Commission, concentration et concurrence : ou l’Europe puissance négligée…

A l’évidence, les rapports entre la Commission européenne et l’État français offrent de quoi s’interroger. Visiblement, le compromis sur Alstom est l’arbre qui cache la forêt. Lorsque l’on constate que la France risque une condamnation dans 6 autres dossiers, il est logique de se poser quelques questions. En effet, Bruxelles a réclamé une expertise concernant les 9 milliards d’euros d’avance consentis à France Telecom pour desserrer l’étau formé par les créanciers ; la Commission souhaite également obtenir la suppression de la garantie illimitée accordée à EDF du fait de son statut d’Epic (Établissement public à caractère industriel et commercial), et réclame au passage un changement de statut de l’électricien (alourdissant sa fiscalité) ; Bruxelles a encore déclenché des enquêtes sur Wanadoo (soupçonné d’abus de position dominante) et sur le Groupement des cartes bancaires (suspecté d’ententes pour s’opposer à l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché français). Enfin, suite à la condamnation du Crédit mutuel (qui bénéficia d’aides pour compenser les coûts de gestion du Livret bleu), un bras de fer oppose aujourd’hui ces deux acteurs, en appel, devant le tribunal de première instance de la Cour européenne.

On peut certes postuler que le commissaire Mario Monti est un adepte de la concurrence pure et parfaite. Mais l’on aurait sans doute préféré que ce dernier se penche plus tôt sur la réforme du règlement sur le contrôle des concentrations. Dommage pour Péchiney … Depuis la mise en œuvre de ce règlement, en 1989, les contentieux n’ont cessé de se multiplier (Sidel-Tetra Laval, Schneider-Legrand, Airtours-Firstchoice). Il semble que la réforme concernerait principalement deux axes : une transparence accrue dans le processus d’instruction des dossiers et une expertise juridique approfondie, le tout en raccourcissant les délais.
Peut-être faudrait-il désormais que l’ensemble de ces problèmes liés aux dynamiques de concentrations et à l’exercice de la concurrence soit envisagé au prisme de l’intérêt de puissance européen et non à celui de règles économiques dont il est parfois légitime de questionner quelque peu le bien fondé …
Thierry SERVAL