Concernant la situation du marché vitivinicole dans le monde aujourd’hui, le constat est simple : les pays traditionnellement exportateurs de vins (comme la France et les Etats-Unis) se voient désormais bousculés par de nouveaux concurrents, commercialisant des vins du « nouveau monde », comme l’Australie.
La success story de ce pays constitue un véritable cas d’école et l’on peut tout naturellement être amené à se poser la question suivante : Le succès australien peut il s’expliquer par la mise en œuvre d’une véritable stratégie de conquête de marchés dans le domaine vitivinicole en Australie ?
En effet, derrière cette problématique se cache de nombreuses répercutions pour le marché mondial viticole en particulier pour la France, qui est un pays à grande tradition viticole.
Une montée en Puissance de l’Australie risque de remettre en cause une partie de la Puissance culturelle et géoéconomique française. La viticulture est un des symboles majeurs de la Culture « gastronomique », mais elle représente surtout 15% de la valeur de la production agricole française (soit 8,4 Milliards d’euros (1)), ce qui n’est pas négligeable quand on connaît l’importance de l’agriculture française. De plus, le marché viticole mondial ne cesse de croître et l’on annonce d’ici 2010 une croissance de la demande mondiale d’environ 11 millions d’hl (2).
On comprend donc l’intérêt d’être présent sur ce marché, reflet :
- d’une puissance culturelle
- d’une puissance géoéconomique
Outre le fait que le marché du vin représente un marché important en terme de retombées économiques et culturelles, celui se transforme en véritable enjeux de puissance lorsque l’on sait que les cartes vont être redistribuée dans un futur proche avec :
- le changement des comportements des consommateurs (vieillissement de la population d’amateurs éclairés adeptes des vins français, et l’arrivée de génération plus jeune- moins connaisseuse- et friande de vins « exotiques »)
- surtout l’ouverture de nouveaux marchés comme la Chine
En effet, la Chine va contraindre à double titre les pays producteurs viticoles à mener de véritables stratégies de puissance. Les pays exportateurs de vins comme la France voient essentiellement la Chine comme un formidable marché avec des débouchées à la taille du pays, oubliant deux choses : la première étant que certains pays relativement proches géographiquement comme l’Australie sont déjà très implantés, et la seconde peut-être la plus préoccupante à moyen/ long terme, est que les producteurs chinois se sont fixés comme objectifs de produire des vins à réputation mondiale (s’appuyant sur du savoir faire français et bâti sur les normes internationale).
Fort de ces constats, il semble donc que le vin peut devenir un véritable enjeux de puissance (économique et culturelle) pour certain pays, du moins il peut y contribuer.
La France a-t-elle pris conscience de ses enjeux de puissance ? Possède-t-elle une véritable stratégie à l’instar de l’Australie ?
A titre de comparaison, il est intéressant de comprendre la stratégie mise en place par les australiens. Dans les années 1970, l’Australie ne produisait que des vins « bas de gamme » et exportait en faible quantité ses meilleurs vins de cépages.
Les vignerons australiens ont du compenser leur faible marché indigène par une volonté collective de conquérir le monde.
Les australiens ont donc publié depuis déjà 1996 leurs plans offensifs dans un véritable traité de stratégie offensive viticole « Strategy 2025 » (3) (imités par les américains avec Wine Vision 2020 (4)). Le contenu toujours valable aujourd’hui, fixe une vision claire des objectifs à réaliser ou déjà réalisé, une analyse fine des Opportunités de marché, les ressources à utiliser (avec des objectifs concrets par années) et le contenu des partenariats avec le gouvernement pour réussir cette mission (taxation, diverses facilités etc.).
Ce plan stratégique, s’est également appuyé sur une structure australienne très organisée du secteur viticole australien, intégrant : le gouvernement pour la recherche scientifique et études marché et export (grape & wine Research & development corporation et le australian wine & brandy corporation), mais aussi les industries (associations d’états, viticulteurs et fédération des producteurs australiens).
Face à cette véritable stratégie de conquêtes de marchés dans le domaine viticole affichée par l’Australie (que l’on retrouve aussi aux USA, Afrique du Sud…) quelle est la place et la réaction de la France ?
Face à cette montée en puissance de l’Australie (et des autres vins du nouveau monde) la France a tardé à réagir, et a négligé ces concurrents malgré les études et rapports fournis depuis déjà 10 ans (5). Les gouvernements français (de gauche comme de droite) ont cédé au lobby viticole français dont les préoccupations étaient encore trop souvent locales (Bordeaux d’un côté, Champagne de l’autre etc.) et ont fait passé des lois « protectionnistes » sur les AOC, et autres appellations complexes.
