud africain proposait un tarif national pour l’eau avec des subdivisions croisées afin que les habitants aux faibles revenus puissent accéder à au moins 50 litres par jour à court terme et à 200 litres sur le long terme. Ces politiques ont malheureusement été remplacées par des politiques orientées vers la privatisation et le recouvrement des coûts présentés dans le programme de Croissance, de l’Emploi et de la Redistribution de 1996.

Suez a collaboré avec le gouvernement de l’Apartheid. Elle travaille dans le pays depuis 1970, date à laquelle Degrémont a obtenu un contrat pour concevoir et construire des centres de traitement de l’eau et des eaux usées. Au cours des années qui ont suivi, Suez prenait part à plus de 200 contrats de cette nature apportant de l’eau propre à la majorité blanche tout en ignorant les besoins de la population noire sud-africaine. Pendant l’Apartheid la population noire n’était pas autorisée à résider en permanence dans les zones blanches, ce qui incluait les grandes villes et les meilleures terres agricoles. Les Sud Africains noirs pouvaient louer au conseil un logement dans les cites ou de résider dans un de ces « foyers nationaux ». Cela a eu pour résultat que les services aux Sud Africains noirs étaient très largement inférieurs à ceux proposés aux blancs et étaient aussi souvent plus chers. Les coupures étaient appliquées dans les banlieues noires alors que les foyers blancs étaient ignorés. C’est le système que Suez considérait comme une opportunité commerciale dans les années 1970. En conséquence, les organisations anti-apartheid ont appelé au boycott et les factures sont restées impayées pendant de nombreuses années.

En 1986, Suez a créé Water and Sanitation Services Africa (WSSA), en joint venture avec une autre société appelée Group Five, et a commencé à traiter les eaux usées à KwaZulu Natal. En 1992, elle a obtenu un contrat de bail de 25 ans à Queenstown (Eastern Capel), en 1993 WSSA a signé un contrat de bail avec Stutterheim (Eastern Cape) et en 1996, la société a obtenu le contrat d’exploitation et de maintenance des Usines de traitement de l’eau de Zandvliet (Western Cape) et l’usine de traitement de l’eau de Mtubatuba (KwaZulu Natal). WSSA a également lance un partenariat pour le traitement des eaux usées avec le Métro de Durban.

Les contrats de Suez ont été le plus controversés dans les grandes villes. En 2001, le consortium JOWAM dirigé par Suez a signé un contrat de 5 années pour assurer la gestion de l’eau à Johannesburg. Début 2003 un ouvrier est mort dans un trou d’homme du fait que la société n’avait pas fourni le matériel de sécurité requis. Les Membres de l’Union des Travailleurs Municipaux Sud Africains (SAMWU) ont été, parait-il, réprimandé par la société lorsqu’elle parlé du décès sur la TV nationale6.  A Johannesburg, Suez a installé des compteurs à eau payés dans l’une des banlieues les plus pauvres, Orangefarm (et qui obligent les habitants de déboucher manuellement les canalisations d’égout tous les trois mois). Les compteurs déjà réglés impliquent que les consommateurs payent l’eau avant de la consommer et l’eau est automatiquement coupée s’il faut encore payer. L’utilisation des compteurs payés d’avance. L’utilisation des compteurs payés est liée aux épidémies de cholera au KwaZulu Natal. Suez a ignoré la décision de la Haute cour du Royaume-Uni interdisant l’utilisation de compteurs déjà réglés et a l’intention de tester ces compteurs en Afrique afin d’augmenter la rentabilité de la société. La société veut éviter le travail fastidieux de la facturation de l’eau et n’a pas tenu compte des réclamations de la ville sur le système et les compteurs indiquant des résultats erronés. Orangefarm sert juste de test. La société envisage de présenter les compteurs déjà réglés dans la grande ville de Soweto en 2004.

