Selon l'agence France-Presse, la justice a ordonné mercredi une vaste expertise sur la gestion du français Gemplus, numéro un mondial de la carte à puce, offrant au comité d'entreprise une première victoire dans son combat contre la délocalisation, selon lui, de Gemplus au Luxembourg.
Dans son ordonnance de référé, le tribunal de commerce pointe l'ampleur de la tâche pour justifier la nomination de deux experts comptables attachés auprès de la cour de cassation : le Parisien François Bouchon et le Marseillais Roger Cazalet. Leur rapport, qui devra être rendu dans trois mois, portera sur de nombreux pans de la gestion de Gemplus.
L'audit passera au crible un projet qui, selon le jugement, pourrait avoir des conséquences contraires à l'intérêt de Gemplus France, visant le rachat de ses filiales par la maison-mère luxembourgeoise. Gemplus France ne serait plus dès lors qu'une coquille vide, avait accusé le CE dans sa demande d'expertise déposée au tribunal.
Evoquant le spectre de Metaleurop, le personnel voit se réduire comme peau de chagrin l'unité française de Gemplus, située à Gémenos, près de Marseille. Jadis siège social, transféré en 1999 à Luxembourg, Gémenos restait jusqu'alors le centre décisionnel et le principal site de production (avec 2.000 emplois sur 6.000 dans le monde).
Mais les manageurs sont transférés à Luxembourg ou Genève, la production en Pologne et la recherche et développement à Singapour, accuse le CE, estimant que les deux récents plans sociaux, qui auront supprimé au total plus de 2.000 emplois d'ici la fin de l'année, touchent avant tout la France.
Selon le CE, la maison-mère pillerait de plus les brevets détenus par Gemplus France au profit de son actionnaire principal, le fonds d'investissement américain TPG (qui détient 26% de Gemplus). TPG est accusé par le CE d'entrisme à la solde des Etats-Unis depuis qu'il a fait nommer au poste de directeur général, Alex Mandl, un ancien dirigeant d'un fonds de la CIA.
La direction dément ces accusations. Certifiant qu'elle donnera tous les moyens aux experts, elle dit ne pas douter que le rapport apportera la preuve que Gemplus France est gérée selon l'intérêt de ses clients, ses salariés et ses actionnaires et mettra fin aux insinuations de pillage technologique ou financier.
Faisant part de son doute sur la réelle volonté de la direction d'apporter à son personnel une information suffisante, le tribunal a élargi l'expertise à l'inventaire des brevets ainsi que des subventions et crédits d'impôts dont a bénéficié Gemplus pour son centre de recherche et développement, basé à Gémenos et La Ciotat (Bouches-du-Rhône). L'audit vérifiera de plus si les suppressions d'emplois ont été imposées par le marché ou résultent d'une politique de la direction entraînant des délocalisations d'activité, selon les attendus.
Le tribunal souligne le soutien apporté par le groupe français d'électronique et d'équipements de télécommunications Sagem. Actionnaire à hauteur de 9,61% de Gemplus, il avait appuyé le CE via une intervention volontaire, mais sans se joindre à l'assignation en justice.
Ce sont de très bonnes nouvelles, s'est félicité Renaud Laffont, secrétaire du CE, avouant cependant les limites de l'expertise : Aucun texte de loi n'empêche de délocaliser. C'est immoral mais pas illégal.
En milieu d'après-midi, l'action Gemplus perdait plus de 2%, à 0,84 €, dans un marché pourtant haussier.