L’empire Disney est un des fleurons de l’économie américaine. Depuis sa création, il véhicule l’image d’une société solide, universelle et en qui on peut avoir confiance. Le succès du film « Finding Nemo » en 2003 devait même asseoir la viabilité du groupe à long terme. Pourtant, depuis trois mois, la société se voit complètement déstabilisée par une campagne de désinformation lancée à l’encontre de son CEO Michael Eisner.Michael Eisner dirige le groupe Disney depuis 1984. Après dix années d’immense succès, il voit son groupe décliner au milieu des années 1990 et même se faire rattraper sur les différents secteurs d’activité du groupe, à savoir la production de films d’animation, les parcs d’attraction et le merchandising. Fin 2003, le médiocre parcours boursier du groupe, la rémunération excessive de Michael Eisner (son salaire ayant augmenté de 20% à 7,3 millions de dollars en 2003), de mauvais chiffres d'audience de la chaîne de télévision ABC et une gestion déficiente d'un accord de distribution avec les studios d'animation Pixar finissent d’entacher la réputation du CEO.
Le mécontentement des actionnaires devient alors de plus en plus important. Le 1er décembre 2003, Roy Disney, fils et neveu des deux co-fondateurs, démissionne du conseil d'administration. Il est imité le jour même par Stanley Gold, PDG de Shamrock Holdings, société responsable de la gestion des intérêts des héritiers (1,3% des actions Disney). Les deux hommes s’allient alors pour dénoncer le management de Eisner et sa responsabilité dans le marasme du groupe. Pour cela, ils vont mener une véritable campagne de déstabilisation à l’encontre du CEO, ayant pour ultime objectif sa démission.
Une série d’évènements officiellement connexes à l’affaire commence alors à déstabiliser le groupe Disney, facilitant par là même la démarche de Roy Disney et Staley Gold. Tout d’abord, le 29 janviers 2004, Pixar (pionniers de l'animation numérique avec la réalisation de "Toy Story", "Monstres et Cie", "Le Monde de Nemo" entre autres) annonce son intention de ne pas prolonger sa collaboration avec le groupe Walt Disney après 2005. Le 11 février, Comcast (numéro un américain du câble) fait part d’une offre de quelque 66 milliards de dollars pour racheter Disney. Le PDG de Comcast, Brian Roberts, précise ne pas avoir eu de contact préalable avec Roy Disney, "ni avec aucun actionnaire particulier". Au même moment, l’Institutional Shareholder Services (ISS), une société de conseil aux investisseurs très respectée, appelle a voter "non" afin de dissocier les fonctions de PDG et de président du Conseil d’Administration, cumulées depuis 1994 par Eisner. Finalement, deux semaines plus tard, le 25 février, le premier fonds de retraite américain, Calpers, qui détient environ 0,5% des actions Disney, annonce qu'il votera contre Eisner lors de la prochaine Assemblée Générale car il a "perdu toute confiance" en sa stratégie. En quelques jours, une dizaine d'autres fonds de retraite actionnaires prendront la même décision.
Si cet amoncellement d’attaques contre Michael Eisner ne semble que pure coïncidence, une campagne de lobbying a bien été volontairement orchestrée par les contestataires. Roy Disney et Stanley Gold vont en effet tout faire pour provoquer une motion de censure à l’encontre du CEO lors de l’AG du 3 mars 2004. Pour cela, ils vont principalement cibler leur action sur internet.
Faisant office de machine de guerre, le site SaveDisney.com est créé au lendemain de leur démission et exige le départ immédiat de Michael Eisner. Le site fait d’abord office d’outil de communication de crise, avec des articles renouvelés en permanence par une communauté de plus de 5000 visiteurs réguliers et des informations diffusées en temps réel sur les réunions, actualités et pétitions à signer. Il s’adresse à tous les publics concernés par l’affaire : grand public, actionnaires, employés, investisseurs et se veut le portail mondial de la contestation. Mais là où le site crée l’évènement, c’est dans son action ouvertement lobbyiste. Il encourage les internautes à se prononcer en permanence contre Eisner par l’intermédiaire de lettre types à envoyer à la direction de Disney, d’emails faisant le lien avec le site officiel du groupe et en organisant de véritables manifestations ayant pour but la perturbation de l’Assemblée Générale du 3 mars, comme par exemple cette réunion d’actionnaires organisée à Philadelphie la veille du vote.
