Le 24 mai prochain se tiendra dans la grande salle de la Mutualité un colloque (www.c-f-e-p.org) sur le thème de la France, de l’Europe et de la puissance. Organisée par Bernard Carayon, avec le soutien actif de l’Ecole de guerre économique, de l’ADIT et de l’agence Caractères associés, cette réunion s’inscrit dans un contexte d’actualité. L’Europe ne doit pas être un mythe. Sa construction se fera dans la lucidité et dans le respect des peuples et des cultures qui lui donnent vie. Chacun sait que, depuis Charlemagne, ce n’est pas la première fois qu’une telle aventure est tentée. Les précédentes ont abouti à des échecs, voire à des catastrophes. Pour l’instant, rien ne garantit le succès de cette nouvelle tentative, si ce n’est l’envie collective d’un bien-être garanti par un espace pacifié et des règles communes de marché ainsi que par la volonté d’aboutir à une monnaie unique, l’euro. La lucidité, ce n’est pas la langue de bois. Pour atteindre l’objectif ambitieux de donner à l’Europe une dimension stratégique, il faut regarder en face les obstacles et non baisser les yeux en se disant que tout finira finalement par bien se passer.Les Etats-Unis ne veulent pas d’une Europe/puissance qui risque de devenir à terme un empire plus attractif que leur, à la fois par le modèle sociétal et par la nouvelle forme d’économie de marché que l’Union européenne sera peut-être un jour capable de bâtir. Mais ils ne sont pas les seuls. La Russie et la Chine n’ont pas pour vocation de devenir les vassaux d’un empire occidental plus humaniste et garant d’un mode de vie respectueux de l’individu plus que du consommateur. Sans parler des autres…
Contrairement à ce que peuvent dire Jacques Chirac ou Ségolène Royal, l’entrée de la Turquie dans l’Europe n’est absolument pas un fait acquis. Bien sûr que cela serait l’idéal. Rappelons-nous le message porté par le film sorti aux lendemains de la seconde guerre mondiale, Si tous les gars du monde. Il fallait se tendre la main au-delà du rideau de fer. Certes, la guerre froide a pris fin et le mur rest tombé, mais pas les rapports de force entre puissance ont pris un nouvel élan chaotique. Il faut s’appeler Patrick Viveret pour croire que la guerre économique n’est pas une fatalité (article paru dans un ouvrage intitulé La mondialisation au-delà des mythes). Elle l’est depuis que le monde est monde. Il suffit pour s’en convaincre de visiter les ruines de Carthage. La rivale géoéconomique et militaire de Rome a été détruite jusqu’à la dernière pierre et une nouvelle Carthage romaine a été reconstruite avec les mêmes pierres.
Une majorité d’Européens, dont les Français, ont du mal à valider une telle perspective en termes démographiques (la Turquie deviendrait le deuxième pays le plus peuplé de l’Union européenne), ni en termes religieux (l’islam reste pour l’instant une religion menaçante aux yeux de larges franges de l’opinion publique européenne). Aujourd’hui, depuis l’entrée de la partie chypriote grecque dans l’Union européenne, une partie du territoire européen est occupée par l’armée turque. N’oublions pas que l’ONU n’a jamais reconnu la présence turque à Chypre. Celle-ci est la conséquence d’un débarquement militaire et d’un affrontement avec l’armée grecque. A part les Chypriotes grecs, personne n’a demandé à la Turquie de faire ce geste de bonne volonté en évacuant ses forces de Chypre. Cette omerta diplomatique n’inaugure rien de bon.
L’Europe a le devoir de construire un arc d’alliance et de respect mutuel avec les pays du Bassin méditerranéen. Cet objectif est miné par la dynamique du conflit israélo-palestinien. Et pourtant, ce défi est la garantie de notre paix pour les prochaines décennies. L’Europe du Nord n’a sur ce point pas les mêmes attentes que l’Europe du Sud.
