Par une vingtaine de lignes sur la sortie du rapport Carayon sur l’intelligence économique le journal Le Monde démontre une fois de plus sa manière de traiter l’information. Visiblement ce journal très attentif à son objectivité et à son professionnalisme est plus intéressé par les affaires du type Rainbow Warrior que par l’ouverture d’un débat sur la réforme culturelle de l’Etat.
C’est semble-t-il plus croustillant pour le Monde de publier un scoop sur l’identité d’agents secret français aux ordres d’un exécutif peu responsable de ses décisions, que de réfléchir sur la manière dont la France peut améliorer son approche de la compétition économique mondiale.
Dans ce même numéro daté du jeudi 10 juillet, la rédaction du Monde a préféré s’intéresser à des sujets autrement plus stratégiques, en consacrant une pleine page sur la manière dont M. Raffarin « investit les champs de réflexion de la gauche ». Quand on sait où en sont les débats au sein du PS, on espère que les experts qui conseillent le Premier Ministre ne passent pas trop de temps sur une littérature aussi décapante. On connaît la France d’en haut et la France d’en bas. Mais il est vrai qu’on connaît encore mal la France d’outre tombe. Merci Monsieur Edwy Plenel de nous guider vers les sujets importants de ce pays. A croire que vous n’avez pas bien lu certains passages de l’ouvrage de Pierre Péan. Espérons que les plus éveillés de vos journalistes reprendront la plume à temps.
Le rapport Carayon n’est pourtant pas un évènement andodin. L’économie mondiale est aujourd’hui tout le contraire d’un long fleuve tranquille. Les enjeux de puissance de nature économique sont au coeur de bien des conflits du temps de guerre comme du temps de paix. Le durcissement des chocs compétitifs souligne chaque jour davantage l’importance des dispositifs informationnels déployés par les acteurs économiques publics et privés. C’est à ce titre que le rapport Carayon s’inscrit dans la continuité des travaux sur l’intelligence économique, menés au sein du Commissariat Général du Plan entre 1992 et 1994.
La publication du rapport Intelligence économique et stratégie des entreprises fut la première trace d’une réflexion sur le rôle croissant de l’information dans le développement des entreprises et les affrontements de nature géoéconomique et concurrentielle. Au cours des dix dernières années, l’intelligence économique a eu un cheminement difficile et très dépendant de la vision du monde politique et industriel.
Après l’éphémère création d’un Comité pour la Compétitivité et la Sécurité économique sous le gouvernement Balladur, relayée par le Ministre Arthuis sous le gouvernement Juppé, Lionel Jospin enterra le concept au nom du principe de précaution. Cette attitude naïve eut pour effet de freiner une dynamique indispensable à l’accroissement de puissance de la France, au nom de l’intérêt collectif et de la construction européenne. La perte de marchés stratégiques, la disparition d’emplois, l’absence de stratégies politiques en terme d’Etat stratège et non d’Etat gestionnaire sont des maux silencieux qui n’intéressent pas grand-monde à part les Françaises et les Français.
L’équipe d’Infoguerre salue le sérieux de la démarche du député UMP du Tarn, Bernard Carayon. Il met en avant un principe majeur, la responsabilité du pouvoir dans la mise en œuvre d’une véritable politique publique d’intelligence économique. A l’heure où l’on cherche les patrons qui ont encore une vision du patriotisme économique de terrain, les cyniques diraient de patrons qui pensent comme leurs homologues américains, le rapport Carayon constitue un pas en avant significatif. Les mesures citées sont réalistes et pertinentes. Elles tiennent compte des inerties du modèle français.
L’heure est à l’économie des forces et des moyens, au réseau et à la mobilisation des energies existantes. C’est la raison pour laquelle il faut lire ce rapport qui sera diffusé à la rentrée de septembre par la Documentation française . Nous publierons prochainement une analyse d’Eric Delbecque sur les mesures préconisées dans ce rapport destiné au Premier Ministre
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