Article américain sur EGE (site Jinsa)

L’espionnage économique n’a pas disparu depuis le 11 Septembre. Le coût pour l’économie américaine pourrait être de l’ordre de centaines de milliards de dollars. Eclipsé depuis le 11 Septembre et l’âge des actes de terrorisme spectaculairement explosifs, l’espionnage économique contre les entreprises, les industries, la technologie et les intérêts commerciaux continue d’éroder la puissance économique américaine et, par conséquent, la sécurité nationale des Etats-Unis.
La notoriété d’une école française consacrée à l’enseignement des questions les plus raffinées de ce que l’on appelle « renseignement économique » peut attirer l’attention sur un type de guerre qui, avant le 11 Septembre, était considéré comme une grave menace pour l’Amérique.

Les attaques d’Al Qaida contre le World Trade Center et le Pentagone, en 2001, ont porté un coup sérieux au bien-être économique de la nation, en termes de pertes directes comme en terme de répercussions en chaîne dans tout le pays. Des experts craignent que l’espionnage économique ne manie le potentiel de causer de plus grands dommages. Il peut servir à détruire les retours sur investissement, et par là, « à détruire l’incitation à innover », selon l’expression de Peter Schweitzer, chercheur à la Hoover Institution de l’Université de Stanford. L’économie américaine est la première du monde pour une grande part grâce à l’innovation qui s’y produit. En fait, les bases très socialistes des économies européennes tendent à étouffer l’innovation. Comme l’a expliqué l’ancien Directeur de la CIA R. James Woosley dans une chronique du Wall Street Journal du 17 Mars 2000, « les gouvernements [européens] dominent toujours largement [leurs] économies, donc vous avez une difficulté beaucoup plus grande que [les Etats-Unis] à innover, encourager la mobilité du travail, réduire les coûts, attirer du capital vers de jeunes entreprises en mouvement constant, et à s’adapter rapidement à des circonstances économiques changeantes. » Incapables de changer leurs fondements économiques, les Européens ont trouvé que « c’est tellement plus facile de continuer à payer des pots-de-vin.»

Ce qui rend la menace de l’espionnage économique unique par rapport aux autres soucis de sécurité, c’est que les nations coupables sont, par ailleurs, les plus puissants alliés et les partenaires commerciaux de l’Amérique. Dans un monde de globalisation, de concurrence et d’intégration économique croissantes, elles sont pourtant devenues nos plus grandes rivales. La France, en particulier, a émergé comme peut-être le plus sérieux praticien du renseignement économique contre les Etats-Unis. Comme l’a dit un membre de l’Administration Clinton au New York Times en 1996, « quand il s’agit d’espionnage économique, personne n’est meilleur. »

La France est « l’un des collecteurs d’intelligence économique les plus agressifs au monde », selon Schweitzer, auteur en 1993 du livre « Les espions amicaux : Comment les alliés de l’Amérique utilisent l’espionnage économique pour voler nos secrets » (Atlantic Monthly Press, 1993). Utilisant des méthodes d’espionnage normalement dirigées contre les cibles traditionnelles du renseignement, l’Etat français a été accusé d’infiltrer de nombreuses compagnies américaines, dont IBM, Texas Instruments et Corning, qui, entre autres, produisent la pointe de la fibre optique, des semi-conducteurs et de matériaux avancés pour l’industrie des télécommunications. Selon Schweitzer, ces opérations, visant principalement à voler des technologies américaines, étaient menées par « le service de renseignement bien développé » de la France, la DGSE. Parallèlement à ces efforts étatiques, la France a cependant aussi cultivé, ces dernières années, une approche académique controversée et une structure institutionnelle destinées à développer un avantage stratégique dans le climat actuel d’intense concurrence économique entre pays et entre firmes. En 1996, l’Ecole de Guerre Economique (EGE) a été créée par Christian Harbulot, décrit par le quotidien français Libération  en Novembre 2004 comme un « ex-maoïste de la gauche prolétarienne. » Il dirige toujours l’école, située à Paris.

Malgré les critiques de certains aux Etats-Unis, dont le magazine en ligne GeoStrategyDirect.com, selon lesquelles l’EGE est « une école spéciale pour l’espionnage économique qui entraîne les étudiants à cibler la technologie et l’information américaines, » Harbulot nie ces accusations, et maintient que la mission de l’EGE n’est pas d’enseigner l’espionnage, mais plutôt de pratiquer « le renseignement économique », qu’il définit comme « la gestion de l’information pour développer une stratégie économique dans le contexte de conflit et la bataille pour conquérir des segments du marché. » Selon Harbulot, l’EGE enseigne aux étudiants comment faire la guerre économique de manière agressive, mais on leur interdit d’entreprendre le genre de pratiques d’espionnage poursuivies par la DGSE.

