L'enjeu du pétrole pour les Etats-Unis

Après « La chute de la CIA », l'ancien espion arabophone de la CIA nous détaille « comment l'Amérique a vendu son âme au diable pour le pétrole saoudien ». Dans un ouvrage implacable et fondé sur ses propres investigations, Robert Baer explique le commerce triangulaire qui s'est formé depuis soixante ans entre les élites politiques et financières américaines, la famille royale saoudienne et les intégristes musulmans.


Le livre s’ouvre par un scénario catastrophe : une série d'attentats contre des installations pétrolières saoudiennes qui bouleverse le marché mondial du pétrole et ruine nos économies occidentales. Selon l'auteur, l'Arabie Saoudite est un pays sans loi ni pouvoir central. La famille royale, décadente au dernier degré, vit tremblante et retranchée dans ses palais en arrosant largement les pires fanatiques afin de gagner quelques années de tranquillité, en attendant d'être renversée par ces mêmes fanatiques.
L'histoire commence en 1945 quand Roosevelt rencontre Ibn Saoud pour échanger sa protection militaire contre la garantie de livraison de pétrole à l'Amérique. Depuis ce jour, le pétrole coule à flots de l'Arabie vers l'Amérique, alors que l'argent suit un trajet plus compliqué. En effet, les pétrodollars saoudiens reviennent en grande partie vers les firmes d'armement américaines pour équiper une armée saoudienne qui ne s’est d'ailleurs jamais battue. Bien entendu, ces contrats d'armements s'accompagnent de juteuses commissions pour les intermédiaires des deux parties. Les Wahhabites et autres Frères musulmans, rendus furieux par le spectacle de décadence que donnent les gardiens des lieux saints de l'Islam, prêchent la révolte. C’est eux par exemple qui prirent en otage les pèlerins de la Mecque en 1979 pour faire pression sur cet Etat jugé perverti. Afin d’acheter le calme et la tranquillité, la famille royale est devenue leur meilleur mécène en finançant les mouvements se réclamant de l'islam fondamental dans le monde entier. Pour résumer, une partie de l'argent de l'automobiliste américain atterrit dans la poche des islamistes.
La tâche des services de renseignement américains était et reste délicate puisque les décideurs qu'ils sont censés renseigner ont goûté aux pétrodollars et y sont accros. Pas question pour un espion de la CIA de commettre un rapport concernant les financement saoudiens du terrorisme ou de toucher aux « amis saoudiens ». Dès lors, comment s'étonner des « surprises » du 11 septembre et autres attentats anti-américains ?


D'où viendra la solution ? D'après Robert BAER, seul le Prince Abdallah aurait tourné le dos aux frasques de sa famille et serait capable de moraliser l'exploitation des ressources saoudiennes. Par contre, personne à Washington ne semble prêt au sevrage des pétrodollars. L'exploitation du pétrole de la Caspienne n'est pas pour demain car l'argent saoudien a semé l'islamisme sur les trajets des oléoducs que l'UNOCAL s'apprête à construire pour l'acheminer vers les mers ouvertes. Le brut de Kirkouk vendu à bas pris par une hypothétique démocratie irakienne restera longtemps un mirage.

"Sleeping with the devil", le titre original de l'ouvrage, résume l'aveuglement et l'appât du gain qui ont dicté leurs politiques aux élites américaines. Faudra-t-il ré-enseigner Faust dans les universités ?

PK