Les vacances sont là depuis la canicule. Pas dans les faits pour tout le monde mais certainement dans les esprits. Et pourtant derrière ce décors estival, les tensions ne sont pas retombées depuis la guerre en Irak. On pourrait même dire qu’elles se banalisent. L’enlisement américain, prédit depuis longtemps par une partie de la diplomatie européenne, est vérifié sur le terrain. Depuis leur victoire militaire sur les troupes de Sadam Hussein, l’armée américaine perd chaque jour des hommes, sans trouver de solutions pour arrêter le compteur des pertes. Les cérémonies de l’Indépendance ne masquent pas les flous tactiques de l’empire. La prochaine échéance présidentielle ne gommera pas cette réalité. L’empire se bat sur plusieurs fronts et l’Histoire atteste que cette position est très dangereuse.L’Union européenne s’enlise, elle-aussi, dans ses contradictions. Au niveau stratégique, la lente progression du projet Galiléo ne masque pas l’incroyable omission sur la nécessité de bâtir un grand projet d’industrie des technologies de l’information. La politique revendiquée par des Etats-Unis sur le contrôle des flux informationnels privés au niveau mondial est un défi lancé aux autres puissances. Conçu pour émanciper l’Europe de la domination du GPS américain, Galiléo risque de n’être qu’une ligne Maginot de plus sans une véritable volonté d’émancipation de Bruxelles. Mais une telle stratégie implique une réflexion appropriée des pays membres de l’Union Européene sur les enjeux de l’Europe/puissance. IBM, Microsoft et les différentes équipes républicaines ou démocrates, qui se succéderont à la Maison Blanche dans les années à venir, ne toléreront jamais une telle orientation des alliés européens dans un secteur aussi stratégique. Alors, comment faire ?
Le changement de cap de la Politique Agricole Commune ne semble pas interpeller le monde agricole français dans le sens d’une recomposition stratégique. Les grands céréaliers campent encore sur leurs idées fixes d’une agriculture centrée sur le productivisme. Le débat sur l’alimentation et la santé ne semble guère les intéresser. Il devient pourtant évident que le modèle américain de l’agro-alimentaire couve une crise majeure. On ne fabrique pas des aliments pour rendre malade les consommateurs. Les multiples maladies provoquées dans la population américaine que l’on limite encore trop souvent au phénomène de l’obésité ne pourront pas éternellement être ignorées de l’opinion publique mondiale. La désinformation et la loi du silence règne pourtant en maître au pays de la Liberté de la presse. Les procès lancés aux Etats-Unis contre certaines enseignes de la restauration rapide, révèlent l‘incroyable hypocrisie du système. Aucune analyse sérieuse du contenu des aliments n’est citée dans les plaidoiries des avocats, souvent avides de gains, qui défendent les victimes. Ce n’est pas un hasard si les nouvelles agences de notation américaines sur le développement durable ne notent pas le contenu des aliments, mais seulement l’hygiène des locaux. L’agriculture européenne a-elle tirée le bilan de ses propres échecs ?. Elle a pourtant connues de multiples crises informationnelles annonciatrices de ses propres maux : le scandale des farines animales, la crise de la vache folle ou les excès sur le sel. Enlisés dans leurs certitudes, les dirigeants du monde agricole et agroalimentaire français ont du mal à changer de cap. Seuls des responsables syndicaux, des chercheurs et quelques fonctionnaires commencent à s’interroger sur le devenir stratégique de notre agriculture qui est encore, rappelons-le, un des socles fondamentaux de notre puissance économique.
La Russie et la Chine n’échappent pas à cette logique d’enlisement. Les héritiers du modèle soviétique conçu par Andropov sont aujourd’hui aux commandes du Kremlin. Ils ont bien du mal à changer le comportement de leurs organes de renseignement dans l’approche de nouvelles alliances de type géoééconomique. Tant que le renseignement russe continuera à perpétuer ses pratiques nées de la guerre froide, il ne sera pas d’une grande utilité à M. Poutine pour désenclaver son pays de l’encerclement économique des Etats-Unis. Les leçons de l’échec du socialisme dans un seul pays, voire un seul Bloc, n’ont visiblement pas été tirées. Il faudra attendre une quinzaine d’années, selon les Russes de la nouvelle génération, pour faire évoluer les mentalités. Nous en sommes réduits pour l’instant à des actes d’échange inspirés des relations d’Etat à Etat. Cette attitude défensive de la Russie, et sa politique de sécurité économuique le démontre, ne lui donnera que des gains limités dans la compétition mondiale telle qu’elle apparaît en termes de puissance.