L’Amérique est, d’après Schweitzer, « la cible numéro un » quand il s’agit d’espionnage économique. Harbulot a confirmé que, si l’EGE « ne travaille pas contre des cibles américaines », elle cherche à « entreprendre des recherches sur les problèmes de confrontation économique qui surviennent en France et à l’étranger. » Dans une interview avec Libération, cependant, Harbulot a expliqué qu’alors que des pays comme la Chine constituent une menace économique pour les entreprises françaises, ce sont les Etats-Unis qui sont « l’urgence. » Comme le rapporte Libération dans une série d’articles consacrés au sujet, l’EGE est seulement une partie d’une plus large stratégie française de renseignement économique qui a commencé à émerger dans les années 1990. Au sein de sa série de Novembre 2004 intitulée « Guerre Economique », qui fait le point sur le concept français de « Guerre Economique », Libération explique que, sans utiliser le renseignement économique, les Français seraient désavantagés par rapport à des superpuissances économiques comme les Etats-Unis. Comme l’explique Harbulot, l’objectif le plus large de l’EGE est de « rendre les entreprises plus opérationnelles » face à ce qu’il voit comme « des concurrents déloyaux. »

Pour certains, l’essentiel de ce que l’EGE enseigne brouillerait la frontière entre les pratiques économiques légitimes et illégitimes. Arthur Hulnick, professeur à l’Université de Boston et expert de l’espionnage d’entreprise avec 35 ans d’expérience dans le domaine du renseignement, explique qu’il y a trois catégories d’espionnage économique : légal, illégal, et une zone « grise et ombrageuse », qui pourrait être une catégorisation pertinente des enseignements conduits à l’EGE. Selon Harbulot, l’EGE a pour objectif de donner aux étudiants les outils pour opérer dans un environnement économique hautement compétitif en utilisant de l’information collectée à partir de sources ouvertes, telles que Internet, connues aussi sous le nom de « méthodes de renseignement compétitif. » La manière  dont cette information et ce renseignement sont utilisés reflèterait cependant la réputation de la France comme leader mondial dans les pratiques économique scélérates. Un étudiant de l’EGE a expliqué à Libération comment des sources libres peuvent être exploitées pour dévoiler des pratiques commerciales non éthiques chez une autre entreprise, information qui peut plus tard être utilisée pour « écraser » de tels adversaires.

A l’aide d’études de cas de la vie réelle, les étudiants à l’EGE se penchent aussi sur des sujets tels que « la déstabilisation du marché du saumon », bien qu’un autre étudiant ait expliqué que l’école, en enseignant comment déstabiliser les marchés, ne va pas jusqu’à perturber la vie privée d’un PD-G, pratique qui est officiellement « prohibée » par l’EGE.

Hulnick fait écho à Woosley quand il explique que l’une des raisons pour lesquelles les Français sont parmi les leaders en espionnage économique est la prévalence d’entreprises étatiques en France, qui créée in climat dans lequel les intérêts de l’Etat peuvent chevaucher ceux des entreprises. Les Etats-Unis maintiennent une tradition d’implication limitée de l’Etat dans les intérêts des entreprises privées ; ce à quoi Woosley fait référence par l’Amérique regardant vers Adam Smith  comme son patron économique, opposée à la France qui, d’après lui, regarde encore vers Jean-Baptiste Colbert, le ministre des finances du roi Louis IVX *sic*. Les entreprises américaines qui souhaitent collecter et utiliser de l’information contre des concurrents doivent agir seules, sans l’assistance des services de renseignement étatiques et dans le cadre de la loi, en particulier de l’Acte sur les pratiques étrangères corrompues.

Questionné sur le rôle de l’Etat français dans la fourniture de renseignement économique pour assister les entreprises françaises, Harbulot a dit à ce journaliste que l’EGE n’a aucune connection « officielle » ou « semi-officielle » avec le renseignement français, malgré l’accusation par GeoStrategyDirect.com que l’EGE a été établie par Defense Consultancy International, une compagnie semi-publique ayant des liens avec le Ministère de la Défense français. D’après Harbulot, l’école est en fait affiliée à une école de commerce plus large, l’Ecole Supérieure Libre des Sciences Commerciales Appliquées (ESLSCA), et ses fonds ne viennent pas de l’Etat français mais d’études et de recherches qu’elle conduit et vend au public.

