Les résistances au changement dans le renseignement de police

Certaines administrations commencent à découvrir les effets de la société de l’information. A lire Valeurs actuelles, dans son numéro 3540 du 7 octobre dernier, les policiers des Renseignements Généraux vivraient très mal la fin des notes blanches non signées. La réforme imposée par le nouveau patron de la Direction Centrale des Renseignements Généraux est tout à fait conforme à la mutation qui doit se faire dans les méthodes de gestion de la connaissance de la Police nationale.Contrairement à la tradition de la police de Fouché, la question n’est plus de dénoncer mais de comprendre et d’anticiper sur des enjeux multiformes et de plus en plus complexes. La création d’une mémoire opérationnelle identifiable par les logos et les noms des rédacteurs est en soi une révolution. Des administrations très renfermées sur elles-mêmes, comme le Quai d’Orsay, l’ont d’ailleurs timidement mais sûrement introduit dans leur propre culture. Ainsi au Ministère de Affaires étrangères, le rédacteur d’une note apparaît maintenant en tout petit sur le document. C’est un début. L’objectif de cette réforme est de permettre un jour à un décideur de la nouvelle génération de faire venir dans son bureau l’émetteur de la note et de discuter avec lui d’un point précis sans s’emmêler les pieds dans les contraintes hiérarchiques (certains chefs font écran pour se valoriser à la place de leurs collaborateurs directs, ce qui est improductif et très néfaste à l’efficacité d’une structure de renseignement ouverte ou fermée). A la fin des années 1990, Jean-Pierre Pochon, alors directeur des RG de la Préfecture de Police de Paris avait tenté une réforme sur les méthodes de renseignement en matière de sécurité publique. Il espéra la faire passer en procédant graduellement à plus de 100 mutations sur près de 700 fonctionnaires. Mais la culture maison fut la plus forte. Les nouveaux furent rapidement mis au pas par les anciens. La réforme se solda par un échec. La persistance de la culture orale dans le renseignement de police, l’absence de bases de connaissance analytiques (on ne parle pas là de fichage mais d’analyse des comportements, ce qui ne soulève pas le faux problème de la CNIL) sont en train de devenir des failles sérieuses dans notre dispositif de sécurité dès lors que les comportements criminels les ont identifié et en jouent. L’absence de résultat dans l’enquête sur le groupe qui signa ses provocations par le sigle AZF est peut-être le premier symptôme de ce type de déficience du système.