L’administration française peine à s’extraire des contraintes imposées par les politiques. Une démonstration exemplaire nous est donnée par notre incapacité à assimiler le concept de war room. En France, les centres informatisés mis en place depuis les années 1990 dans les Ministères stratégiques (Défense, Affaires étrangères, Intérieur) sont des instruments de gestion de crise et non des centres de commandement permanents d’où peuvent être initiées des stratégies de moyen et long terme.
C’est la grande différence qui nous distingue de la mutation en cours suivie par le modèle américain depuis la première guerre du Golfe. Le concept américain de war room est destiné à intégrer le processus de prise de décision dans la dimension opérationnelle de la société de l’information. Ce qui est possible aux Etats-Unis ne l’est pas encore en France à cause de la crainte du politique à déléguer trop de pouvoir aux administrations. Les cabinets ministériels sont les substituts humains des war room à la française. Cette comparaison n’est pas à notre avantage car elle est une image criante de notre archaïsme en matière de modernité du fonctionnement de l’Etat. Prenons un seul exemple basique : quelle est la capacité opérationnelle de transmission de la mémoire vive entre deux gouvernements du même camp. Un exemple catastrophique nous a été donné par l’équipe Rocard lorsqu’elle a quitté Matignon lors de l’arrivée d’Edith Cresson : la plupart des ordinateurs avait disparu, idem pour les archives. L’équipe Cresson a dû tout reconstituer dans un climat d’improvisation particulièrement difficile à gérer. Ce cas limite est, espérons-le l’exception qui confirme la règle.
Pendant ce temps, nos amis américains ne chôment pas en matière de war room. Ils sont déjà passés au stade de la formation des élites. La photo ci-dessous provient de l’université du Maryland où a été installé cette war room, afin de former les étudiants au pilotage global de l’information en temps réel. Ce système a aussi été mis en place à l’université d’Harvard, de Standford, et bien entendu au célèbre MIT.