En novembre 2001, le Pentagone créait le « bureau d’influence stratégique » (Office of Stategic Influence - OSI) ayant pour mission de lancer des campagnes de désinformation auprès des presses étrangères dans le cadre de la guerre contre le terrorisme international, en tant que subdivision du « bureau des opérations d’information », lequel dépendant de l’Etat-major interarmées.Alors qu’en 2002, le président américain célébrait le 60ème anniversaire de la radio Voice of America, l’OSI pouvait être perçu comme une résurrection du bureau chargé pendant la guerre du Vietnam de fournir des informations à l’ennemi pour perturber leurs stratégies.
Cette création s’inscrit avant tout dans les rivalités intestines qui déchirent les départements de la Défense, d’Etat, et surtout la CIA chargée officiellement des mesures « actives » (comme les opérations de désinformation, d’intoxication…). Il semblerait par ailleurs que ce soit les services chargés de l’information militaire « classique » qui auraient organisé la fuite dans le New York Times qui révéla l’existence de ce bureau en février 2002. Ces derniers estimant en effet que l’OSI pourrait saper la crédibilité des informations communiquées par le département.
Le chef du bureau, Simon Worden, général de l’US Air Force, déclara qu’il « considérait sa mission comme large, allant de campagnes « noires » utilisant la désinformation et d’autres activités secrètes aux relations publiques « blanches » faites de communiqués véridiques » (1).
Concrètement, les opérations pouvaient se traduire par la diffusion de tracts, d’emails camouflés, de « journalistes » chargés de répandre des échos formatés par le Pentagone…, ou encore de manière plus agressive par la diffusion de fausses informations ou par l’attaque de sites informatiques hostiles.
En s’interrogeant sur les risques de contamination de la presse nationale américaine si l’OSI intoxiquait les agences de presse internationales, le quotidien souleva une vive polémique. Une loi aux Etats-Unis interdit en effet aux agences fédérales de propager des informations volontairement fausses à l’intérieur du territoire national. Malgré les nombreuses déclarations de démenti (« Le Pentagone ne diffuse pas de désinformation à la presse étrangère ni à aucune autre presse », Donald Rumsfeld, secrétaire à la Défense ; « Nous ne mentirons jamais au peuple américain ou à nos partenaires de la coalition anti-terroriste », Richards Myers, chef de l’Etat-major interarmées), le président George W Bush décida de couper court à la polémique grandissante à peine une semaine après les révélations du NY Times.
Bien que le bureau ait disparu, la volonté d’utiliser l’information de manière offensive restait quant à elle bien présente. Plusieurs mois après la disparition de l’OSI, Donald Rumsfed, proposa la création de l’Office of Perception Management ayant pour mission de modifier l’attitude des audiences cibles. Cependant, une autre proposition de bureau, au titre plus respectable justifiant ses fonctions des contradictions constatées dans la communication de la politique étrangère et du Pentagone, remporta l’adhésion : le « bureau des communications internationales » (Office of Global Communications – OGC).
Un rapport du Council on Foreign Relations ayant analysé que la perception des Etats-Unis par de nombreux pays était teintée d’une série d’adjectifs négatifs comme « arrogants », « hypocrites », « non désireux d’engager un dialogue inter-culturel »… Ce constat a amené le président Bush a signé, en janvier 2003, un décret autorisant la création de l’OGC. Ce dernier sera chargé de coordonner les actions des différentes agences, de concevoir et rédiger les messages destinés à soutenir la politique extérieure américaine, et de contrer les campagnes de désinformation du régime irakien.
Installés à Washington, Londres et Islamabad, les bureaux de l’OGC et ses équipes de « communicateurs » auront un seul objectif officiel : communiquer de manière cohérente pour promouvoir une image positive des Etats-Unis et légitimer ainsi sa politique internationale. Pour éviter la déconvenue de l’OSI, le décret a précisé que les messages, destinés aux citoyens et aux leaders d’opinion américains, aux membres permanents de l’ONU, au monde musulman et aux alliés européens, devront être véridiques et exacts..