A Cape Town le contrat de Suez pour l’usine de Zandvliet a donné lieu à des conflits sociaux prolongés et continue à donner lieu à controverse. Les ouvriers demandaient une allocation logement, une augmentation de 11,3% de leur salaire et un contrat étendu sur la sécurité au travail.49 Les délégués du personnel de l‘usine affirment qu’ils sont visés du fait de leur engagement auprès de SAMWU, un syndicat officiel et des efforts qu’ils déploient pour maintenir la distribution entre des mains publiques. En septembre 2002, 22 ouvriers ont été arrêtés lors d’une grève et emprisonnés pendant plusieurs jours. Max Ntanyana, représentant du personnel SAMWU à l’usine a été arrêté plusieurs fois.  Lorsque la communauté du Parc Mandela est venue protester, Suez a appelé la police et demandé que les cinéastes italiens qui enregistraient la scène soient arrêtés. Ni les ouvriers arrêtés ni les cinéastes n’étaient accusés d’avoir fait quelque chose de mal. Max Ntanyana s’est vu empêcher de parler en public et de participer aux réunions d’une organisation.

Les conflits sociaux de Suez en Afrique du Sud ne semblent pas vouloir se terminer.  En septembre 2002, 120 ouvriers se sont mis en grève dans l’usine de Queenstown. L’incident est survenu après qu’un steward délégué du personnel ayant de l’ancienneté, Ayanda Ndonga, a été maltraité par la direction et deux autres délégués ont été accusés en interne d’inciter les ouvriers. La direction a supprimé le transport pour les ouvriers qui refusaient de faire des heures supplémentaires. L’usine se situe à 3,5 miles de la ville.

Mike Muller, Directeur-Général, Département des Affaires Hydrauliques et Forestières (DWAF) continue d’affirmer que les politiques inspirées de la Banque Mondiale ont été conçues par un  cerveau d’enfant  (DWAF) et maintient que les partenariats public-privé et les politiques de recouvrement des coûts [constituent la]manière  absolue et la plus sensible […] d’exploiter un système distribution de l’eau et c’est la manière dont la plupart des systèmes de distribution  de l’eau sont gérés  dans le monde."”53 Mike Muller devrait savoir, en fait, que la plupart des systèmes sont gérés par le secteur public.

Autres cas dans le monde….

Dans le cadre du contrat, la COGESE du groupe Suez a dû payer à la municipalité des "droits d’entrée" en échange de la concession pour environ 35 millions de $, qui pouvaient être réglés sous forme de versements annuels.

Afin de recouvrer les droits, la COGESE a augmenté le prix de l ‘eau. Elle a également déclaré des pertes frauduleuses pour justifier des versements d’intérêts fictifs sur le prêt dont elle avait besoin pour équilibrer ses livres, en a conclu le tribunal. En 1993, COGESE déclarait un endettement de plus d’1 million de $. Les remboursements réels de sa dette étaient inférieurs à 400 000 $.

Le contrat avec la COGESE a pénalisé la ville pour se préserver. La société a été autorisée à augmenter le prix de l’eau si la consommation passait en dessous de 12,8 millions de mètres cubes par an, ce qui signifie une augmentation immédiate des prix, puisque les niveaux de consommation pour la ville baissaient, pour des raisons qui ne sont pas entièrement claires.

Grenoble, France Suez ne tient pas plus compte des clients et de la fiabilité publique dans son pays d’origine qu’elle ne le fait ailleurs dans le monde. A Grenoble en 1995, un ancien maire et Jean-Jacques Prompsey, cadre dirigeant de la Lyonnaise des Eaux (maintenant Suez) ont été condamnés à des peines de prison pour avoir pris et attribué des pots de vin pour attribuer le marché de l’eau à une filiale de la Lyonnaise des Eaux.54 Les pots de vin s’élevaient à plus de 2,8 millions de dollars au total. Le marché de 25 ans a été attribué en 1985 à une joint-venture entre les deux principales compagnies des eaux, la Lyonnaise des Eaux, et Vivendi; COGESE. Peu après que la joint venture COGESE ait pris le relais, les prix de l’eau ont dramatiquement augmenté pour les consommateurs. Selon l’ICIJ COGESE a déclaré une dette de plus de 1 million de $ par an pour justifier les frais supplémentaires pour les clients, en réalité, le paiement des dettes est inférieur à 400 000 $. Le surcoût pour les familles en France qui sont raccordées à un service de distribution privé s’élève à 16% de droits supplémentaire.

