La politique étrangère de l’Ukraine depuis les dernières années était incompréhensible pour les pays de l’Occident. D’une part, à partir de l’indépendance de l’Ukraine, la doctrine multivectorielle a été annoncée et d’autre part, l’intégration européenne est devenu l’axe stratégique. Le 11 juin 1998, un décret du président Koutchma a approuvé la stratégie d’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne. « Les intérêts nationaux de l’Ukraine nécessitent que le pays soit perçu comme un Etat influent du vieux continent et comme membre à part entière de l’UE » [1].
De plus, lors de sa constitution, l’Ukraine s’est proclamée comme un pays neutre. Mais en mai 2002 la décision du Conseil de la sécurité et de la défense nationale prononce l’intention d’adhésion à l’OTAN et en juillet 2004, l’expression « l’adhésion à l’OTAN » dans la Doctrine Militaire d’Ukraine a été remplacé par « mener la politique de l’intégration euro atlantique ». Il semble que la doctrine multivectorielle qui a reçu l’appréciation en France, tantôt positive [2], tantôt négative [3], n’était pas suffisamment élaborée au niveau théorique. En même temps, les hésitations avec l’adhésion à l’OTAN bloquent les efforts des analystes ukrainiens sur l’élaboration de base de sécurité du pays car ils ne savent pas s’il faut élaborer la sécurité collective ou individuelle [4].
Fixation de l’axe stratégique ?
Les événements de la « révolution orange » en Ukraine donnent la preuve que la première décennie des années de l’indépendance de l’Ukraine n’est pas passé en vain : en Ukraine, il s’est formé un sentiment d’appartenance à un peuple malgré les différentes contradictions régionales que l’on aime souvent souligner en Occident. Le peuple ukrainien est capable de soutenir les bases de la démocratie. L’axe stratégique de la politique étrangère du gouvernement de Viktor Iouchtchenko est clair et net : l’adhésion à l’Union Européenne. Pour ce faire, le vice-premier ministre, Oleg Rybatchouk, est désormais responsable des questions pour l’intégration européenne. Donc l’UE se trouve vers une dilemme: donner ou de ne pas donner à l’Ukraine la perspective de l’adhésion. On sait que selon les paramètres géographiques l’Ukraine est un pays européen, plus européen que la Turquie dont l’adhésion est discutée aujourd’hui très activement par et dans l’U.E.
Dans la dimension politique, l’Ukraine est entrée dans la période des transformations systémiques, dont l’efficacité sera prouvée seulement avec le temps. Les questions du jour pour l’Ukraine sont aussi le succès des réformes économiques et de la lutte contre la corruption. Peut-être la meilleure décision du problème donnée à l’Ukraine sera la perspective claire et nette d’être associée avec l’UE avec, dans un premier temps, le renforcement de l’aide de l’UE à l’Ukraine dans les différents domaines : non seulement une aide économique, mais aussi l’expérience des réformes des institutions, la reforme administrative, la professionnalisation de l’armée. Dans un second temps, d’éclairer les sphères où les nouveaux membres de l’UE ont rencontrés les difficultés les plus graves et peut-être augmenter les programmes d’éducation pour les fonctionnaires et les chercheurs ukrainiens.
Un défi pour l’Ukraine
En Ukraine, les réalistes n’insistent pas sur l’adhésion immédiate de l’Ukraine à l’UE car objectivement le pays n’est pas prêt. Mais pour l’Ukraine, il est important que le nouveau gouvernement ne succombe pas à l’euphorie post-révolutionnaire et ne soit pas limité par la déclaration du choix européen et d’européanisme, oubliant la dimension pratique des processus démocratiques. L’Ukraine ne doit pas répéter des fautes du gouvernement précédant. Il est actuel de s’engager dans l’élaboration des possibilités et des conditions de l’adhésion à l’UE. Selon moi, il existe en Ukraine l’approche préconçue de l’analyse de certains fonctionnaires d’Etats et de plus il y a un facteur de la « responsabilité administrative ». Sous ces conditions, certains fonctionnaires étudient et donnent l’information de la manière dont le gouvernement veut la voir, sans attirer l’attention sur les contradictions et les possibilités hypothétiques de les résoudre. Dès lors, l’information qui est donnée aux hautes instances dirigeantes du pays est incomplète.
Peut-être ce problème est plus actuel en Ukraine qu’en Occident et qu’ainsi il est peu compréhensible par les pays membres de l’UE depuis longtemps. Dans ce cas, les pays de l’UE qui ont déjà une certaine expérience peuvent aider les réformes administratives et institutionnelles et présenter aux fonctionnaires et chercheurs ukrainiens un mode de fonctionnement des ses institutions et de ses structures.
Facteur russe
A la condition du succès des transformations systémiques en Ukraine et après une certaine période de relations d’association, l’UE peut proposer à l’Ukraine la perspective de l’adhésion. En France, l’idée que le rapprochement de l’Ukraine de l’UE et de l’OTAN peut provoquer la tension des relations avec la Russie est très développée. Mais au niveau stratégique, cette tension est inutile pour l’Ukraine. L’Ukraine grâce à sa position géopolitique et à ses liens différents avec la Russie (non seulement économiques mais aussi familiaux, car la plupart des Ukrainiens ont les relations familiales avec des russes du fait des mariages mixtes), est vouée à coexister et à coopérer avec la Russie. Mais l’Ukraine a ses propres intérêts nationaux et a choisi son modèle politique et d’intégration. Si les dirigeants des deux côtés avaient assez de bon sens et de sagesse, ils peuvent régler les contradictions. Le président Viktor Iouchtchenko a réalisé sa première visite en Russie. Mais au niveau tactique, les tensions périodiques ne sont pas exclues (on peut se souvenir de la situation tendue sur la question de la presqu’île Touzla et les disputes à propos de la flotte russe basée en Crimée).
Le « non » catégorique du côté de l’Union européenne peut provoquer une certaine crise d’identité en Ukraine, peuple qui a soutenu son droit à la démocratie, ainsi qu’un certain désarroi des élites proeuropéennes, qui ont conscience que l’Ukraine du « régime de Koutchma » en réalité n’est pas désirable à l’UE. Mais le pays au centre de l’Europe, l’Ukraine de l’avenir, sous la condition d’obtenir un certain niveau démocratique et économique, contribuera au succès du renforcement de l’espace de sécurité et de la paix de l’UE comme un membre de plein droit et à part entière et non pas seulement un voisin.
Oksana Mitrofanova
Oksana Mitrofanova est docteur en science politique, chercheur senior à l'Institut de l'Economie Mondiale et des Relations Internationales de Kiev et est actuellement professeur invité à la Maison des Sciences de l’Homme de Paris.
1. Strategia integracii Oukrainy do Evropejskogo Sojuzu (La stratégie de l’intégration de l’Ukraine à l’UE) // Doroga v majboutne – doroga v Evropu. Evropejska integracija Oukrainy. Kyiv 2000.
2. Tinguy Anne de. Ukraine : la fin d'une politique d'ouverture et d'équilibre entre l'Est et l'Ouest? // Défense № 94, - août 2001. - P. 55.
3. Gomart Thomas. Le partenariat entre l’Union Européenne et la Russie à l’épreuve de l’élargissement // Revue du Marché commun et de l’Union européenne, № 479 - juin 2004.
4. Poliakov Léonid. Voenna polityka Oukrainy : konstruktyvna nevyznatchenist? (La politique militaire d’Ukraine: une incertitude constructive ?) // Nacionalna bezpeka i oborona № 8, 2004. – P.16.