Depuis son premier ouvrage jusqu’aux plus récents, le général Gallois s’est toujours tourné vers l’horizon de l’indépendance nationale. De l’arme nucléaire jusqu’au souverainisme, la France comme puissance fut, et demeure, son principal combat. Cette suprême exigence, d’autant plus précieuse qu’elle s’estompe peu à peu, n’a jamais laissé ses interlocuteurs indifférents. Avec le Devoir de vérité, elle n’en laissera aucun indemne. Son exposé, clair et simple, ne se lit ni ne s’achève sans douleur. C’est qu’il jette une lumière déplaisante, pour ne pas dire insupportable, sur l’état réel de notre pays dans ce qu’on appelait jadis le concert des nations.Faible instrument que celui de la France ! Chiffres et analyses à l’appui (à cet égard, les annexes, nombreuses et précises, sont une partie essentielle de l’ouvrage), le général passe en revue, chapitre par chapitre, les différents maux qui affectent notre pays sans que celui-ci n’ait le courage de franchement réagir. La mondialisation tout d’abord : ce n’est pas une surprise, si on entend par là la perte du contrôle de notre économie. Le dépeuplement ensuite, qui menace l’équilibre intergénérationnel de notre société, et à long terme son existence en tant que telle. L’européisation également, qui sous couvert d’une construction de l’Europe procède à une déconstruction effective de la France, sans augurer d’une quelconque Europe digne de ce nom. L’immigration enfin, dont l’analyse critique n’est pas aisée tant elle est abusivement confondue avec son rejet pur et simple. L’espace de Schengen, nos actuelles véritables frontières, est pourtant incapable de contrôler l’immigration clandestine. Quant à l’intégration des immigrés en France, et surtout des enfants d’immigrés, qui peut, sans crainte du ridicule, prétendre qu’elle soit un succès ?
L’un des chapitres de l’ouvrage, « les institutions », donne la clé, selon Gallois, des déboires de « la Vème République dévoyée ». Aux hommes politiques de la IVème république, dont le pouvoir était fragile, mais la soif de reconstruire puis de faire grandir la France immense, le général oppose, trop facilement selon nous, les récents présidents de la République, au pouvoir fort, démesurément large, dont l’onction du suffrage universel aurait permis le lâche renoncement à une politique de puissance. L’exemple de la décision unilatérale de F.Mitterrand et de R.Dumas d’engager la France sur le chemin d’une Europe fédérale, conforme aux intérêts de l’Allemagne, revient comme un leitmotiv illustrant le risque d’une véritable confiscation du pouvoir démocratique à laquelle conduirait tout droit l’élection du président au suffrage universel. Ce qu’aperçoit mal Gallois, c’est que l’incapacité des hommes politiques d’aujourd’hui à être à la hauteur des institutions conçues et voulues par le général de Gaulle ne doit pas jeter le discrédit sur celles-ci. Ne nous débarrassons donc pas du bébé avec l’eau du bain. Et si de tels actes de « forfaiture » ont été possibles au sommet de l’Etat, c’est aussi que les Français sont, sinon anesthésiés par un pouvoir médiatique envahissant, du moins indifférents ou inconscients des enjeux.
Ces quelques réserves émises, il faut donc saluer l’intérêt de l’ouvrage. La résignation des Français, que Gallois évoque dans le dernier chapitre, n’est pas synonyme de démission. Elle traduit plutôt l’illusion d’une France encore éminemment libre, souveraine et forte ... Avec rigueur et sévérité, le général Gallois nous en débarrasse une fois pour toutes, non pour la pleurer, mais pour la retrouver.
Olivier Petesh