Nous allons devoir vivre avec toutes ces contradictions. L’erreur majeure serait de repousser devant nous les stratégies de long terme à mettre en œuvre. Il n’y a pas de place pour les Daladier et les Laval dans l’Europe à 25. Cette aventure-là a besoin du talent stratégique d’un Churchill et de la détermination d’un de Gaulle. Nous sommes encore loin du compte. Si les rapports de force géoéconomiques sont occultés par un certain nombre de courants de pensée qui vont du libéralisme à la Madelin jusqu’aux altermondialistes, ils restent le fondement de toutes nos inquiétudes. L’implosion orchestrée de l’ex-Yougoslavie, les conflits divers et variés qui secouent le continent africain, la guerre en Irak, les manipulations que dissimulent une partie de l’activité terroriste internationale, sont les expressions indirectes de ces rapports de force économiques entre puissances. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’essence primordiale des conflits dominants devient un sujet tabou. La cécité ou la lacheté, le refus de prendre des décisions courageuses pour identifier un chemin cohérent sur ce champ de mines sont autant d’obstacles majeurs à la réussite future de l’Europe. Nous attendons mieux que des mots pour réussir l’impossible.
Christian Harbulot
Contrairement à ce que peuvent dire Jacques Chirac ou Ségolène Royal, l’entrée de la Turquie dans l’Europe n’est absolument pas un fait acquis. Bien sûr que cela serait l’idéal. Rappelons-nous le message porté par le film sorti aux lendemains de la seconde guerre mondiale, Si tous les gars du monde. Il fallait se tendre la main au-delà du rideau de fer. Certes, la guerre froide a pris fin et le mur rest tombé, mais pas les rapports de force entre puissance ont pris un nouvel élan chaotique. Il faut s’appeler Patrick Viveret pour croire que la guerre économique n’est pas une fatalité (article paru dans un ouvrage intitulé La mondialisation au-delà des mythes). Elle l’est depuis que le monde est monde. Il suffit pour s’en convaincre de visiter les ruines de Carthage. La rivale géoéconomique et militaire de Rome a été détruite jusqu’à la dernière pierre et une nouvelle Carthage romaine a été reconstruite avec les mêmes pierres.
Une majorité d’Européens, dont les Français, ont du mal à valider une telle perspective en termes démographiques (la Turquie deviendrait le deuxième pays le plus peuplé de l’Union européenne), ni en termes religieux (l’islam reste pour l’instant une religion menaçante aux yeux de larges franges de l’opinion publique européenne). Aujourd’hui, depuis l’entrée de la partie chypriote grecque dans l’Union européenne, une partie du territoire européen est occupée par l’armée turque. N’oublions pas que l’ONU n’a jamais reconnu la présence turque à Chypre. Celle-ci est la conséquence d’un débarquement militaire et d’un affrontement avec l’armée grecque. A part les Chypriotes grecs, personne n’a demandé à la Turquie de faire ce geste de bonne volonté en évacuant ses forces de Chypre. Cette omerta diplomatique n’inaugure rien de bon.
L’Europe a le devoir de construire un arc d’alliance et de respect mutuel avec les pays du Bassin méditerranéen. Cet objectif est miné par la dynamique du conflit israélo-palestinien. Et pourtant, ce défi est la garantie de notre paix pour les prochaines décennies. L’Europe du Nord n’a sur ce point pas les mêmes attentes que l’Europe du Sud.
Nous allons devoir vivre avec toutes ces contradictions. L’erreur majeure serait de repousser devant nous les stratégies de long terme à mettre en œuvre. Il n’y a pas de place pour les Daladier et les Laval dans l’Europe à 25. Cette aventure-là a besoin du talent stratégique d’un Churchill et de la détermination d’un de Gaulle. Nous sommes encore loin du compte. Si les rapports de force géoéconomiques sont occultés par un certain nombre de courants de pensée qui vont du libéralisme à la Madelin jusqu’aux altermondialistes, ils restent le fondement de toutes nos inquiétudes. L’implosion orchestrée de l’ex-Yougoslavie, les conflits divers et variés qui secouent le continent africain, la guerre en Irak, les manipulations que dissimulent une partie de l’activité terroriste internationale, sont les expressions indirectes de ces rapports de force économiques entre puissances. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’essence primordiale des conflits dominants devient un sujet tabou. La cécité ou la lacheté, le refus de prendre des décisions courageuses pour identifier un chemin cohérent sur ce champ de mines sont autant d’obstacles majeurs à la réussite future de l’Europe. Nous attendons mieux que des mots pour réussir l’impossible.
Christian Harbulot