Galiléo : Cupidité et cécité stratégique

Dans un communiqué daté du 25 février dernier, le commissaire européen Madame Loyola de Palacio se réjouit que les Etats-Unis et l’Union européenne soient parvenus à un accord sur le système GALILEO, futur concurrent du GPS américain. Il convient de dire la vérité sur cet accord. Il s’agit certes d’un succès dans la mesure où il s’inscrit dans la droite ligne du discours strictement commercial qui sous-tend ce projet depuis ses débuts. GALILEO a constamment été présenté comme un projet essentiellement civil, appuyé sur un marché potentiel gigantesque (revenus estimés entre 2008 et 2025 à plus de 5 milliards d’euros) et donc susceptible de générer pour les Etats et entreprises participants un considérable retour sur investissement. Alors oui, en effet, l’accord de février permet aux deux systèmes GPS et GALILEO de cohabiter de manière « complémentaire, compatible et redondante » (sic Mme Loyola de Palacio) dans le meilleur des mondes concurrentiels.

En revanche, sur le plan stratégique, cet accord est pour l’Union européenne un échec cuisant et d’autant plus impardonnable qu’il semble en fait avoir été accepté par anticipation depuis longtemps. En présentant GALILEO comme un projet commercial, l’UE s’est privée des moyens de négocier sur un pied d’égalité avec les Etats-Unis l’utilisation du niveau de signal (dit BOC 2.2) donnant aux systèmes de radionavigation par satellite une précision nécessaire aux utilisations militaires futures. Les Etats-Unis ont dès lors pu obtenir, sans réelle contrepartie, que GALILEO n’utilise pas ce signal en prétextant que cela risquait d’empiéter sur la bande passante militaire (dite Code M) du futur GPS nouvelle génération. En clair, l’UE a abdiqué en souriant toute capacité stratégique crédible et s’apprête pour les années à venir à demeurer sous domination américaine. Rappelons que le GPS est un système entièrement contrôlé par le Pentagone et que durant la première guerre du Golfe (1991), le signal avait délibérément été brouillé au-dessus d’Israël afin d’empêcher l’Etat hébreu d’engager des ripostes aux attaques irakiennes par Scud. L’Europe-puissance accepte d’être potentiellement aveugle et sourde.

RJ