Le jeudi 10 février 2005 a vu le lancement de ce que les spécialistes de l’intelligence et de la guerre économique appellent communément un « SCUD » à l’encontre de l’industrie du luxe, plus particulièrement de la parfumerie.L’association bien connue GREENPEACE a rendu public un rapport dont la version française s’intitule « un parfum de scandale » qui met en avant une éventuelle toxicité des parfums et eaux de toilettes diffusés sur le marché. De quoi s’agit-il ? D’une analyse chimique de 36 parfums destinée à mettre en évidence la présence de phtalates et de muscs de synthèse censés être nocifs pour l’homme, en l’espèce surtout pour la femme au regards des parfums analysés.
Cartier a déjà réagi, sur le mode du « on est étonnés, on est convaincus que nos produits ne sont pas nocifs ».
L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, est partie sur une communication qui ne peut qu’aller, certainement involontairement, dans le sens de la légitimation de la démarche de Greenpeace, se contentant de rappeler la réglementation sanitaire sans prendre position sur une éventuelle violation par les parfumeurs. C’est du moins ce qu’il en ressort des dépêches de presse.
On peut s’étonner que GREENPEACE fasse un scoop de la présence de phtalates, quand on sait qu’il s’agit d’un procédé classique de dénaturation, bien souvent imposé par les lois des pays afin d’empêcher des trafiquants d’alcool de distiller les produits de parfumerie pour en refaire de l’alcool de bouche de piètre qualité et dangereux pour le consommateur. En France il s’agissait de la législation sur les alcools dénaturés et modifiés prévue au code général des impôts.
La traînée de poudre est néanmoins planétaire… Tous les organes de presse en parlent.
Un décorticage en finesse de l’opération de Greenpeace laisse toutefois apparaître des ombres qui sont autant de signaux suspects. Il ne s’agit pas de livrer ici l’analyse technique en terme de subversion et de déstabilisation de cette opération : on pourra se reporter utilement à l’ouvrage La Guerre cognitive, publié chez Lavauzelle, pour trouver la grille de lecture à appliquer. Mais simplement de relever quelques détails qui, en général, ne trompent pas.
Le choix de la date d’abord, quatre jours avant la Saint-Valentin, n’est pas anodin qui relève bien évidemment d’un excellent timing et qui est, volontairement ou non, susceptible de provoquer un impact médiatique important et le maximum de dégâts commerciaux, donc financiers sur les entreprises mises en cause, d’autant plus que c’est une institution dans tous les pays occidentaux et que le parfum reste un cadeau très prisé, une partie non négligeable du chiffre d’affaire des parfumeries se générant à cette occasion.
Les cibles choisies ensuite. Les tirs se concentrent pour l’instant sur les parfums Cartier et Calvin Klein. Principalement sur Eternity for Woman de CK. Mais dans une orchestration bien menée, ce n’est qu’un début. Un peu à la manière de l’Armée rouge de Mao, l’opération pourrait bien se rapprocher du centre, en l’espèce de deux des parfums les plus vendus au monde, commercialisés par deux fleurons du luxe français, DIOR (groupe LVMH) et CHANEL, dont les parfums Poison et N°5 figurent dans l’échantillon « aléatoire » sélectionné par GREENPEACE.
Et c’est là qu’apparaissent quelques détails que la presse n’a pas vu et qui sont bien évidemment passés sous silence par GREENPEACE, peut être bien la faiblesse de l’attaque et le centrum gravitatis du contre…
On relève concernant CHANEL que deux parfums sont testés : Chance et N°5. Le parfum Chance ne contiendrait pratiquement aucune substance recherchée, mais N°5 en contiendrait nettement plus, 17 fois plus de phtalates et 133 fois plus de muscs nitrés et polycycliques !… Sachant que N°5 est le fleuron de CHANEL et un des parfums les plus vendus au monde…
Chez DIOR sont analysés Poison ainsi que le nouveau Pure Poison. Même constatation bizarre : Pure Poison ne contiendrait pratiquement pas les substances recherchées alors que Poison en serait gorgé : 168 fois plus de phtalates et 3134 fois plus (sic !) de muscs nitrés et polycycliques…
On reste dubitatifs sur ces différences entre parfums des mêmes maisons… Alors il faut creuser, et la lecture du rapport initial du laboratoire néerlandais missionné par GREENPEACE, la société TNO Environement and Geosciences est TRES instructive, même si sa lecture est aride et doit se faire en anglais, ce qui n’est pas pour flatter le penchant à la facilité.
