Echec de Coca-cola sur le marché britannique avec l'eau Dasani

Le géant Coca-Cola vient de retirer la totalité de son eau de marque Dasani vendue sur le marché britannique, soit 500 000 bouteilles. Ce retrait intervient alors que la multinationale américaine lance une vaste offensive sur le secteur de l’eau en Europe. Cette crise qui ne semblait pas inquiéter la commercialisation de Dasani en France semble pourtant avoir remis en cause la stratégie « eau » du groupe en Europe.Un communiqué de Coca-Cola précise que le retrait de ses bouteilles d’eau sur le sol britannique est une « mesure de précaution ». Dans plusieurs lots de bouteilles, des prélèvements ont révélé la présence de niveaux de bromates supérieurs aux normes autorisées en Grande-Bretagne. Les bromates se forment à la suite du processus d'ozonisation, traitement désinfectant l’eau à l’ozone. Bien que les porte-parole de Coca-Cola avancent que ces taux ne présentent aucun risque pour la santé, certaines études médicales mettent toutefois en garde sur des risques potentiels cancérigènes à long terme.
Le coup ne s’arrête pas là. Dès le lancement de son eau, Coca-Cola avait été vivement critiqué par des associations de consommateurs et les médias britanniques après le groupe ait admis que son eau Dasani n’était que l’eau du robinet traitée et purifiée. L’eau arrivait dans l'usine de Coca-Cola à Sidcup (sud-est de Londres) via les réseaux de distribution de Thames Water, une importante compagnie britannique de distribution d'eau qui alimente aussi les foyers de Londres. Alors que Thames Water facture son eau à 0,004 euro le demi-litre, la bouteille d’eau Dasani était facturée près de 1,4 euro les 500 millilitres, soit un prix 350 fois supérieurs.

Communication justificative
Coca-Cola avance pour sa défense que l’eau de Thames Water subissait une purification supplémentaire, à travers trois filtres successifs, puis une « osmose inversée », censée débarrasser le liquide des bactéries et autres virus, sels, minéraux, sucres, protéines et particules toxiques. La compagnie y ajoute au final des minéraux pour améliorer le goût. Ces procédés ne sont cependant pas spécifiques au groupe américain, les leaders européens du secteur Nestlé et Danone, y ont également recours. En Grande-Bretagne, deux bouteilles d’eau vendues sur cinq sont de l’eau du robinet filtrée et traitée.
La multinationale s’est également mise à dos les distributeurs d’eau municipale. En effet, la communication consistant à justifier le prix de leur eau en insistant sur la « purification » sous-entendait une meilleure qualité que l’eau provenant directement du robinet. Un des représentants des distributeurs d’eau publique a rétorqué que « la suggestion selon laquelle vous devez payer beaucoup d'argent pour avoir une boisson saine est fausse ». Cependant, il est à noter qu’en Grande-Bretagne, une prise d'eau (dans les nappes phréatiques et au robinet) sur trois dépasse la norme de qualité minimale de 50 mg de nitrates par litre.
Ce retrait pourrait compromettre les tentatives de pénétration de Coca-Cola sur le marché britannique, voire européen, de l’eau. En 2003, la consommation britannique d’eau minérale dépassait les deux milliards de litres, en progression régulière depuis plusieurs années. Elle est toutefois nettement inférieure au reste de l’Europe occidentale qui atteint les 100 litres par habitant chaque année.

L’eau de Coca en France
Coca-Cola est le troisième producteur mondial d'eau en bouteilles, activité qui représente 7,4% de son chiffre d’affaires global. Le groupe fabrique et distribue déjà en France des boissons sans alcool (sodas, jus de fruits…) pour un chiffre d'affaires annuel de 1,3 milliard d'euros et emploie 2.500 personnes. Mais le groupe ne pèse que 2% dans le marché des eaux plates en Europe.
Avec près de 10 milliards de litres d'eau embouteillés, la France arrive au premier rang de la production mondiale. La marque Cristaline, détenue par le groupe Castel (Neptune), arrive en tête des ventes, suivie par Evian, Contrex, Volvic et Vittel. Ces quatre marques appartiennent aux deux leaders mondiaux de l’eau, Nestlé et Danone. Ensemble, Nestlé, Danone et Castel contrôlent près de 70% des parts de marché. Pour devenir un véritable acteur du secteur et doper ses ventes, le groupe américain a prévu une stratégie délibérément offensive en s’appuyant sur des marques internationales, comme Dasani et Bonaqua, sur le rachat du suisse Valser et du belge Chaudfontaine, et un budget colossal dédié à la promotion. L’eau Dasani sera en effet vendue dans les grandes distributions, les cafés, les hôtels, les restaurants, mais elle sera aussi présente dans les 20 000 distributeurs automatiques du groupe. Il est également prévu que Dasani soit partenaire officiel des prochains Jeux Olympiques d’Athènes, et de l’équipe de France de football pour l’Euro 2004.

Une commercialisation repoussée en Europe continentale
Le lancement de Dasani était prévu le 19 avril 2004 en France. Boisson à base d’eau minérale non gazeuse au prix inférieur d’environ 20 % à celui d’Evian, Dasani proviendrait de la source Astrid à Chaudfontaine (dans les Ardennes belges). L’eau de Coca-Cola ne serait qu’à 99,8% une eau minérale puisqu’elle serait rééquilibrée en calcium et en magnésium (0,2%). Elle serait à ce titre commercialisée sous la dénomination « boisson à l’eau minérale naturelle ».
La législation française est très stricte en matière de définition d'eau minérale ou de source, et les législations étrangères ne sont pas similaires. L’eau minérale est une eau qui provient d’une nappe souterraine sans emprunter un réseau d’eau utilisé à des fins de distribution publique. La teneur en sels minéraux peut excéder 1 000 mg par litre (par exemple : Perrier). L’eau de source est une eau qui provient d’une nappe souterraine sans emprunter un réseau d’eau utilisé à des fins de distribution publique. La teneur en sels minéraux n’excède pas 1 000 mg par litre (par exemple : Evian). De l’eau traitée est une eau qui a subi un traitement destiné à la rendre potable. L’eau provient habituellement des réseaux municipaux (par exemple : Dasani).
Suite au fiasco en Grande-Bretagne, la firme d’Atlanta a finalement renoncé au lancement « spectaculaire » de son eau en France et en Allemagne. En Grande-Bretagne, aucune date de retour de Dasani dans les magasins n'a été fixée. Le groupe a réaffirmé à de nombreuses reprises sa « totale confiance » dans Dasani qui occupe déjà la deuxième place sur le marché de l’eau en bouteille aux Etats-Unis. Notons au passage que la guerre des eaux dépasse largement le cadre du marketing. La société Danone se serait fait voler au cours des semaines passées deux ordinateurs contenant des informations importantes sur la manière dont la firme française allait tenter de contrer l’offensive de Coca-Cola dans le domaine des eaux minérales. Mais cet acte d’espionnage industriel, si il est confirmé, n’occulte en rien le débat de fond qui secoue depuis plusieurs années une partie des groupes agroalimentaires américains. Dans la polémique sur l’alimentation qui rend malade, Coca-Cola qui est une cible de choix depuis que le débat sur l’obésité s’est accru aux Etats-Unis, cherche à se racheter une image « saine » auprès de l’opinion publique. Le groupe investit dans le secteur de l’eau et propose des publicités plus « sportives », les deux facteurs présentés par les médias américains comme les principaux remèdes à l’obésité.

AVS