Car l’un des handicaps majeur de la France reste sûrement la complexité de sa filière divisées selon les régions productrices et où chacune d’entre elle essaie de se privilégier alors qu’au même moment l’Australie travaille à un niveau national tous cépages orientés vers un seul et même objectif.
La France doit prendre réellement conscience qu’elle doit prioriser ses objectifs en se donnant les moyens adéquat pour AGIR, ne pas simplement être sur la défensive.
Les australiens partis d’un rapport de faible au fort ont compris qu’ils devaient utiliser leurs ressources (grandes superficies) pour produire des millésimes constant d’année en année, en assouplissant la législation qui leur permet de mélanger des raisins de régions différentes (impossible en France) et en offrant un pure produit « Marketing ».
La France raisonne en terroir, l’Australie en cépages, plus faciles à commercialiser à l’export.
Certaines entreprises françaises ont bien compris l’intérêt de la vision australienne (ex : Pernod Ricard avec le 1er vin australien exporté dans le monde Jacob’s Creek) avec qui la plupart des producteurs français il y a peu, refusaient de parler dans les salons professionnels (6). On peut désormais constater une prise de conscience « tardive »hélas de la filière française qui doit se poser des questions profondes sur son organisation et mettre en place une réorganisation rapide avec des priorités, revoir ses stratégies d’exportation et de gamme, profiter de l’avance de savoir-faire dans le moyen-haut et très haut de gamme où les australiens ne sont pas encore présents tout en faisant une analyse de sa législation.
La France doit réagir et agir rapidement sous peine de perdre toute légitimité concurrentielle sur des marchés comme la Chine et plus grave remettre en cause sa Puissance culturelle (dont le vin fait partie) et géoéconomique en mettant à mal l’activité agricole et viticole du pays.
Claire Faverdin
. Source : Ministère de l’agriculture, INSEE
2. Source : Les Echos, 01.07.2004, La crise du vin français, Bruno Durieux
3. www.wfa.org.au/planning/strat2025.html
4. www.winevision.org : à titre d’exemple les USA se sont donnés comme objectifs que le vin fasse partie intégrante de la culture américaine, être le fournisseur majeur du marché global, faciliter la communication autour de la viticulture américaine.
5. 1994 étude de Booz Allen Hamilton, puis Berthomeau etc.
6. Le Point, 04.03.2004, le plus austral des vins français.
La success story de ce pays constitue un véritable cas d’école et l’on peut tout naturellement être amené à se poser la question suivante : Le succès australien peut il s’expliquer par la mise en œuvre d’une véritable stratégie de conquête de marchés dans le domaine vitivinicole en Australie ?
En effet, derrière cette problématique se cache de nombreuses répercutions pour le marché mondial viticole en particulier pour la France, qui est un pays à grande tradition viticole.
Une montée en Puissance de l’Australie risque de remettre en cause une partie de la Puissance culturelle et géoéconomique française. La viticulture est un des symboles majeurs de la Culture « gastronomique », mais elle représente surtout 15% de la valeur de la production agricole française (soit 8,4 Milliards d’euros (1)), ce qui n’est pas négligeable quand on connaît l’importance de l’agriculture française. De plus, le marché viticole mondial ne cesse de croître et l’on annonce d’ici 2010 une croissance de la demande mondiale d’environ 11 millions d’hl (2).
On comprend donc l’intérêt d’être présent sur ce marché, reflet :
- d’une puissance culturelle
- d’une puissance géoéconomique
Outre le fait que le marché du vin représente un marché important en terme de retombées économiques et culturelles, celui se transforme en véritable enjeux de puissance lorsque l’on sait que les cartes vont être redistribuée dans un futur proche avec :
- le changement des comportements des consommateurs (vieillissement de la population d’amateurs éclairés adeptes des vins français, et l’arrivée de génération plus jeune- moins connaisseuse- et friande de vins « exotiques »)
- surtout l’ouverture de nouveaux marchés comme la Chine
En effet, la Chine va contraindre à double titre les pays producteurs viticoles à mener de véritables stratégies de puissance. Les pays exportateurs de vins comme la France voient essentiellement la Chine comme un formidable marché avec des débouchées à la taille du pays, oubliant deux choses : la première étant que certains pays relativement proches géographiquement comme l’Australie sont déjà très implantés, et la seconde peut-être la plus préoccupante à moyen/ long terme, est que les producteurs chinois se sont fixés comme objectifs de produire des vins à réputation mondiale (s’appuyant sur du savoir faire français et bâti sur les normes internationale).
