Refus de la guerre en Irak : la France incapable de mettre en oeuvre une guerre de l'information
La guerre d’Irak a donné une dimension nouvelle à la guerre de l’information. Dans les conflits antérieurs, l’information était une force complémentaire qu’il fallait maîtriser. Une information mal maîtrisée pouvait fragiliser le soutien psychologique à l’engagement militaire d’une puissance sur un théâtre d’opération, ce fut le cas des autorités américaines lorsqu’elles furent confrontées au mouvement anti-guerre du Vietnam. Cette faiblesse fut corrigée lors de la guerre du Golfe. Mais aujourd’hui, nous entrons dans une autre dimension, celle décrite à la fin des années 90 par les chercheurs John Arquilla et David Rundfeldt, spécialistes de la guerre en réseau (netwar) à la Rand Corporation : « Ce n’est plus celui qui a la plus grosse bombe qui l’emportera dans les conflits de demain, mais celui qui racontera la meilleure histoire ». A l’image d’une photographie en cours de développement, l’entrée des forces américaines dans Bagdad a servi de révélateur à l’apparente pertinence de cette citation. La défaite prévisible des troupes de Saddam Hussein passait au second plan devant une autre réalité : la victoire de l’argumentation américaine contre la position française, allemande et russe. Une dictature tombait, la liberté était rendue à un peuple. Plus qu’un zapping médiatique, la force des mots balayait pour un temps toute autre vérité, en particulier celle liée à la légitimité de l’intervention des forces anglo-américaines car les armes de destruction massive menaçant la sécurité mondiale sont pour l’instant difficiles à trouver.
Lénine avait déjà en son temps démontré la puissance de cette guerre informationnelle avec son slogan évident « la terre aux paysans ». La répression brutale que le pouvoir bolchévik exerça ensuite contre une partie de la paysannerie (les koulaks) et la famine qui s’en suivit en provoquant la mort de centaines de milliers de personnes, n’a pas entamé la force de ce slogan pendant plusieurs décennies. Le slogan américain sur la démocratie est lui aussi «évident». Il tombe comme une chape de plomb sur les milieux politiques et diplomatiques qui ont refusé le principe d’une guerre préventive contre l’Irak. Que dire devant ces irakiens qui «hurlent leur joie » devant les caméras des télévisions occidentales. Peu importe si on y trouve pêle mêle des gens sincères, des chiites anti-sunnites, des pillards, des personnes qui applaudissent pour ne pas souffrir d’autres maux à venir et quelques specimen des opérations psy ops des forces spéciales américaines se placant au bon endroit pour faire des déclarations parfois caricaturales.
Cette guerre de l’information est plus importante que la guerre militaire dans ses conséquences géopolitiques et géoéconomiques. Or nous risquons de la perdre car nous ne nous y sommes pas suffisamment préparé. En campant patiemment sur une nouvelle ligne bleue onusienne, en attendant les dents serrées que nos alliés anglo-américains soient contredit par les faits, nous risquons simplement de passer à côté de l’essentiel : la France est désormais condamnée à inventer sa propre guerre de l’information. Aucun discours au conseil de sécurité de l’ONU, aussi brillant soit-il, n’effacera cette autre évidence : la diplomatie n’a jamais gagné une guerre de l’information.
Il ne s’agit pas de se contenter de raconter une autre histoire, nous avons perdu pour l’instant la guerre des slogans, mais il devient essentiel de penser stratégiquement notre rapport du faible au fort. Cette démarche n’est pas sans handicap. Les obstacles sont importants. On peut citer les plus visibles : la République des copains qui privilégient leurs intérêts personnels avant les intérêtsde la population, les spécialistes du déploiement de parapluie, influents dans la haute administration, certains milieux d’affaire trop atlantistes, sans oublier les idiots utiles d’un nouveau genre (Glucksman, Goupil et consorts) qui se font les porte-voix de l’administration Bush, après avoir cloué au pilori l’impérialisme américain, il y a 25 ans.
Dans l’état actuel des choses, ce ne sont pas les déclarations intimidantes de certains faucons américains à l’égard de la France qui doivent nous inquiéter le plus, mais notre réelle capacité politique à faire face à nos responsabilités. La position française sur la revendication du retour au Droit et à la concertation internationale sont des positions conformes à notre posture diplomatique, mais elles ne constituent pas des initiatives de containment de guerre de l’information. Les ronds de jambe que certains politiques font discrètement à des groupes issus de la société civile ne palieront pas notre manque de stratégie dans ce domaine.
Christian Harbulot
Lénine avait déjà en son temps démontré la puissance de cette guerre informationnelle avec son slogan évident « la terre aux paysans ». La répression brutale que le pouvoir bolchévik exerça ensuite contre une partie de la paysannerie (les koulaks) et la famine qui s’en suivit en provoquant la mort de centaines de milliers de personnes, n’a pas entamé la force de ce slogan pendant plusieurs décennies. Le slogan américain sur la démocratie est lui aussi «évident». Il tombe comme une chape de plomb sur les milieux politiques et diplomatiques qui ont refusé le principe d’une guerre préventive contre l’Irak. Que dire devant ces irakiens qui «hurlent leur joie » devant les caméras des télévisions occidentales. Peu importe si on y trouve pêle mêle des gens sincères, des chiites anti-sunnites, des pillards, des personnes qui applaudissent pour ne pas souffrir d’autres maux à venir et quelques specimen des opérations psy ops des forces spéciales américaines se placant au bon endroit pour faire des déclarations parfois caricaturales.
Cette guerre de l’information est plus importante que la guerre militaire dans ses conséquences géopolitiques et géoéconomiques. Or nous risquons de la perdre car nous ne nous y sommes pas suffisamment préparé. En campant patiemment sur une nouvelle ligne bleue onusienne, en attendant les dents serrées que nos alliés anglo-américains soient contredit par les faits, nous risquons simplement de passer à côté de l’essentiel : la France est désormais condamnée à inventer sa propre guerre de l’information. Aucun discours au conseil de sécurité de l’ONU, aussi brillant soit-il, n’effacera cette autre évidence : la diplomatie n’a jamais gagné une guerre de l’information.
Il ne s’agit pas de se contenter de raconter une autre histoire, nous avons perdu pour l’instant la guerre des slogans, mais il devient essentiel de penser stratégiquement notre rapport du faible au fort. Cette démarche n’est pas sans handicap. Les obstacles sont importants. On peut citer les plus visibles : la République des copains qui privilégient leurs intérêts personnels avant les intérêtsde la population, les spécialistes du déploiement de parapluie, influents dans la haute administration, certains milieux d’affaire trop atlantistes, sans oublier les idiots utiles d’un nouveau genre (Glucksman, Goupil et consorts) qui se font les porte-voix de l’administration Bush, après avoir cloué au pilori l’impérialisme américain, il y a 25 ans.
Dans l’état actuel des choses, ce ne sont pas les déclarations intimidantes de certains faucons américains à l’égard de la France qui doivent nous inquiéter le plus, mais notre réelle capacité politique à faire face à nos responsabilités. La position française sur la revendication du retour au Droit et à la concertation internationale sont des positions conformes à notre posture diplomatique, mais elles ne constituent pas des initiatives de containment de guerre de l’information. Les ronds de jambe que certains politiques font discrètement à des groupes issus de la société civile ne palieront pas notre manque de stratégie dans ce domaine.
Christian Harbulot