Guerre de l’information contre les stars d’Hollywood hostiles à la guerre en Irak
Alors que l’administration de Washington célèbre sa victoire sur le régime de Saddam Hussein et hisse ses soldats capturés en héros, l’heure est venue de punir les opposants de tous bords, à commencer par les célébrités qui s’étaient exprimées contre la guerre en Irak !La France, la Russie et la Chine n’étaient pas les seuls à s’opposer à une intervention militaire américaine en Iraq, de nombreuses voix se sont fait entendre au cœur même des Etats-Unis. Parmi celles-ci, les célébrités d’Hollywood ont été les plus médiatisés. On se souvient de Martin Sheen prenant la tête des opposants à la guerre, de Dustin Hoffman dénonçant cette guerre illégale à Berlin ou encore de Sean Penn qui a fait le voyage jusqu’en Iraq…
Depuis le début des hostilités en Irak, une « liste noire » aux doux relents de Maccartisme comportant 44 noms d’artistes engagés contre la guerre circule sur Internet. Des sites, comme www.celiberal.com ou www.hollywoodhalfwits.com ont même comme objectif de relayer cette liste et de démontrer en quoi ces célébrités sont anti-américaines ou tout simplement ridicules.
Techniquement comment s’est préparé et déroulé cette guerre de l’information par Internet ?
La première étape a consisté à collecter de l’information. Il a leur fallu identifier tous les sites, forums, newsgroups…qui critiquaient les célébrités opposées à la guerre. Ce travail leur a ensuite permis d’établir une cartographie des « acteurs » qui partageaient les mêmes idées et de collecter des arguments contre les célébrités.
La deuxième étape a consisté à établir des contacts avec ces différents acteurs pour fédérer l’ensemble des efforts et créer un réseau d’information et d’action. Le réseau est une composante essentielle des guerres de l’information par Internet. Il est indispensable pour optimiser la collecte et la diffusion d’informations.
Une fois le réseau créé, plusieurs sites ont été mis en ligne reprenant les principaux arguments. La multiplication des sites du même genre renforce le sentiment d’encerclement par un mouvement anti-célébrités qui paraît plus important qu’il ne l’est en réalité. Le contenu des sites cherche à ridiculiser ces célébrités, à démontrer qu’elles sont anti-Américaines ou encore qu’elles cherchent uniquement une couverture médiatique. Pour alimenter le site en déclarations ou faits passés qui permettent de les discréditer, le réseau revêt une importance capitale car il permet la réalisation d’une veille aussi exhaustive que possible sur ces célébrités.
Les sites militants incitent très souvent les internautes à participer. Ces incitations permettent de développer le réseau et de provoquer la polémique. Les deux sites anti-célébrités n’échappent pas à cette configuration puisque qu’ils invitent les internautes à contribuer, en envoyant des déclarations de célébrités, des liens, des informations utilisables... Le site Hollywoodhalfwits va même plus loin, car il publie certains courriers d’internautes qui le critiquent ouvertement dans une rubrique intitulée « Great Hate Mail ». Cette démarche « d’autocritique » se retrouve de plus en plus dans les opérations de Cyberlobbying, c’est à dire d’influence par Internet. Surtout utilisée dans des soit-disant sites de débat, elle permet de contre-balancer la perception d’un site trop orienté.
Pour que les sites restent présents le plus longtemps possible sur Internet, il est nécessaire d’éviter des poursuites devant la justice pour diffamation ou autres. Pour s’en prémunir, le site Celiberal précise que les informations présentes sur le site ne sont que l’expression d’opinions personnelles qui sont protégées par la Constitution des Etats-Unis.
Un autre argument fréquemment mis en avant et que l’on retrouve par ailleurs dans les déclarations officielles du gouvernement, est la bravoure des hommes et des femmes en Irak qui défendent le « way of life » américain. Pour les Républicains et leurs sympathisants, mener une guerre préventive sous des prétextes fallacieux à plus de 14 000 km des Etats-Unis est indispensable pour préserver leur « way of life ». A cette vision, les opposants à la guerre dont la France voient dans cette guerre un moyen pour imposer leur « way of life ». Dans un camp, on présente la guerre comme une posture noble de défense, tandis que dans l’autre, on la voit comme une attitude ethnocentrique agressive.
Pour sortir de cette radicale divergence de vue, la question à se poser ne serait-elle pas :
comment fait l’administration américaine pour véhiculer de tels arguments dans sa population sans soulever de tollé général ? Un minutieux travail d’analyse des arguments, de leur présentation et de leur évolution au fil de la crise, des relais utilisés, des mesures jointes adoptées… serait indispensable pour comprendre la machine de guerre de l’information des Etats-Unis, et pouvoir la contrer lors de la prochaine crise.
AVS