SaveDisney.com va également permettre de fonder une véritable communauté sur le web, constituée de sites anti-Eisner et anti-Disney. Les plus virulents, tels que pruiksma.com ou encore le forum yahoo anti-Disney « Why we hate Disney », publient des articles repris sur le site SaveDisney. Les sites de contestation agissent classiquement de cette manière, de façon a créer une communauté unie s’échangeant les visiteurs. Une fois cette communauté constituée, il est temps de l’exploiter, avec par exemple une lettre d’information (« newsletter ») de plus de 15.000 participants (pour SaveDisney) lue par plus de 97% des abonnés. Le marketing internet atteint ainsi des sommets et devient pour l’une des toutes premières fois un outil de communication fiable et massif (alors qu’un taux d’ouverture de spam moyen se situe autour de 4%).
Face à cette fronde, le site officiel de Disney reste sur une ligne de pure neutralité. Contrairement à la tendance constatée en 2003, notamment par l’intermédiaire des affaires Buffalo Grill et Danone, Disney choisit de ne pas se servir d’internet comme outil de contre influence. Un producteur américain du nom de Gary Nowak va alors lancer la contre-offensive en mettant en ligne le site savemichaeleisner.com. Sur la page d’accueil, il déclare vouloir seulement faire connaître l’autre face de la vérité dans cette affaire. Interviewé par la presse américaine, il reconnaît également n’avoir jamais été contacté par Michael Eisner, ce qui ne fut pas le cas de Jim Hill, gérant du site jimhillmedia.com et administrateur d’un forum particulièrement violent à l’égard du CEO.
Michael Eisner ne semble pas avoir fait d’internet son champ de bataille principal, loin s’en faut. Il aurait dû. Le 3 mars 2004, lors de l’Assemblée Générale du groupe Disney, il a été reconduit de justesse dans ses fonctions d’administrateur, des actionnaires représentant près de 43% des droits de vote s'y étant opposés. Le conseil d'administration réuni par la suite a décidé de séparer les fonctions de président du conseil et la direction générale. Cette mise à l'écart de la présidence du conseil du patron en exercice est sans précédent dans l'histoire des grandes entreprises américaines et certains estiment d'ores et déjà qu'elle ne suffira pas à satisfaire les actionnaires qui s'étaient ligués pour en obtenir la tête.
Et ils ont raison. Sur la page d’accueil de SaveDisney, Roy Disney encourageait dès le 5 mars dernier tout le monde à entrer en plein pied dans le « Round Two », soit la seconde étape qui devrait inévitablement déboucher sur la démission de Michael Eisner.
Hugo Cousin
Le mécontentement des actionnaires devient alors de plus en plus important. Le 1er décembre 2003, Roy Disney, fils et neveu des deux co-fondateurs, démissionne du conseil d'administration. Il est imité le jour même par Stanley Gold, PDG de Shamrock Holdings, société responsable de la gestion des intérêts des héritiers (1,3% des actions Disney). Les deux hommes s’allient alors pour dénoncer le management de Eisner et sa responsabilité dans le marasme du groupe. Pour cela, ils vont mener une véritable campagne de déstabilisation à l’encontre du CEO, ayant pour ultime objectif sa démission.
Une série d’évènements officiellement connexes à l’affaire commence alors à déstabiliser le groupe Disney, facilitant par là même la démarche de Roy Disney et Staley Gold. Tout d’abord, le 29 janviers 2004, Pixar (pionniers de l'animation numérique avec la réalisation de "Toy Story", "Monstres et Cie", "Le Monde de Nemo" entre autres) annonce son intention de ne pas prolonger sa collaboration avec le groupe Walt Disney après 2005. Le 11 février, Comcast (numéro un américain du câble) fait part d’une offre de quelque 66 milliards de dollars pour racheter Disney. Le PDG de Comcast, Brian Roberts, précise ne pas avoir eu de contact préalable avec Roy Disney, "ni avec aucun actionnaire particulier". Au même moment, l’Institutional Shareholder Services (ISS), une société de conseil aux investisseurs très respectée, appelle a voter "non" afin de dissocier les fonctions de PDG et de président du Conseil d’Administration, cumulées depuis 1994 par Eisner. Finalement, deux semaines plus tard, le 25 février, le premier fonds de retraite américain, Calpers, qui détient environ 0,5% des actions Disney, annonce qu'il votera contre Eisner lors de la prochaine Assemblée Générale car il a "perdu toute confiance" en sa stratégie. En quelques jours, une dizaine d'autres fonds de retraite actionnaires prendront la même décision.
