Sanofi-Aventis : une bataille est gagnée…

En mettant tout son poids dans la balance pour permettre le rachat d’Aventis par Sanofi, le gouvernement a permis la sauvegarde d’un secteur pharmaceutique français puissant et indépendant. Mais cette sauvegarde est loin d’être définitive, et ne doit pas être considérée comme une chose acquise mais bien comme le début d’une nécessaire vision stratégique du développement de ce secteur. La nouvelle entité qui va naître de ce rachat, un géant français et européen au niveau mondial, devra faire l’objet de toutes les vigilances dans un environnement concurrentiel de plus en plus hostile.Les entreprises pharmaceutiques ont en effet de plus en plus de mal à dissimuler de graves problèmes structurels derrière des bilans financiers encore flatteurs. Elles ont de grandes difficultés à trouver de nouvelles molécules, et vivent principalement grâce à l’exploitation d’un portefeuille très limité de produits, constitué au maximum d’une grosse dizaine de médicaments « stars » (les blockbusters).

Mais ces rentes s’épuisent au fil du temps, et sont gravement entamées par la concurrence des médicaments génériques une fois leurs brevets tombés dans le domaine public. Face à ce déficit d’innovation, la seule voie de développement possible pour ces firmes passe la plupart du temps par les fusions ou acquisitions de leurs concurrents, rendant le secteur pharmaceutique extrêmement instable et mouvant. Ces évolutions incessantes rendent l’environnement des firmes pharmaceutiques très hostile. Or ce secteur présente un caractère stratégique dans la mesure où il touche directement aux problématiques de santé publique.

Les pouvoirs publics semblent avoir compris les dimensions de ce problème et ont appuyé Sanofi pour la constitution d’un « champion national » capable d’évoluer dans ce contexte très dur. Ce soutien est intéressant dans la mesure où il est intervenu dans une situation qui ne relevait pas d’un sauvetage d’urgence, mais d’une posture de développement industriel. Cette première bataille peut donc être considérée comme gagnée. Mais le contexte nous invite à rester vigilant, et à ne pas s’endormir sur les lauriers d’une fusion voulue par le gouvernement français, dont l’interventionnisme a été ouvertement critiqué, notamment en Allemagne et en Grande-Bretagne ainsi qu’à Bruxelles pour des raisons plus idéologiques.

Ce champion national, malgré sa taille, n’est pas pour autant intouchable, et peut dans un avenir relativement proche faire l’objet d’une future OPA hostile. Il faut donc continuer à l’inscrire dans une vision de stratégie industrielle moderne adaptée à ce contexte agressif, sous peine de voir le secteur pharmaceutique français disparaître.

Même si on peut s’interroger sur la forme de son intervention, un peu trop voyante aux yeux de certains, le gouvernement a su imposer une certaine vision stratégique dans ce secteur sensible. Il faut espérer que cette intervention n’était pas qu’une opération ponctuelle, et qu’elle relève d’une réelle prise de conscience des pouvoirs publics sur la nécessité de protéger l’intérêt national dans certains secteurs industriels stratégiques comme le secteur pharmaceutique.

NC