Ce que l’on définit comme des pratiques et des enseignements légitimes et légaux différerait beaucoup d’un pays à l’autre, selon Schweitzer. Alors que les Etats-Unis ont résolument résisté à l’usage de capacités et de ressources du renseignement pour assister les entreprises américaines, il y a eu des critiques de la part de beaucoup, selon lesquelles cette approche est irréaliste et naïve, face à une compétition économique toujours croissante venant de l’Union européenne, de la Chine et d’autres. La nécessité de s’engager dans l’espionnage économique au-delà du contre-espionnage traditionnel est amplifié seulement quand on considère également l’amplitude à laquelle d’autres pays utilisent l’espionnage économique et d’autres techniques économiques agressives contre les Etats-Unis. L’espionnage économique et la collecte d’informations étrangers endommagent la santé économique de l’Amérique à un degré inconnu. Il est difficile d’obtenir une estimation précise de la totalité des dommages causés à l’économie des Etats-Unis.

Le sixième rapport annuel au Congrès sur la collecte étrangère d’information et l’espionnage industriel, soumis annuellement par le Président, a estimé que le coût total pour les entreprises américaines était pour l’année 2000 entre 100 et 250 milliards de dollars. Pour rester au sommet, il a été dit que les Etats-Unis doivent sérieusement reconsidérer leur politique contre l’usage de l’espionnage économique pour aider les entreprises américaines. Il y a eu cependant des preuves, ces dernières années, que l’appareil de renseignement américain n’a pas été utilisé seulement pour des mesures de contre-espionnage face à l’espionnage économique, mais aussi pour « aplanir le terrain de jeu » contre l’inclinaison provoquée par le type de technique agressives « de l’ombre » dont on dit qu’elles sont enseignées à l’EGE.

Selon un reportage de MSNBC diffusé en Mai 2004, la correspondance, obtenue par la chaîne, entre la CIA et le Congrès pendant l’Administration Clinton, indique que les ressources du renseignement américain ont été consacrées à assister des compagnies privées américaines pour qu’elles gagnent des contrats à l’étranger. Ces documents ont révélé que les Etats-Unis ont entrepris des opérations de renseignement destinées à suivre ce que le gouvernement américain considérait comme des preuves de concurrence « injuste » de la part d’entreprises étrangères, comme le versement de pots-de-vin à des responsables du pays acheteur. Robert Windrem, producteur d’enquêtes pour NBC News, a noté dans son rapport du 7 Mai 2000 pour MSNBC : « MSNBC.com a rapporté précédemment qu’en 1993 et 1994, la communauté américaine du renseignement a aidé des firmes américaines à gagner 16,5 milliards de dollars en contrats à l’étranger, en alertant les gouvernements dans des pays du tiers-monde, que des ministres et d’autres « se servaient dans la caisse.» Parmi les compagnies américaines qui en ont bénéficié se trouvent Raytheon, Boeing et Hughes Network Systems. La communauté du renseignement a depuis mis un frein à la diffusion de telles données. »

On a allégué que le gouvernement des Etats-Unis utilisait des renseignement obtenus par Echelon – un nom donné à des filtres logiciels installés sur des ordinateurs qui traitent la « prise » du réseau global d’interception électronique et de sites de transmission géré par les Etats-Unis. On dit qu’Echelon cherche, parmi des millions de messages interceptés, des mots-clés préprogrammés ou des adresses e-mail, de télex ou de fax nécessaires à des conduites entrepreneuriales incorrectes. Les gouvernements européens, et plus particulièrement celui de la France, ont critiqué le fait qu’Echelon était utilisé dans ce but. En réponse, Woosley note dans sa chronique susmentionnée que les Etats-Unis utilisent Echelon pour égaliser le terrain de jeu contre des nations européennes qui se sont tournées vers l’espionnage économique et les pots-de-vin pour remporter des contrats face à leurs concurrents américains. Après tout, remarque Woosley, « la plupart des technologies européennes ne sont même pas dignes que nous les volions. » A vrai dire, explique-t-il, il y a certes «une poignée de domaines dans lesquels la technologie européenne surpasse la technologie européenne, mais, pour dire cela aussi poliment que possible, le nombre de tels domaines est très, très, très petit. »

La guerre globale contre le terrorisme est une lutte en cours contre un ennemi déterminé. Les dirigeants américains ne doivent pas oublier qu’avant l’attaque d’Al Qaida de 2001, les Etats-Unis étaient déjà assiégés dans une guerre combattue sans bombes. L’Ecole de Guerre Economique française est seulement un rappel d’un différent type de menace qui pourrait être non moins dangereux pour l’Amérique.