Si cet amoncellement d’attaques contre Michael Eisner ne semble que pure coïncidence, une campagne de lobbying a bien été volontairement orchestrée par les contestataires. Roy Disney et Stanley Gold vont en effet tout faire pour provoquer une motion de censure à l’encontre du CEO lors de l’AG du 3 mars 2004. Pour cela, ils vont principalement cibler leur action sur internet.
Faisant office de machine de guerre, le site SaveDisney.com est créé au lendemain de leur démission et exige le départ immédiat de Michael Eisner. Le site fait d’abord office d’outil de communication de crise, avec des articles renouvelés en permanence par une communauté de plus de 5000 visiteurs réguliers et des informations diffusées en temps réel sur les réunions, actualités et pétitions à signer. Il s’adresse à tous les publics concernés par l’affaire : grand public, actionnaires, employés, investisseurs et se veut le portail mondial de la contestation. Mais là où le site crée l’évènement, c’est dans son action ouvertement lobbyiste. Il encourage les internautes à se prononcer en permanence contre Eisner par l’intermédiaire de lettre types à envoyer à la direction de Disney, d’emails faisant le lien avec le site officiel du groupe et en organisant de véritables manifestations ayant pour but la perturbation de l’Assemblée Générale du 3 mars, comme par exemple cette réunion d’actionnaires organisée à Philadelphie la veille du vote.
SaveDisney.com va également permettre de fonder une véritable communauté sur le web, constituée de sites anti-Eisner et anti-Disney. Les plus virulents, tels que pruiksma.com ou encore le forum yahoo anti-Disney « Why we hate Disney », publient des articles repris sur le site SaveDisney. Les sites de contestation agissent classiquement de cette manière, de façon a créer une communauté unie s’échangeant les visiteurs. Une fois cette communauté constituée, il est temps de l’exploiter, avec par exemple une lettre d’information (« newsletter ») de plus de 15.000 participants (pour SaveDisney) lue par plus de 97% des abonnés. Le marketing internet atteint ainsi des sommets et devient pour l’une des toutes premières fois un outil de communication fiable et massif (alors qu’un taux d’ouverture de spam moyen se situe autour de 4%).
Face à cette fronde, le site officiel de Disney reste sur une ligne de pure neutralité. Contrairement à la tendance constatée en 2003, notamment par l’intermédiaire des affaires Buffalo Grill et Danone, Disney choisit de ne pas se servir d’internet comme outil de contre influence. Un producteur américain du nom de Gary Nowak va alors lancer la contre-offensive en mettant en ligne le site savemichaeleisner.com. Sur la page d’accueil, il déclare vouloir seulement faire connaître l’autre face de la vérité dans cette affaire. Interviewé par la presse américaine, il reconnaît également n’avoir jamais été contacté par Michael Eisner, ce qui ne fut pas le cas de Jim Hill, gérant du site jimhillmedia.com et administrateur d’un forum particulièrement violent à l’égard du CEO.
Michael Eisner ne semble pas avoir fait d’internet son champ de bataille principal, loin s’en faut. Il aurait dû. Le 3 mars 2004, lors de l’Assemblée Générale du groupe Disney, il a été reconduit de justesse dans ses fonctions d’administrateur, des actionnaires représentant près de 43% des droits de vote s'y étant opposés. Le conseil d'administration réuni par la suite a décidé de séparer les fonctions de président du conseil et la direction générale. Cette mise à l'écart de la présidence du conseil du patron en exercice est sans précédent dans l'histoire des grandes entreprises américaines et certains estiment d'ores et déjà qu'elle ne suffira pas à satisfaire les actionnaires qui s'étaient ligués pour en obtenir la tête.
Et ils ont raison. Sur la page d’accueil de SaveDisney, Roy Disney encourageait dès le 5 mars dernier tout le monde à entrer en plein pied dans le « Round Two », soit la seconde étape qui devrait inévitablement déboucher sur la démission de Michael Eisner.
Hugo Cousin