Les Françaises et les Français jouent avec le feu. Les premiers résultats des élections sont là pour le démontrer. Le vote sanction qu’ils adressent tantôt à la gauche, tantôt à la droite, traduit l’incapacité de ce peuple à gérer son avenir de manière cohérente. En traitant les politiques comme des gladiateurs aux jeux du cirque, le peuple français confond l’exercice de la démocratie avec un exercice de revendication catégorielle. Hélas pour lui, la France vit dans un environnement international dangereux dont il est difficile de s’exclure. Les problèmes qui nous guettent sont pourtant évidents. Si l’emploi est devenu un problème endémique dans l’évolution des sociétés post-industrielles. Il est aussi le résultat de la compétition commerciale qui oppose un nombre croissant de pays industrialisés. La saturation concurrentielle des marchés est un phénomène qui s’est développé très naturellement à la fin du siècle dernier. Le marché mondial n’est pas extensible. Il faudra bien l’admettre un jour. Cette nouvelle dimension du problème de l’emploi n’est pas prise en compte par la population française. La raison en est un simple : les solutions ne relèvent plus seulement de la politique politicienne mais aussi de la stratégie de puissance. Celle-ci implique une approche nouvelle des relations internationales, de l’économie et des processus de création de richesse.
Contrairement à ce que pense la majorité des patrons des grands groupes industriels, la France ne peut plus penser son avenir dans le seul sillage des Etats-Unis, comme ce fut le cas entre 1969 et 1989. Ce confort intellectuel, pur produit de la fin des empires coloniaux et de la guerre froide, est en train de s’estomper sous les coups de butoir de la mondialisation. Certes, le cynisme « jet set » domine encore ces milieux qui espèrent que les Etats-Unis calmeront la poussée économique de la Chine comme ils ont su calmer l’appétit commercial du Japon au début des années 1990. Mais le pari est risqué et l’équation est aujourd’hui à plusieurs inconnues. La France est à terme condamnée à repenser son destin. Cette éventualité effraie la vieille génération des capitaines d’industrie.
Comment définir une stratégie durable à la hauteur des enjeux à venir ? C’est le rôle du Président de la République. A écouter les proches du pouvoir, Jacques Chirac préfère, paraît-il, les gens de Porto Alegre à ceux de Davos. En ce sens, il reflète plus qu’on ne le croit le consensus sorti des urnes lors du second tour de l’élection présidentielle. La nomination d’hommes de gauche à de hautes responsabilités de l’Etat et les soutiens indirects à certaines idées alter mondialistes démontrent l’ouverture d’esprit du Chef de l’Etat. Mais celle-ci ne remplace pas une stratégie globale suivi d’actes lourds de sens. En son temps, le général de Gaulle avait montré la voie d’une troisième voie, différente de celle suivie par les deux Blocs. Il était pratiquement le seul à y croire et eut raison trop tôt. Aujourd’hui, les Blocs ont disparu mais le monde multipolaire gagne chaque jour du terrain. La superpuissance américaine n’a plus les capacités de réguler le flot de conflits de toute nature qui secoue la scène internationale. L’Europe n’a pas encore atteint son stade de maturité pour y faire face. La France existe donc encore pour un certain temps. Or le débat politique sur cette question-clé est inexistant. L’opposition est-elle tentée de le lancer ?
La gauche française ne veut rien entendre aux chocs des puissances découlant de l’après-guerre froide. Le texte de Lionel Jospin publié dans le Monde du mardi 23 mars est un modèle du genre. En développant ses idées sur une relation sereine entre la France et les Etats-Unis, l’ancien leader de la gauche plurielle tente un retour sur la scène diplomatique en privilégiant la langue de bois aux dépens de la lucidité. Contrairement à ce qu’il affirme, les deux pays se sont opposés militairement de manière directe et indirecte au cours de leur histoire. Certes, ce ne fut pas des affrontements militaires spectaculaires mais ce sont les conséquences de ces affrontements qui ont été importantes dans l’Histoire des deux pays. Dans le premier cas de figure, il s’agissait pour les Etats-Unis de profiter de la situation isolée d’une France révolutionnaire encerclée par l’Europe des monarchies pour tirer profit de cette situation. Des escarmouches navales et terrestres opposant des forces américaines et françaises ont eu lieu à l’époque du directoire. C’est-à-dire peu après l’indépendance de la jeune République américaine obtenue, rappelons-le, en partie grâce au soutien militaire apporté par la France. A la fin du XVIIIème siècle, les forts français installés dans la plaine du Mississippi bloquaient l’expansion des colons américains vers les territoires de l’Ouest. C’est une des explications de ce brutal renversement d’alliance de la part des Etats-Unis, dont Lionel Jospin n’a pas le souvenir. Ce n’est pas la seule omission dans ses propos. L’ancien militant anti-impérialiste ne peut ignorer la manière dont les Etats-Unis ont aidé le Viêt minh à devenir une force militaire capable de s’opposer à l’armée française aux lendemains de la seconde guerre mondiale. Sans cette aide capitale en matériel de guerre et en formation des personnels, le Viêt minh n’aurait jamais pu s’engager sérieusement dans la guerre pour l’indépendance avant 1949, date de l’entrée en lice de la Chine communiste dans le conflit indochinois. Dans ce second cas de figure, les Etats-Unis luttaient pour la disparition des empires coloniaux européens afin d’assurer leur propre suprématie sur le monde.