Milwaukee, USA Embauché pour exploiter le système  de tunnels et d’usine de retraitement du Milwaukee Metropolitan Sewerage District, la réduction des coûts de la filiale de Suez a été rendue responsable d’une défaillance qui a permis de déverser 107 million de gallons d’égouts bruts dans les voies fluviales entre 1999 et 2001.57 Les déversements se sont poursuivis au cours de l’année dernière, avec des dépôts de 250 000 gallons d’égouts bruts dans une crique lors des travaux de construction d’un égout, , une nappe de préservatifs usagés a apparemment été évacuée de l’usine de traitement et les égouts bruts directement dans la Rivires Milwaukee du fait d’un dysfonctionnement. Le MMSD cherche maintenant à rouvrir le contrat à long terme de la société pour obtenir des dommages et intérêts.

Houston, USA A Houston, United Water a été engage pour exploiter l’Usine Sud Est de Purification de l’eau en 1996 au titre d’un contrat de cinq ans. A l’expiration du contrat en 2001, la ville a attribué à une autre société le marché. Pour profiter encore plus du financement public avant de quitter la ville, United Water a attaqué la ville en novembre 2001 en demandant 900 000 $ au titre de services. La ville a conte attaqué en réclamant 2 millions $ en disant que United Water n’avait pas assuré la maintenance de l’usine et que les réparations nécessaires s’élèveraient à 2 millions de $. Faire des affaires avec United Water a également valu à la ville une facture supplémentaires de 370 000 $—somme que la ville avait accepté de payer pour l’assistance légale dans ce cas.

Delhi, Inde En juin 2003 cinq ouvriers ont perdu la vie, dont un ingénieur, dans l’usine de traitement des eaux usées de Suez- dans l’usine de Traitement des Eaux Usées de Ritahla que gère Degremont en Inde. Ils ont demandé que Suez soit tenu responsable et se voit refuser d’autres contrats dans le pays.

Halifax, Canada En octobre 2002, après cinq années de négociations et de ronds de jambe, les représentants de la ville ont signé un projet de contrat avec United Water (la société locale s’appelle Halifax Regional Environmental Partnership). Moins d’une année plus tard, en juillet 2003, la ville s’est retirée de la transaction. Le Partenariat a cherché à obtenir des amendements importants au contrat qui pouvaient coûter plus que prévu à la ville. Le Partenariat voulait par exemple que la ville assume la responsabilité du pompage des égouts dans le port si les normes environnementales du Canada n’étaient pas respectées. Puisque que la ville ne dirigeait plus l’usine en vertu du contrat, elle a refusé ce changement.

Diffamation ? La société est réputée vouloir faire taire ses opposants en les traînant au tribunal bien qu’elle n’ait pas souvent gain de cause. Suez poursuit Thierry Jean-Pierre, juge d’instruction et auteur d’un ouvrage intitulé “Le Livre noir de la corruption.”  Jean-Pierre affirme que 80% du du trafic d’influence dans le secteur de l’eau est organisé par les sociétés principales Suez et Vivendi. Plus tard, Suez a attaqué Jean-Loup Englander, Maire de St-Michel-sur-Orge lorsqu’il a déclaré que   "le trafic d’influence est fondamental sur ces marchés [de l’eau]" et un ancien employé a été poursuivi lorsqu’il a évoqué le style mafieux des méthodes employées par la société. En 2002, le professeur Jean-Philippe Joseph a été également poursuivi pour avoir écrit sur les différents niveaux de corruption du secteur de l’eau en se référant à Suez.  Peut-être que la stratégie juridique agressive de Suez est destine à éviter une crise relationnelle publique qui dissuadait les gens de s’exprimer. Dans un document interne Gérard Mestrallet, PDG, a déclaré "Je suis convaincu qu’une crise de relations publiques serait une bien plus grande menace pour notre groupe qu’un crise financière ou politique locale."