La Chine souffre d’une autre cécité, celle de la focalisation sur les lois du marché. L’exemple de la médecine est très caricatural. La Chine produit des médicaments et s’est lancée à la conquête du marché mondial sur certaines lignes de produit, sans tenir compte des différences de cultures nationales dans le processus de commercialisation des médicaments. Pékin n’a pas encore compris le fonctionnement des Autorisations de Mise sur le Marché en France. Les Chinois gèrent ce problème comme si leurs entreprises se heurtaient à du protectionnisme invisible. Leur attention se polarise sur les négociations commerciales bilatérales ou les discussions de l’Organisation Mondiale du Commerce. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt. La médecine traditionnelle chinoise a plusieurs millénaires d’existence. Elle ne fonctionne pas comme la médecine occidentale. Ce choc des cultures n’a pas généré pour l’instant d’effet spectaculaire. La confrontation est pourtant importante, autant sur le plan symbolique que sur le plan opérationnel. Contrairement à ce que disent certains spécialistes de la médecine occidentale, la médecine chinoise est efficace dans bien des domaines. Mais les autorités chinoises ne se battent pas sur ce terrain. Faute d’avoir identifié le véritable enjeu, en termes de guerre de l’information, la Chine applique les mêmes recettes de développement qu’elle a initiées dans les autres secteurs du monde industriel. L’objectif n’est pas de défendre les qualités revendicables de son modèle de médecine mais de faire du commerce dans l’industrie pharmaceutique. Ainsi, les pharmacies de type occidental qui se créent en Chine vendent des médicaments sans forcément respecter des prescriptions médicales. Plusieurs occidentaux séjournant dans l’empire du Milieu ont en déjà fait les frais.
Et la France dans tout cela ? Il lui reste à moderniser sa stratégie de puissance. Comme nous l’avons déjà dit ou sous-entendu dans de nombreux articles, son principal handicap est la déperdition patriotique dans les milieux industriels et de la Haute administration. Cette bataille-là est plus dure à gagner que la réforme des retraites. Elle n’existe pas dans l’esprit du peuple de gauche et c’est-là sa principale lacune politique de long terme. Mais elle n’est pas non plus le fer de lance du peuple de droite. Hélas, ce n’est pas le seul saut d’obstacles que nous sommes condamnés à franchir tous ensemble. Fuite en avant des classes moyennes, renaissance gauchiste du mouvement ouvrier et américanisation globale des idées créent de fait les points d’ancrage d’un enlisement durable de la pensée stratégique. Pourtant les échéances sont là, hors du périmètre de la France profonde, au cœur de la mondialisation des rapports de force.
Christian Harbulot
Le changement de cap de la Politique Agricole Commune ne semble pas interpeller le monde agricole français dans le sens d’une recomposition stratégique. Les grands céréaliers campent encore sur leurs idées fixes d’une agriculture centrée sur le productivisme. Le débat sur l’alimentation et la santé ne semble guère les intéresser. Il devient pourtant évident que le modèle américain de l’agro-alimentaire couve une crise majeure. On ne fabrique pas des aliments pour rendre malade les consommateurs. Les multiples maladies provoquées dans la population américaine que l’on limite encore trop souvent au phénomène de l’obésité ne pourront pas éternellement être ignorées de l’opinion publique mondiale. La désinformation et la loi du silence règne pourtant en maître au pays de la Liberté de la presse. Les procès lancés aux Etats-Unis contre certaines enseignes de la restauration rapide, révèlent l‘incroyable hypocrisie du système. Aucune analyse sérieuse du contenu des aliments n’est citée dans les plaidoiries des avocats, souvent avides de gains, qui défendent les victimes. Ce n’est pas un hasard si les nouvelles agences de notation américaines sur le développement durable ne notent pas le contenu des aliments, mais seulement l’hygiène des locaux. L’agriculture européenne a-elle tirée le bilan de ses propres échecs ?. Elle a pourtant connues de multiples crises informationnelles annonciatrices de ses propres maux : le scandale des farines animales, la crise de la vache folle ou les excès sur le sel. Enlisés dans leurs certitudes, les dirigeants du monde agricole et agroalimentaire français ont du mal à changer de cap. Seuls des responsables syndicaux, des chercheurs et quelques fonctionnaires commencent à s’interroger sur le devenir stratégique de notre agriculture qui est encore, rappelons-le, un des socles fondamentaux de notre puissance économique.
