Les dépenses de santé continuent à croître, même si le rythme se ralentit et si les Français ne l’oublions pas, restent les premiers consommateurs de médicaments dans le monde. Les laboratoires pharmaceutiques souffrent d’une panne de créativité : les molécules nouvelles se raréfient (1)). Le générique est la copie conforme d’un médicament «de marque» vendu 30% à 40% moins cher en raison de l’expiration des brevets. Longtemps perçu par les patients comme une « copie » et donc de mauvaise qualité, le générique commence aujourd’hui à mieux se positionner en France. On est encore loin des performances américaines ou allemandes mais grâce aux mesures gouvernementales qui ont touché médecins et pharmaciens, le marché français s’annonce fleurissant.
Des mesures gouvernementales positives Personne et surtout pas les laboratoires ne croyaient à l’avenir des médicaments génériques en France, certains laboratoires ont crée des filiales génériques mais sans grande conviction. Il a fallu attendre 1999 et l’octroi aux pharmaciens du droit de substitution par le plan Aubry-Kouchner pour que l’opinion découvre la réalité de ce type de produits. Cette mesure permet aux pharmaciens de proposer des médicaments génériques, moins chers, à leurs clients en remplacement de certains médicaments de marque prescrits par le médecin. Constatant que « tant que les médecins ne se sentiront pas impliqués, les génériques ne pourront décoller » (2), Jean-François Mattei décida, de passer un accord avec les médecins généralistes. En échange de la revalorisation du tarif de leur consultation à 20 euros, les praticiens s’engageaient à établir le quart de leurs prescriptions sans référence aux marques des laboratoires, mais en utilisant les dénominations communes internationales (DCI) des médicaments.
L’offensive des génériqueurs Parmi les premiers médicaments prescrits et remboursés par la CNAM, plusieurs vont voir leur brevet expirer en 2004 (3). Le marché français est certes loin des scores observés à l’étranger mais on voit arriver des acteurs étrangers. L’israélien Teva s’est introduit en France en rachetant Bayer Classics et son usine de production à Sens et envisage déjà de concurrencer Merck et Biogaran afin de devenir le n°1 du générique en France. D’autres génériqueurs mondiaux d’origine étrangère arrivent aussi, comme l’américain Ivax ou de l’australien Arrow Génériques par exemple. D’autres laboratoires en revanche, sachant que la rentabilité d’un générique est deux fois inférieure au taux de rentabilité des médicaments innovants (4), préfèrent arrêter la production. C’est le cas de l’américain MSD Chibret (Merck & Co) qui a vendu son activité générique à son homologie Ivax, Wyeth Lederlé qui a cessé son activité ou encore Aventis qui a vendu récemment sa filiale génériques, RPG, au géant indien Ranbaxy.
La contre-attaque des laboratoires Certains signes montrent la gravité de la situation : en 2001, le laboratoire américain Lilly a perdu une part significative de sa valeur boursière quand les brevets du Prozac sont tombés dans le domaine public. Pour contrer le développement des génériqueurs, les firmes pharmaceutiques emploient diverses pratiques. Elles se lancent dans des batailles juridiques pour défendre leurs brevets. Elle font aussi appel à la «fausse innovation», changement minime de la composition ou de dosage de la molécule, par exemple pour prolonger de quelques années un brevet. On a vu aussi fleurir dans les cabinets des médecins des tampons avec la mention «non-substituable» obligeant le pharmacien a délivrer uniquement le médicament prescrit. Ils sont fournis gracieusement par les laboratoires. D’autres «omettent» de citer les noms de médicaments génériques dans leurs bases de données, c’est le cas du Vidal, financé par les laboratoires. Pourtant, malgré ces menaces, l’industrie pharmaceutique se porte bien. L’industrie des génériques reste essentiellement nationale, divisée en une multitude de petites entreprises, même en Europe. Son développement reste limité par la disparité des législations nationales, des obstacles juridiques, des faibles marges freinant l’extension internationale ainsi que la bonne distribution et commercialisation auprès du réseau des pharmaciens.
Des écueils à éviter La mise au point d’un nouveau médicament coûte de plus en plus cher et demande de plus en plus de temps. Cependant, est-il normal que les efforts commerciaux dépassent les efforts de recherche (5) ? Est-il normal que les fusions servent à donner un rapport de forces politique considérables aux industriels face aux Etats nationaux (6) ? Est-il normal que certaines équipes de recherche ou de marketing aillent jusqu’à manipuler des résultats d’études ou à dissimuler des résultats négatifs pour qu’un médicament puisse être mis sur le marché ? Faut-il aller jusqu’à inventer de nouvelles maladies pour commercialiser un médicament ? Ce sont des exemples parmi d’autres qui visent à démontrer que la recherche de profits au sein de l’industrie du médicament peut aller très loin. Hugo Arango (1) la création d’un nouveau médicament coûterait 700 millions d’euros (Bilan du Monde 2004) (2) Pierre-Jean Lancry, directeur adjoint de la CNAM (3) Parmi eux Mopral, Zyrtec, Stilnox, Ecazide… (4) Pharmaceutiques n°105 (5) La recherche représente aujourd’hui 17% et le marketing et la vente 35% (Carnet de santé de la France 2003, Dunod) (6) Pfizer a menacé en 2002 de se retirer de France si on ne lui accordait pas le prix qu’il demandait pour ses nouveaux médicaments (ouvrage : le grand secret de l’industrie pharmaceutique)