Conclusion

Sur presque chaque continent, la stratégie de Suez pour développer ses activités hydrauliques au cours des dernières années a commence par une salve de douces promesses se frayer un chemin dans la porte. Les coûts sont alors réduits—pas dans un but d’efficacité ou d’économies dont les clients pourront bénéficier mais pour la réduction des coûts en elle-même, nonobstant les effets négatifs sur l’exploitation du système et la qualité de l’eau. Associée à la réduction des coûts, elle demande de manière prévisible aux gouvernements locaux plus d’argent qu’initialement prévu dans les contrats originaux. Suez ignore les objectifs de résultat et lorsque on les lui oppose, elle préfère faire appel aux jurys et à l’arbitrage international.

Et bien qu’il ne s’agisse pas d’une conséquence prévue, et en dépit du coût de la réduction des coûts et de l’augmentation des prix, une caractéristique spécifique d’un projet de privatisation de Suez implique que la société subisse une grosse perte. Comme il sied aux plus importantes compagnies des eaux du monde de privatiser l’eau dans le monde, Suez est le meilleur exemple indiquant pourquoi l’eau ne devrait pas être privatisée.

Les pertes financières de la société, pendant ce temps, augmentent la pression sur la société à générer des bénéfices plus importants ailleurs. Les sociétés sont dans les affaires pour gagner de l’argent – ou, dans le cas de Suez, pour arrêter de perdre de l’argent. Pas étonnant que son plan d’action entende quitter les nations en voie de développement, intensifiant la résistance déjà pernicieuse de la société aux investissements de capitaux et qu’elle “devienne plus exigeante vis-à-vis du respect des obligations contractuelles de ses partenaires.”

Le plan d’action de Suez, associé aux ratés tels qu’à Manille, Buenos Aires, Johannesburg et ailleurs dans le monde, illustre bien le fait que les multinationales ne vont pas s’en sortir. La magie mythique du secteur privé ne va pas, en fait, amener de l’eau aux pauvres dans le monde ; Au contraire, en ce qui concerne Suez, les pauvres dans le monde sont un gros risque.

Suez se dirigera vraisemblablement vers des marchés plus attractifs dans des économies plus stables. Mais les résultats obtenus par Suez aux Etats-Unis commencent et se terminent sur ce que Suez a elle-même désignée comme le “modèle” de privatisation, Atlanta. Et Atlanta était un fiasco. Avec vraisemblablement peu d’opportunités restantes pour le méga contrat métropolitain aux Etats-Unis, la stratégie commerciale de Suez peut creuser sa voie pour sortir de sa situation d’endettement et renouer avec les bénéfices en choisissant des clients financièrement à l’aise dans des petites communautés américaines et les banlieues pleines de monde

Mais qu’il s’agisse de banlieues accros à la croissance, de métropoles surpeuplées de l’hémisphère sud ou de villes, municipalités et zones rurales autour du globe, les compagnies des eaux privées dans le monde devraient être clairement dirigées pour que tout le monder profite d’une ressource partagée. La direction devrait être plus claire chez Suez.

 ANNEXE 1

 Se forger des Influences : Suez joue un rôle dans les principales associations commerciales

Le Forum Européen des Services (ESF) a été créé en 1998 pour représenter les intérêts du secteur des services en Europe pendant les négociations de l’OMC sur le GATS. L’organisation compte actuellement 99 membres participant à l’import-export des services dans les secteurs de l’assurance (Allianz), des télécommunications (France Telecom), l’environnement (eau – Veolia et Suez) et de nombreux autres. Le Forum cherche à engager le GATS dans le plus de secteurs possibles et dans autant de pays que possible afin de développer le commerce et la libéralisation réglementaire de l’industrie des services.

