Reaction sur les enjeux agricoles français

Vous dites "qu'un des effets pervers des orientations économiques de ces dernières décennies est la perte de savoir-faire". Tout à fait d'accord.
Par contre quand vous dites "qu'il a été de plus en plus complexe pour les agriculteurs de maîtriser seuls les décisions propres à leur métier". Je ne partage pas votre analyse.De fait, de nombreux agriculteurs sont aujourd'hui totalement assistés et de plus font confiance à l'ordonnance délivrée par le technicien de la coopérative, lui-même à la solde des firmes phytos. Mais ce n'est pas parce que les agriculteurs ne sont pas capables, c'est parce qu'ils l'ont choisi !! La nuance est importante !!


N'oublions pas que les agriculteurs sont de mieux en mieux formés, au contraire des années 60-70 où la presse spécialisée et les instituts faisaient de la "vulgarisation". Aujourd'hui, beaucoup sont ingénieurs, très nombreux sont titulaires d'un BTS. Ils savent s'informer et maîtriser sans aucun problème les aspects techniques et juridiques de leurs exploitations. Avec les conseils d'experts, c'est un fait, mais quel secteur économique ne fait pas appel aux consultants ou coach ?

Beaucoup se demandent si le jeu vaut vraiment la chandelle d'être si pointu sur leur exploitation. La PAC a un effet pervers très profond : elle démotive dans les campagnes, même les plus jeunes. Et ce n'est pas la nouvelle réforme qui instaure une prime à la surface, que l'on cultive ou non qui va changer les choses. Cette profession qui a longtemps été en pointe techniquement est maintenant sous perfusion, et les agriculteurs-ingénieurs mettent de plus en plus souvent leurs compétences au service d'entreprises para ou extra agricoles. La ferme est cultivée le week-end, ou est "sous-traitée" à une entreprise de travaux agricoles. Une tendance qui s'intensifie en zones de grandes cultures. Dans ce cas, effectivement, ils suivent les ordonnances et ne posent pas de questions.

Car ils voient leurs voisins qui n'ont pas encore démissionné se creuser la tête pour produire au cours mondial (impossible à l'heure actuelle), comprimer les charges, se réorganiser, pour, dans le même temps, produire de la qualité... qui n'est pas payée par les transformateurs et les distributeurs, vous l'abordez dans votre article.

Alors quel avenir ? Impossible à savoir quand on voit que la commission impose une révision de la PAC à mi-parcours, totalement imprévue... et qui change une nouvelle fois la vision stratégique du métier. Sur une ferme, les investissements (souvent très lourds) ne peuvent pas être engagés sur quatre ans seulement. Beaucoup d'agriculteurs naviguent à vue, d'autres ne naviguent plus, et de plus en plus coulent.
cordialement,
Arnould Sébastien

PS : je suis journaliste agricole et économique, photographe du monde agricole, et accessoirement fils de paysan.