En bon analyste ou enquêteur, on cherche à remonter la traçabilité du produit testé. On constate que le laboratoire mandaté a bien fait les choses. Du moins en apparence… Car c’est GREENPEACE qui lui a fourni les échantillons de produits (page 9 du rapport de TNO) et le laboratoire a scrupuleusement identifié ces échantillons en leur affectant à chacun une référence d’analyse et en répertoriant le code-barre commercial permettant d’identifier le produit chez son fabricant. Mais c’est là que les choses se gâtent vis-à-vis du lecteur attentif car il y a trois parfums qui n’ont pas de code-barre de référence, dont il est donc impossible de dire s’ils proviennent des fabricants, si ce sont des produits de contrefaçon ou si ce sont des échantillons de produits totalement différents : Eternity for Woman de Calvin Klein, Poison de DIOR et N°5 de CHANEL (page 11 du rapport de TNO)… hasard malencontreux n’est-il pas que justement ce soient les échantillons du parfum le plus décrié par l’étude et des parfums vedettes des deux fleurons du luxe français dont on ne puisse pas s’assurer qu’ils soient authentiques ?
Les réalités des affrontements économiques laissent malheureusement peu de place au hasard et cette surprenante absence de référence commerciale pour les échantillons du parfum le plus décrié et des fleurons de DIOR et CHANEL scintille comme un signal faible mais inquiétant… Certes GREENPEACE semble avoir pour objectif la promotion d’une directive européenne plus protectrice, mais dans la réalité, on constate que les deux fleurons de l’industrie française du luxe risquent d’être pris dans la tourmente de ce qu’il faut bien appeler une opération de déstabilisation et de subversion, si ce n’est par destination, du moins par nature.
Charles Prats
Cartier a déjà réagi, sur le mode du « on est étonnés, on est convaincus que nos produits ne sont pas nocifs ».
L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, est partie sur une communication qui ne peut qu’aller, certainement involontairement, dans le sens de la légitimation de la démarche de Greenpeace, se contentant de rappeler la réglementation sanitaire sans prendre position sur une éventuelle violation par les parfumeurs. C’est du moins ce qu’il en ressort des dépêches de presse.
On peut s’étonner que GREENPEACE fasse un scoop de la présence de phtalates, quand on sait qu’il s’agit d’un procédé classique de dénaturation, bien souvent imposé par les lois des pays afin d’empêcher des trafiquants d’alcool de distiller les produits de parfumerie pour en refaire de l’alcool de bouche de piètre qualité et dangereux pour le consommateur. En France il s’agissait de la législation sur les alcools dénaturés et modifiés prévue au code général des impôts.
La traînée de poudre est néanmoins planétaire… Tous les organes de presse en parlent.
Un décorticage en finesse de l’opération de Greenpeace laisse toutefois apparaître des ombres qui sont autant de signaux suspects. Il ne s’agit pas de livrer ici l’analyse technique en terme de subversion et de déstabilisation de cette opération : on pourra se reporter utilement à l’ouvrage La Guerre cognitive, publié chez Lavauzelle, pour trouver la grille de lecture à appliquer. Mais simplement de relever quelques détails qui, en général, ne trompent pas.