Suez intervient également dans les Tables Rondes d’Industriels européens (ERI) qui travaillent pour “améliorer le dialogue” entre l’industrie et le gouvernement et améliorer la compétitivité de l’économie de l’Europe ”. L’ERI a activement travaillé à l’expansion des entreprises de l’UE sur les marchés d’Europe de l’Est. En 2002 les membres de l’UE ont accueilli la Bulgarie, Chypre, la République Tchèque, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Turquie. Ce développement a amené plus de commerce et de libéralisation des investissements dans ces pays et amené un nouveau marché massif que Suez veut exploiter.

Suez est membre du World Water Council (WWC) (Conseil Mondial de l’Eau) qui a été fondé en 1996 et accueille la triennale des Forums mondiaux sur l’eau. Le Conseil Mondial de l’Eau se considère comme le groupe de réflexion mondiale sur la politique de l’eau. Les droits d’entrée élevés font que l’organisation est dominée par un gouvernement, les Nations Unies, la Banque Mondiale et l’industrie. Les politiques émanent des sièges des organisations et les comités constitués regorgent de solutions commerciales et de politiques de recouvrement des coûts. Les politiques se préoccupent peu du combat des femmes ou des enfants dans leur quête d’eau propre et abordable. Au lieu de cela, le Conseil, avec l’organisation jumelle de la WWC, le Partenariat Mondial pour l’Eau, se concentre sur la levée des « barrières » de la privatisation et de l’expansion commerciale, voir ce qui est dit du rapport Camdessus dans les présentes. La participation exclusive à ces organisations a pour conséquence la faible participation de la société civile, qui essaye de définir des politiques de l’eau pour le monde depuis ses 7 années d’existence. Lors du 3ème Forum sur l’eau de Kyoto en mars 2003 la division entre les membres et l’opposition marquée de la société civile à ces institutions d’élite s’est faite jour et le rôle de Suez largement révélé à un plus large public.

Adhésions de Suez

Conseil Mondial sur le Développement Durable (WSCSD)

Forum des Services Européens (ESF)

Dialogue CommercialTransatlantique (TABD)

Table ronde européenne d’hommes d’affaire (ERI)

Programme d’échange de personnel de la Banque Mondiale

COnseil Mondial sur l’Eau

Forum Economique Mondial

Office International de l’eau

Chambre Internationale de Commerce

Commission Mondiale sur l’Eau pour le 21ème siècle

Partenariat Mondial sur l’Eau

Jury Mondial sur le Financement des Infrastructures Hydrauliques (rapport Camdessus)

WaterAid

 

 ANNEXE 2

 Relations de Suez renvois d’ascenseurs

Gérard Mestrallet

Mestrallet était administrateur civil de l’administration fiscale et Conseiller des Affaires Industrielles de Jacques Delors lorsqu’il était ministre des Finances de la France sous la présidence de François Mitterrand (1981-83). En 1984 il est parti pour devenir Conseiller de la Compagnie de Suez. En 1986 a été nommé Vice Président Senior Exécutif chargé des Affaires Industrielles. En 1991 Gérard Mestrallet devient le Président Directeur Général et le Président du Comité de gestion de la Société Générale de Belgique, poste qu’il occupe jusqu’en 1995. En juillet 1995 Gérard Mestrallet est nommé Président Directeur Général de Suez. Actuellement Mestrallet est :

Président du Conseil d’administration de Tractebel (division énergie de Suez)

Directeur du Conseil d’administration de Saint-Gobain et de l’Ecole Polytechnique

Membre du Conseil d’administration d’AXA, Casino, Crédit Agricole SA et Société du Louvre,