Fort de ces constats, il semble donc que le vin peut devenir un véritable enjeux de puissance (économique et culturelle) pour certain pays, du moins il peut y contribuer.
La France a-t-elle pris conscience de ses enjeux de puissance ? Possède-t-elle une véritable stratégie à l’instar de l’Australie ?
A titre de comparaison, il est intéressant de comprendre la stratégie mise en place par les australiens. Dans les années 1970, l’Australie ne produisait que des vins « bas de gamme » et exportait en faible quantité ses meilleurs vins de cépages.
Les vignerons australiens ont du compenser leur faible marché indigène par une volonté collective de conquérir le monde.
Les australiens ont donc publié depuis déjà 1996 leurs plans offensifs dans un véritable traité de stratégie offensive viticole « Strategy 2025 » (3) (imités par les américains avec Wine Vision 2020 (4)). Le contenu toujours valable aujourd’hui, fixe une vision claire des objectifs à réaliser ou déjà réalisé, une analyse fine des Opportunités de marché, les ressources à utiliser (avec des objectifs concrets par années) et le contenu des partenariats avec le gouvernement pour réussir cette mission (taxation, diverses facilités etc.).
Ce plan stratégique, s’est également appuyé sur une structure australienne très organisée du secteur viticole australien, intégrant : le gouvernement pour la recherche scientifique et études marché et export (grape & wine Research & development corporation et le australian wine & brandy corporation), mais aussi les industries (associations d’états, viticulteurs et fédération des producteurs australiens).
Face à cette véritable stratégie de conquêtes de marchés dans le domaine viticole affichée par l’Australie (que l’on retrouve aussi aux USA, Afrique du Sud…) quelle est la place et la réaction de la France ?
Face à cette montée en puissance de l’Australie (et des autres vins du nouveau monde) la France a tardé à réagir, et a négligé ces concurrents malgré les études et rapports fournis depuis déjà 10 ans (5). Les gouvernements français (de gauche comme de droite) ont cédé au lobby viticole français dont les préoccupations étaient encore trop souvent locales (Bordeaux d’un côté, Champagne de l’autre etc.) et ont fait passé des lois « protectionnistes » sur les AOC, et autres appellations complexes.
Car l’un des handicaps majeur de la France reste sûrement la complexité de sa filière divisées selon les régions productrices et où chacune d’entre elle essaie de se privilégier alors qu’au même moment l’Australie travaille à un niveau national tous cépages orientés vers un seul et même objectif.
La France doit prendre réellement conscience qu’elle doit prioriser ses objectifs en se donnant les moyens adéquat pour AGIR, ne pas simplement être sur la défensive.
Les australiens partis d’un rapport de faible au fort ont compris qu’ils devaient utiliser leurs ressources (grandes superficies) pour produire des millésimes constant d’année en année, en assouplissant la législation qui leur permet de mélanger des raisins de régions différentes (impossible en France) et en offrant un pure produit « Marketing ».
La France raisonne en terroir, l’Australie en cépages, plus faciles à commercialiser à l’export.
Certaines entreprises françaises ont bien compris l’intérêt de la vision australienne (ex : Pernod Ricard avec le 1er vin australien exporté dans le monde Jacob’s Creek) avec qui la plupart des producteurs français il y a peu, refusaient de parler dans les salons professionnels (6). On peut désormais constater une prise de conscience « tardive »hélas de la filière française qui doit se poser des questions profondes sur son organisation et mettre en place une réorganisation rapide avec des priorités, revoir ses stratégies d’exportation et de gamme, profiter de l’avance de savoir-faire dans le moyen-haut et très haut de gamme où les australiens ne sont pas encore présents tout en faisant une analyse de sa législation.
La France doit réagir et agir rapidement sous peine de perdre toute légitimité concurrentielle sur des marchés comme la Chine et plus grave remettre en cause sa Puissance culturelle (dont le vin fait partie) et géoéconomique en mettant à mal l’activité agricole et viticole du pays.
Claire Faverdin
. Source : Ministère de l’agriculture, INSEE
2. Source : Les Echos, 01.07.2004, La crise du vin français, Bruno Durieux
3. www.wfa.org.au/planning/strat2025.html
4. www.winevision.org : à titre d’exemple les USA se sont donnés comme objectifs que le vin fasse partie intégrante de la culture américaine, être le fournisseur majeur du marché global, faciliter la communication autour de la viticulture américaine.
5. 1994 étude de Booz Allen Hamilton, puis Berthomeau etc.
6. Le Point, 04.03.2004, le plus austral des vins français.