Arte, version Bloc de l’Est

Mercredi 9 février, la chaîne de télévision Arte a fait un remake du film Good Bye Lenin sous la forme du reportage Les légionnaires allemands dans la guerre d’Indochine. Rappelez-vous l’histoire de Good Bye Lenin, à savoir celle d’une femme de l’ex-RDA qui tombe dans le comas juste avant la chute du Mur. A la sortie de son coma profond, 8 mois plus tard, son fils lui fabrique artificiellement un faux univers qui fait croire à sa mère que la RDA existe toujours (fausses émissions de TV, chambre meublée à la mode socialiste…).

Le reportage Les légionnaires allemands dans la guerre d’Indochine semble avoir été conçu comme un document de propagande de la Stasi pour les téléspectateurs nostalgiques de la propagande diffusée par le Parti communiste français durant la guerre froide. D’un côté du miroir : le mal, personnifié par les prisonniers de guerre allemands engagés par l’armée française aux lendemains de la seconde guerre mondiale, de l’autre du miroir : le bien personnifié par les déserteurs allemands de la légion étrangère qui rejoignent le Viêt-minh dans sa juste lutte contre le colonialisme. Certes, l’auteur de l’émission, Marc O. Eberle glisse çà et là quelques nuances qualitatives : aux 5000 hommes, femmes, enfants qui auraient exécutés par des soldats français après l’assassinat d’un gouverneur, un légionnaire allemand qui n’a pas déserté raconte comment il a retrouvé certains de ses camarades torturés et assassinés par des élements du Viêt-minh. Ces légiooanires allemands avaient les yeux crevés, les parties génitales tranchées, le sexe jeté cyniquement dans la bouche. Mais l’essentiel n’est pas dit. Si la recherche d’indépendance par la population vietnamienne était une cause légitime, le moyen d’y arriver n’était pas forcément à la hauteur du message. Le Parti communiste vietnamien a agi sur une large portion du territoire indochinois en pratiquant la terreur mentale et physique pour contrôler les zones dites libérées de l’emprise française. La liquidation physique des milliers de prisonniers de Dien Bien Phu a des analogies avec une autre liquidation physique, celle des dizaines de milliers de prisonniers allemands de Stalingrad. (essentiellment des hommes de troope, les soviétiques ayant épargné la majorité des officiers et sous-officiers). Parmi la minorité de rescapés remis en liberté quelques mois après la chute du camp retranché, un certain nombre était dans un état de délabrement physique similaire à celui des déportés de Dachau. Ces faits ne font pas du Viêt-minh l’incarnation du bien. Il est facile aujourd’hui de réécrire l’histoire, de gommer les crimes de guerre commis par certains mouvements de libération nationale sous prétexte qu’ils rendaient coup pour coup. Ce n’est pas par la terreur que Gandhi a fait accéder son peuple à l’indépendance. Une fois n’est pas coutume, une télévsion française démontre « son ouverture d’esprit » sans que cela ne choque grand monde. Ces dérapages médiatiques sont dangereux car ils faussent la mémoire des démocraties sous prétexte de sanctifier des idéologies faussement libératrices.

Pour information : ci-joint le résumé de l’émission publé dans le Nouvel Observateur
MERCREDI - Arte - 20.40 Magazine.
«Les Mercredis de l’histoire» : «Les Légionnaires allemands dans la guerre d’Indochine».

Les troupes engagées par la Légion étrangère aux côtés de l’armée française en Indochine étaient en majorité allemandes.

Lésions étrangères


« Nous sommes les hommes des troupes d’assaut / Et le diable marche avec nous, ha ! ha ! ha ! »… Comme dans ce chant guerrier, c’est bien le diable qui accompagne la Légion étrangère ce 7 mai 1954, à Diên Biên Phu, pour le dernier combat de la France coloniale en Indochine. Sur des ordres donnés en français, les légionnaires montent à l’assaut en lançant le « hurrah » des soldats allemands. Pour beaucoup, tout a commencé une dizaine d’années plus tôt. 1945. L’Allemagne est en ruine, les soldats perdus du grand Reich peuplent les camps de prisonniers. La Légion étrangère y recrute sans peine. Ex-SS, anciens de la Wehrmacht ou orphelins déguisés en soldats dans des uniformes trop grands pour eux, ils ont tous le sentiment de ne plus avoir d’avenir et la volonté de quitter leur pays vaincu. Enrôlés par leur ennemi d’hier, ils vont venir grossir les rangs de cette Légion depuis toujours bienveillante à qui veut se battre avec elle. C’est leur histoire que nous raconte ce documentaire de Marc O. Eberle. Les images d’archives succèdent aux scènes reconstituées et aux témoignages d’anciens légionnaires. La France veut rétablir l’ordre dans ses colonies et, ne souhaitant pas y envoyer le contingent, elle mobilise, en plus de son armée de métier, la Légion étrangère. 80 % des effectifs engagés en Indochine seront d’origine allemande ou autrichienne. Soldats bien entraînés, ils en constitueront les troupes de choc. Hans Joachim Schriever en fait partie. A 17 ans, il a fini la guerre dans les jeunesses hitlériennes. Sur le terrain, ce qui ne devait être qu’une opération de maintien de l’ordre prend de tout autres proportions. La résistance vietnamienne s’intensifie et s’organise. Le conflit symbolise bientôt la lutte de l’Occident contre le communisme et illustre l’un des premiers grands épisodes de la guerre froide. Rien de très nouveau pour les légionnaires allemands : « On s’était déjà battus contre les communistes en 39-45… » Pour eux c’est un vieux combat qui continue. Et les méthodes sont les mêmes… Villages brûlés, populations massacrées. La guerre d’Indochine se durcit considérablement. Les désertions se multiplient. Des deux côtés, la propagande fait rage. L’armée d’Hô Chi Minh compte dans ses rangs des communistes allemands réfugiés au Vietnam pour fuir le nazisme. Ils enregistrent des slogans à l’intention des légionnaires germanophones. Certains, comme Hans Joachim Schriever, sont sensibles à ces messages : « On a réalisé que le Viêt-minh avait raison de se battre pour son pays. » 1 400 Allemands déserteurs se font ainsi recruter. A leur retour en Allemagne de l’Est, ils seront classés « suspects » par le régime. Tous les anciens légionnaires seront suivis par des collaborateurs de la Stasi, et recrutés comme espions. On espionne ceux qui refusent... L’engagement français en Indochine prendra fin en mai 1954, la Légion y aura enregistré de très lourdes pertes. Le Vietnam est désormais partagé en deux, une nouvelle guerre commence.
Véronique Macon