Conseiller du Maire de Shanghai,

Conseiller du Maire de Séoul

Membre du Conseil des Conseillers Internationaux, Hong Kong

Membre de la table Ronde des Industriels européens

Jérôme Monod

Ancien président directeur général de Suez. Ancien conseiller de Michel Camdessus, ancien directeur du FMI.  Monod est un ami de longue date de l’actuel Président de la République Française, Jacques Chirac et a été le directeur de cabinet de Chirac en 1970 lorsqu’il était le Premier Ministre. Monod a été secrétaire général du parti gaulliste (RPR) dissous en 2002. Monod a été le conseiller spécial de Chirac lors de la campagne électorale de 2002.

Il a été conseiller spécial du président de la Banque Mondiale, James Wolfensohn et incité la banque à utiliser ses prêts pour faire accepter le modèle public- privé français. La Banque Mondiale pose des conditions de participation privée dans la plupart des prêts qu’elle accorde dans le secteur de l’eau – en la personne de Monod, Suez, a en effet un ami à la Banque Mondiale.

Margaret Catley-Carlson

Présidente du Partenariat Mondial sur l’eau, du Centre pour l’Agriculture et la Bioscience à Wallingford UK, et présidente du Comité Consultatif sur les Ressources en Eau pour Suez. Elle a été la présidente du Comité de la Population de 1991 à 1999. Elle a été Ministre délégué à la Santé et au Bien être au Canada, Présidente de l’Agence Internationale pour le Développement Canadien (CIDA) de 1983-à 1989, et Directrice exécutive adjointe (Opérations) de l’UNICEF. Elle a été nommée au conseil des Trustees de l’Institut International de l’Environnement et du Développement (IIED) en 2003.

Gerard Payen

PDG d’Ondeo jusqu’en 2001 mais a été nommé Vice-Président Senior-Executif de Suez. Il est chargé des relations avec les organisations liées à l’eau et toutes les mesures concernant la campagne de la société pour l’accès mondial à l’eau connue sour le nom de "The Water Truce."

Jacques Petry

Ancien president et PDG de SITA, nommé PDG de Ondeo en janvier 2001. Membre du conseil d’administration de SITA

Jérôme Tolot

Ancien Vice-Président Senior Executif et Membre du Conseil d’administration de Vinci, a remplacé Jacques Petry au poste de président et PDG de SITA. Jérôme Tolot est également devenu Vice-Président Exécutif de SUEZ et membre du Comité de Gestion. Jérôme travaille pour Suez depuis vingt ans.

Yves-Thibault de Silguy

A travaille de 1976 à 81 au ministère des Affaires Etrangères puis est devenu chef de cabinet adjoint de M. Ortoli, Vice-Président de la Commission avec la responsabilité des affaires économiques et monétaires. De 1985 à 86 il a été détaché auprès de l’ambassade de France à Washington comme conseiller en affaires économiques. De 1986 à 88 a travaillé dans le secteur privé et dans le Bureau du Premier Ministre comme conseiller sur les affaires européennes. En 1988 à 93 il a opté pour le secteur privé et a travaillé pour de nombreux conseils industriels. In 1993 il est devenu le secrétaire général du Comité Interdépartemental pour les Questions de Coopération économique en Europe tout en travaillant dans le bureau privé de Monsieur Edouard Balladur, Premier Ministre, en qualité de conseiller sur les Affaires européennes. Entre 1995 et 1999 devient membre de la Commission Européenne comme Commissaire Européen pour les affaires économiques et sociales.

Membre du conseil d’administration de of SITA

Depuis janvier 2000 est membre du Comité exécutif de Suez, depuis 2001 en tant que Vice-Président Senior Exécutif chargé des Affaires Internationales, des Relations de la société et des affaires européennes.69

René Coulomb

Ancien directeur de l’éthique chez Suez et Vice-Président du Conseil Mondial de l’Eau et siège au comité directeur du Partenariat Mondial sur l’Eau.