L’Etat commencerait-il à prendre la pente de la réflexion sur la puissance ?
La création d’une délégation générale à l’intelligence économique à Bercy est intéressante au moins sur le plan linguistique. Si on reprend le texte de la dépêche AFP, trois axes de travail retiennent l’attention:
1) Une veille concurrentielle des nations intégrant à des analyses économiques et financières des remises en perspective de nature historique, sociologique et culturelle. Cette démarche est tout à fait nouvelle dans le sens où elle repose sur une lecture non évènementielle des rapports de force économiques. A la différence de l’approche mono culturelle américaine, l’accent est mis sur ce qui fait la force de la démarche française d’intelligence économique, à savoir la prise en compte de l’histoire des peuples et de leur cheminement culturel dans la lecture des stratégies géoéconomiques.
2) La volonté de cerner la stratégie économico politique des principales nations du globe. Ce type d’intention n’est pas dans le style en usage dans les textes officiels de l’administration. On est loin des discours sur la Défense économique, hérités de l’ordonnance de 1959. Il ne s’agit plus de se concentrer sur la protection du patrimoine mais d’élargir le champ de vision à l’étude des stratégies des puissances concurrentes.
3) L’incitation à anticiper les décisions prises par des organisations internationales, des gouvernements ou des entreprises étrangères qui auraient pour effet de nuire aux intérêts économiques et industriels de la France. Cette notion d’anticipation n’est pas non plus anodine. Il s’agit de proposer aux responsables politiques du pays un éventail de contre-mesures envisageable pour s’opposer à des manœuvres portant atteinte à notre intérêt national. Ce type de déclaration n’est pas le fruit de la culture de l’inspection des Finances, ni de la direction du Trésor et encore moins de l’INSEE. La mission de cette délégation s’inscrit dans un autre champ référentiel.
Et c’est bien là l’interrogation majeure : comment les caciques de Bercy vont-ils jauger une telle initiative ? Les partisans de la culture FMI et Banque mondiale, très présents dans les hautes sphères du Ministère des Finances, les garants de la culture administrative à la française (centrée sur l’intérêt général et découplée des rivalités entre intérêts de puissance) ainsi que les lobbies syndicalistes ne sont prêts à assimiler ce type de vision proactive de la puissance sous-tendue par une démarche d’intelligence économique.
In fine, cette délégation n’est-elle qu’un futur Centre d’Analyse et de Prévision comme il en existe un au Quai d’Orsay, c’est-à-dire un lieu où il fait bon de passer un temps pour la progression de carrière mais qui n’a pas de prise directe avec le système de décision du Quai ?
Ou, soyons optimiste quelques secondes, est-ce la première amorce d’un changement de cap de la culture administrative française au cœur d’un Ministère considéré comme stratégique en matière de préservation de l’intérêt de puissance ?
Une chose est sûre, Monsieur Alain Juillet n’a pas attendu ce texte pour s’engager dans cette voie. Gageons que les gens de Bercy s’en souviennent et jouent la partie avec lui (si il y a une partie à jouer…).
1) Une veille concurrentielle des nations intégrant à des analyses économiques et financières des remises en perspective de nature historique, sociologique et culturelle. Cette démarche est tout à fait nouvelle dans le sens où elle repose sur une lecture non évènementielle des rapports de force économiques. A la différence de l’approche mono culturelle américaine, l’accent est mis sur ce qui fait la force de la démarche française d’intelligence économique, à savoir la prise en compte de l’histoire des peuples et de leur cheminement culturel dans la lecture des stratégies géoéconomiques.
2) La volonté de cerner la stratégie économico politique des principales nations du globe. Ce type d’intention n’est pas dans le style en usage dans les textes officiels de l’administration. On est loin des discours sur la Défense économique, hérités de l’ordonnance de 1959. Il ne s’agit plus de se concentrer sur la protection du patrimoine mais d’élargir le champ de vision à l’étude des stratégies des puissances concurrentes.
3) L’incitation à anticiper les décisions prises par des organisations internationales, des gouvernements ou des entreprises étrangères qui auraient pour effet de nuire aux intérêts économiques et industriels de la France. Cette notion d’anticipation n’est pas non plus anodine. Il s’agit de proposer aux responsables politiques du pays un éventail de contre-mesures envisageable pour s’opposer à des manœuvres portant atteinte à notre intérêt national. Ce type de déclaration n’est pas le fruit de la culture de l’inspection des Finances, ni de la direction du Trésor et encore moins de l’INSEE. La mission de cette délégation s’inscrit dans un autre champ référentiel.
Et c’est bien là l’interrogation majeure : comment les caciques de Bercy vont-ils jauger une telle initiative ? Les partisans de la culture FMI et Banque mondiale, très présents dans les hautes sphères du Ministère des Finances, les garants de la culture administrative à la française (centrée sur l’intérêt général et découplée des rivalités entre intérêts de puissance) ainsi que les lobbies syndicalistes ne sont prêts à assimiler ce type de vision proactive de la puissance sous-tendue par une démarche d’intelligence économique.
In fine, cette délégation n’est-elle qu’un futur Centre d’Analyse et de Prévision comme il en existe un au Quai d’Orsay, c’est-à-dire un lieu où il fait bon de passer un temps pour la progression de carrière mais qui n’a pas de prise directe avec le système de décision du Quai ?
Ou, soyons optimiste quelques secondes, est-ce la première amorce d’un changement de cap de la culture administrative française au cœur d’un Ministère considéré comme stratégique en matière de préservation de l’intérêt de puissance ?
Une chose est sûre, Monsieur Alain Juillet n’a pas attendu ce texte pour s’engager dans cette voie. Gageons que les gens de Bercy s’en souviennent et jouent la partie avec lui (si il y a une partie à jouer…).