La Russie et la Chine n’échappent pas à cette logique d’enlisement. Les héritiers du modèle soviétique conçu par Andropov sont aujourd’hui aux commandes du Kremlin. Ils ont bien du mal à changer le comportement de leurs organes de renseignement dans l’approche de nouvelles alliances de type géoééconomique. Tant que le renseignement russe continuera à perpétuer ses pratiques nées de la guerre froide, il ne sera pas d’une grande utilité à M. Poutine pour désenclaver son pays de l’encerclement économique des Etats-Unis. Les leçons de l’échec du socialisme dans un seul pays, voire un seul Bloc, n’ont visiblement pas été tirées. Il faudra attendre une quinzaine d’années, selon les Russes de la nouvelle génération, pour faire évoluer les mentalités. Nous en sommes réduits pour l’instant à des actes d’échange inspirés des relations d’Etat à Etat. Cette attitude défensive de la Russie, et sa politique de sécurité économuique le démontre, ne lui donnera que des gains limités dans la compétition mondiale telle qu’elle apparaît en termes de puissance.
La Chine souffre d’une autre cécité, celle de la focalisation sur les lois du marché. L’exemple de la médecine est très caricatural. La Chine produit des médicaments et s’est lancée à la conquête du marché mondial sur certaines lignes de produit, sans tenir compte des différences de cultures nationales dans le processus de commercialisation des médicaments. Pékin n’a pas encore compris le fonctionnement des Autorisations de Mise sur le Marché en France. Les Chinois gèrent ce problème comme si leurs entreprises se heurtaient à du protectionnisme invisible. Leur attention se polarise sur les négociations commerciales bilatérales ou les discussions de l’Organisation Mondiale du Commerce. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt. La médecine traditionnelle chinoise a plusieurs millénaires d’existence. Elle ne fonctionne pas comme la médecine occidentale. Ce choc des cultures n’a pas généré pour l’instant d’effet spectaculaire. La confrontation est pourtant importante, autant sur le plan symbolique que sur le plan opérationnel. Contrairement à ce que disent certains spécialistes de la médecine occidentale, la médecine chinoise est efficace dans bien des domaines. Mais les autorités chinoises ne se battent pas sur ce terrain. Faute d’avoir identifié le véritable enjeu, en termes de guerre de l’information, la Chine applique les mêmes recettes de développement qu’elle a initiées dans les autres secteurs du monde industriel. L’objectif n’est pas de défendre les qualités revendicables de son modèle de médecine mais de faire du commerce dans l’industrie pharmaceutique. Ainsi, les pharmacies de type occidental qui se créent en Chine vendent des médicaments sans forcément respecter des prescriptions médicales. Plusieurs occidentaux séjournant dans l’empire du Milieu ont en déjà fait les frais.
Et la France dans tout cela ? Il lui reste à moderniser sa stratégie de puissance. Comme nous l’avons déjà dit ou sous-entendu dans de nombreux articles, son principal handicap est la déperdition patriotique dans les milieux industriels et de la Haute administration. Cette bataille-là est plus dure à gagner que la réforme des retraites. Elle n’existe pas dans l’esprit du peuple de gauche et c’est-là sa principale lacune politique de long terme. Mais elle n’est pas non plus le fer de lance du peuple de droite. Hélas, ce n’est pas le seul saut d’obstacles que nous sommes condamnés à franchir tous ensemble. Fuite en avant des classes moyennes, renaissance gauchiste du mouvement ouvrier et américanisation globale des idées créent de fait les points d’ancrage d’un enlisement durable de la pensée stratégique. Pourtant les échéances sont là, hors du périmètre de la France profonde, au cœur de la mondialisation des rapports de force.
Christian Harbulot