Avec l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, la Russie a connu d’importants changements structurels. La chute du communisme s’est surtout traduit par la privatisation de certaines grandes entreprises d’Etat. Par exemple, dès 1993, le président Eltsine signait le début de la privatisation du groupe Loukoïl, premier groupe pétrolier russe.Dès lors, les hommes aux commandes de ces entreprises avant 1991, qui bénéficiaient déjà largement du système en place, ont pris de larges participations dans ces nouveaux groupes privés. C’est ainsi que Vagit Alekperov, vice-ministre de l’Energie dans les années 1980, a pu acquérir 10 % de Loukoïl une fois privatisé. Selon le classement Forbes des fortunes mondiales, Alekperov aurait à présent la sixième fortune de Russie…
En 1995, Vladimir Potanine (Interros, Oneximbank…) avait fait adopter le plan « prêt contre actions » par le gouvernement. En échange d’un crédit, l’Etat à court d’argent accordait la gestion de sa part dans des entreprises nationales à des banques. Si le prêt n’était pas remboursé dans les délais convenus, la banque était autorisée à mettre les titres en vente. On considère que ces privatisations ont largement contribué à jeter les fondements de l’actuel système oligarchique de partage de l’économie en Russie.
Ces « nouveaux riches » ont rapidement constitué des réseaux d’influence économique étroitement liés au pouvoir politique. En 1996, de grandes banques avaient financé la campagne présidentielle de Boris Eltsine à hauteur de 2 à 3 millions de dollars. Dès lors, il honora sa dette envers elles en admettant leurs responsables auprès du pouvoir politique.
Ces hommes constituèrent sa « garde économique », rapidement surnommés des « oligarques ». Parmi eux, nous retrouvons Boris Berezovski (Sibneft), Vladimir Potanine (Interros), Vladimir Goussinski (Media Post), Mikhail Friedman (Alfa Group), Mikhail Khodorkovski (Yukos) ou encore Alexandre Smolenski (Stolitchny Bank). Selon certaines sources, la somme aurait été confiée à Anatoli Tchoubaïs, alors responsable de la campagne électorale d’Eltsine.
Ces hommes sont à la tête de holdings composés d’entreprises du secteur pétrolier, des télécommunications, des médias, des banques…
Selon une étude réalisée par The Economist, les 20 premiers conglomérats représenteraient 70 % du PNB russe. Selon cette même étude, huit clans contrôleraient ainsi 85 % de la valeur des 64 premières entreprises privées russes. Pour donner un ordre de grandeur, les ressources des 12 premières entreprises sont supérieures au revenu du gouvernement… On estime que le « clan Eltsine » détient ainsi 20 % du PNB russe.
En mars 2000, quand Vladimir Poutine arrive au pouvoir, ses discours s’attardent sur la lutte contre ces oligarques qui forment un Etat dans l’Etat. Cependant, dans son livre confession (une série d’entretiens réalisés par des journalistes), le nouveau président estimait indispensable que l’Etat russe noue des liens avec le « grand business ». Il y affirmait s’entretenir régulièrement avec ces chefs d’entreprise, parmi lesquels on retrouve quelques anciens du « clan Eltsine » comme Berezovski, Potanine, Friedman ou Tchoubaïs qui ont su se positionner vis à vis du nouveau pouvoir.
Ces « oligarques » sont loin d’être unis et forment des clans qui se livrent d’âpres luttes d’influence pour le contrôle des secteurs privatisés. Par exemple, en 1997, l’Oneximbank (Vladimir Potanine) a pris le contrôle de 25 % de la compagnie fédérale de télécommunication, Sviazinvest. Pour réaliser cette opération Oneximbank avait le soutien des deux vice-Premiers ministres réformateurs radicaux de l’époque, Anatoli Tchombaïs et Boris Nemtsov. Imposés par Eltsine pour encadrer le Premier ministre centriste, Viktor Tchernomyrdine, ils avaient alors fait contre-poids à Boris Berezovski (numéro 2 du Conseil de Sécurité, Sibneft) et Vladimir Goussinski (Media Post) qui avaient dénoncé le caractère injuste de cette opération.
A présent, deux entreprises publiques semblent être au centre des nouveaux enjeux : l’Union des Systèmes d’Energie (Anatoli Tchombaïs) qui produit et distribue l’électricité, et Transneft (Semen Vaïnchtok), responsable des oléoducs. Pour rembourser la dette extérieure, la Russie compte sur ses exportations de pétrole tant que les prix sont élevés. Le secteur pétrolier représente en effet 24 % des entrées de devises de la Russie. Pour optimiser ses exportations, la Russie aura besoin d’investir dans les infrastructures pétrolières, d’où la situation particulière dans laquelle se trouve Transneft.
Chaque semaine, Infoguerre fera un point spécifique sur ces hommes d’influence ainsi que sur leurs groupes.
AVS