Le choix de la date d’abord, quatre jours avant la Saint-Valentin, n’est pas anodin qui relève bien évidemment d’un excellent timing et qui est, volontairement ou non, susceptible de provoquer un impact médiatique important et le maximum de dégâts commerciaux, donc financiers sur les entreprises mises en cause, d’autant plus que c’est une institution dans tous les pays occidentaux et que le parfum reste un cadeau très prisé, une partie non négligeable du chiffre d’affaire des parfumeries se générant à cette occasion.
Les cibles choisies ensuite. Les tirs se concentrent pour l’instant sur les parfums Cartier et Calvin Klein. Principalement sur Eternity for Woman de CK. Mais dans une orchestration bien menée, ce n’est qu’un début. Un peu à la manière de l’Armée rouge de Mao, l’opération pourrait bien se rapprocher du centre, en l’espèce de deux des parfums les plus vendus au monde, commercialisés par deux fleurons du luxe français, DIOR (groupe LVMH) et CHANEL, dont les parfums Poison et N°5 figurent dans l’échantillon « aléatoire » sélectionné par GREENPEACE.
Et c’est là qu’apparaissent quelques détails que la presse n’a pas vu et qui sont bien évidemment passés sous silence par GREENPEACE, peut être bien la faiblesse de l’attaque et le centrum gravitatis du contre…
On relève concernant CHANEL que deux parfums sont testés : Chance et N°5. Le parfum Chance ne contiendrait pratiquement aucune substance recherchée, mais N°5 en contiendrait nettement plus, 17 fois plus de phtalates et 133 fois plus de muscs nitrés et polycycliques !… Sachant que N°5 est le fleuron de CHANEL et un des parfums les plus vendus au monde…
Chez DIOR sont analysés Poison ainsi que le nouveau Pure Poison. Même constatation bizarre : Pure Poison ne contiendrait pratiquement pas les substances recherchées alors que Poison en serait gorgé : 168 fois plus de phtalates et 3134 fois plus (sic !) de muscs nitrés et polycycliques…
On reste dubitatifs sur ces différences entre parfums des mêmes maisons… Alors il faut creuser, et la lecture du rapport initial du laboratoire néerlandais missionné par GREENPEACE, la société TNO Environement and Geosciences est TRES instructive, même si sa lecture est aride et doit se faire en anglais, ce qui n’est pas pour flatter le penchant à la facilité.
En bon analyste ou enquêteur, on cherche à remonter la traçabilité du produit testé. On constate que le laboratoire mandaté a bien fait les choses. Du moins en apparence… Car c’est GREENPEACE qui lui a fourni les échantillons de produits (page 9 du rapport de TNO) et le laboratoire a scrupuleusement identifié ces échantillons en leur affectant à chacun une référence d’analyse et en répertoriant le code-barre commercial permettant d’identifier le produit chez son fabricant. Mais c’est là que les choses se gâtent vis-à-vis du lecteur attentif car il y a trois parfums qui n’ont pas de code-barre de référence, dont il est donc impossible de dire s’ils proviennent des fabricants, si ce sont des produits de contrefaçon ou si ce sont des échantillons de produits totalement différents : Eternity for Woman de Calvin Klein, Poison de DIOR et N°5 de CHANEL (page 11 du rapport de TNO)… hasard malencontreux n’est-il pas que justement ce soient les échantillons du parfum le plus décrié par l’étude et des parfums vedettes des deux fleurons du luxe français dont on ne puisse pas s’assurer qu’ils soient authentiques ?
Les réalités des affrontements économiques laissent malheureusement peu de place au hasard et cette surprenante absence de référence commerciale pour les échantillons du parfum le plus décrié et des fleurons de DIOR et CHANEL scintille comme un signal faible mais inquiétant… Certes GREENPEACE semble avoir pour objectif la promotion d’une directive européenne plus protectrice, mais dans la réalité, on constate que les deux fleurons de l’industrie française du luxe risquent d’être pris dans la tourmente de ce qu’il faut bien appeler une opération de déstabilisation et de subversion, si ce n’est par destination, du moins par nature.
Charles Prats