En occultant l’impact stratégique des affrontements géoéconomiques, la gauche française nous expose encore plus aux aléas de la mondialisation. Son retour aux commandes de l’Etat est un risque majeur si une prise de conscience n’intervient pas dans ses rangs. Il est étrange qu’aucun représentant de cette mouvance n’ait d’ailleurs pris la parole pour évoquer l’étrange déstabilisation informationnelle dont un autre ancien Premier Ministre sorti de ses rangs, Edith Cresson, a été victime lorsqu’elle était commissaire européen. Edith Cresson n’a pas commis que des maladresses. Elle s’est notamment opposée à la volonté des Etats-Unis sur des dossiers sensibles concernant l’avenir de l’Europe/puissance. Mais qui daigne s’intéresser à ce point de détail, rue de Solférino ?
Christian Harbulot
Contrairement à ce que pense la majorité des patrons des grands groupes industriels, la France ne peut plus penser son avenir dans le seul sillage des Etats-Unis, comme ce fut le cas entre 1969 et 1989. Ce confort intellectuel, pur produit de la fin des empires coloniaux et de la guerre froide, est en train de s’estomper sous les coups de butoir de la mondialisation. Certes, le cynisme « jet set » domine encore ces milieux qui espèrent que les Etats-Unis calmeront la poussée économique de la Chine comme ils ont su calmer l’appétit commercial du Japon au début des années 1990. Mais le pari est risqué et l’équation est aujourd’hui à plusieurs inconnues. La France est à terme condamnée à repenser son destin. Cette éventualité effraie la vieille génération des capitaines d’industrie.
Comment définir une stratégie durable à la hauteur des enjeux à venir ? C’est le rôle du Président de la République. A écouter les proches du pouvoir, Jacques Chirac préfère, paraît-il, les gens de Porto Alegre à ceux de Davos. En ce sens, il reflète plus qu’on ne le croit le consensus sorti des urnes lors du second tour de l’élection présidentielle. La nomination d’hommes de gauche à de hautes responsabilités de l’Etat et les soutiens indirects à certaines idées alter mondialistes démontrent l’ouverture d’esprit du Chef de l’Etat. Mais celle-ci ne remplace pas une stratégie globale suivi d’actes lourds de sens. En son temps, le général de Gaulle avait montré la voie d’une troisième voie, différente de celle suivie par les deux Blocs. Il était pratiquement le seul à y croire et eut raison trop tôt. Aujourd’hui, les Blocs ont disparu mais le monde multipolaire gagne chaque jour du terrain. La superpuissance américaine n’a plus les capacités de réguler le flot de conflits de toute nature qui secoue la scène internationale. L’Europe n’a pas encore atteint son stade de maturité pour y faire face. La France existe donc encore pour un certain temps. Or le débat politique sur cette question-clé est inexistant. L’opposition est-elle tentée de le lancer ?
La gauche française ne veut rien entendre aux chocs des puissances découlant de l’après-guerre froide. Le texte de Lionel Jospin publié dans le Monde du mardi 23 mars est un modèle du genre. En développant ses idées sur une relation sereine entre la France et les Etats-Unis, l’ancien leader de la gauche plurielle tente un retour sur la scène diplomatique en privilégiant la langue de bois aux dépens de la lucidité. Contrairement à ce qu’il affirme, les deux pays se sont opposés militairement de manière directe et indirecte au cours de leur histoire. Certes, ce ne fut pas des affrontements militaires spectaculaires mais ce sont les conséquences de ces affrontements qui ont été importantes dans l’Histoire des deux pays. Dans le premier cas de figure, il s’agissait pour les Etats-Unis de profiter de la situation isolée d’une France révolutionnaire encerclée par l’Europe des monarchies pour tirer profit de cette situation. Des escarmouches navales et terrestres opposant des forces américaines et françaises ont eu lieu à l’époque du directoire. C’est-à-dire peu après l’indépendance de la jeune République américaine obtenue, rappelons-le, en partie grâce au soutien militaire apporté par la France. A la fin du XVIIIème siècle, les forts français installés dans la plaine du Mississippi bloquaient l’expansion des colons américains vers les territoires de l’Ouest. C’est une des explications de ce brutal renversement d’alliance de la part des Etats-Unis, dont Lionel Jospin n’a pas le souvenir. Ce n’est pas la seule omission dans ses propos. L’ancien militant anti-impérialiste ne peut ignorer la manière dont les Etats-Unis ont aidé le Viêt minh à devenir une force militaire capable de s’opposer à l’armée française aux lendemains de la seconde guerre mondiale. Sans cette aide capitale en matériel de guerre et en formation des personnels, le Viêt minh n’aurait jamais pu s’engager sérieusement dans la guerre pour l’indépendance avant 1949, date de l’entrée en lice de la Chine communiste dans le conflit indochinois. Dans ce second cas de figure, les Etats-Unis luttaient pour la disparition des empires coloniaux européens afin d’assurer leur propre suprématie sur le monde.
En occultant l’impact stratégique des affrontements géoéconomiques, la gauche française nous expose encore plus aux aléas de la mondialisation. Son retour aux commandes de l’Etat est un risque majeur si une prise de conscience n’intervient pas dans ses rangs. Il est étrange qu’aucun représentant de cette mouvance n’ait d’ailleurs pris la parole pour évoquer l’étrange déstabilisation informationnelle dont un autre ancien Premier Ministre sorti de ses rangs, Edith Cresson, a été victime lorsqu’elle était commissaire européen. Edith Cresson n’a pas commis que des maladresses. Elle s’est notamment opposée à la volonté des Etats-Unis sur des dossiers sensibles concernant l’avenir de l’Europe/puissance. Mais qui daigne s’intéresser à ce point de détail, rue de Solférino ?
Christian Harbulot