Le Perception Management semble prévaloir (pour l’instant…) sur la désinformation dans les campagnes d’influence. Beaucoup plus difficile à déceler, l’influence par la « gestion des perceptions » est beaucoup plus insidieuse puisqu’elle vise le cœur de réflexion des individus pour modifier leurs visions sur tel ou tel sujet.
Après les OGM et la guerre en Irak, quelles seront les prochaines cibles ? Les pays d’Europe de l’Est et l’OTAN ?…
AVS
(1) : Libération (20/02/2002)
Cette création s’inscrit avant tout dans les rivalités intestines qui déchirent les départements de la Défense, d’Etat, et surtout la CIA chargée officiellement des mesures « actives » (comme les opérations de désinformation, d’intoxication…). Il semblerait par ailleurs que ce soit les services chargés de l’information militaire « classique » qui auraient organisé la fuite dans le New York Times qui révéla l’existence de ce bureau en février 2002. Ces derniers estimant en effet que l’OSI pourrait saper la crédibilité des informations communiquées par le département.
Le chef du bureau, Simon Worden, général de l’US Air Force, déclara qu’il « considérait sa mission comme large, allant de campagnes « noires » utilisant la désinformation et d’autres activités secrètes aux relations publiques « blanches » faites de communiqués véridiques » (1).
Concrètement, les opérations pouvaient se traduire par la diffusion de tracts, d’emails camouflés, de « journalistes » chargés de répandre des échos formatés par le Pentagone…, ou encore de manière plus agressive par la diffusion de fausses informations ou par l’attaque de sites informatiques hostiles.
En s’interrogeant sur les risques de contamination de la presse nationale américaine si l’OSI intoxiquait les agences de presse internationales, le quotidien souleva une vive polémique. Une loi aux Etats-Unis interdit en effet aux agences fédérales de propager des informations volontairement fausses à l’intérieur du territoire national. Malgré les nombreuses déclarations de démenti (« Le Pentagone ne diffuse pas de désinformation à la presse étrangère ni à aucune autre presse », Donald Rumsfeld, secrétaire à la Défense ; « Nous ne mentirons jamais au peuple américain ou à nos partenaires de la coalition anti-terroriste », Richards Myers, chef de l’Etat-major interarmées), le président George W Bush décida de couper court à la polémique grandissante à peine une semaine après les révélations du NY Times.
Bien que le bureau ait disparu, la volonté d’utiliser l’information de manière offensive restait quant à elle bien présente. Plusieurs mois après la disparition de l’OSI, Donald Rumsfed, proposa la création de l’Office of Perception Management ayant pour mission de modifier l’attitude des audiences cibles. Cependant, une autre proposition de bureau, au titre plus respectable justifiant ses fonctions des contradictions constatées dans la communication de la politique étrangère et du Pentagone, remporta l’adhésion : le « bureau des communications internationales » (Office of Global Communications – OGC).
Un rapport du Council on Foreign Relations ayant analysé que la perception des Etats-Unis par de nombreux pays était teintée d’une série d’adjectifs négatifs comme « arrogants », « hypocrites », « non désireux d’engager un dialogue inter-culturel »… Ce constat a amené le président Bush a signé, en janvier 2003, un décret autorisant la création de l’OGC. Ce dernier sera chargé de coordonner les actions des différentes agences, de concevoir et rédiger les messages destinés à soutenir la politique extérieure américaine, et de contrer les campagnes de désinformation du régime irakien.
Installés à Washington, Londres et Islamabad, les bureaux de l’OGC et ses équipes de « communicateurs » auront un seul objectif officiel : communiquer de manière cohérente pour promouvoir une image positive des Etats-Unis et légitimer ainsi sa politique internationale. Pour éviter la déconvenue de l’OSI, le décret a précisé que les messages, destinés aux citoyens et aux leaders d’opinion américains, aux membres permanents de l’ONU, au monde musulman et aux alliés européens, devront être véridiques et exacts..
Le Perception Management semble prévaloir (pour l’instant…) sur la désinformation dans les campagnes d’influence. Beaucoup plus difficile à déceler, l’influence par la « gestion des perceptions » est beaucoup plus insidieuse puisqu’elle vise le cœur de réflexion des individus pour modifier leurs visions sur tel ou tel sujet.
Après les OGM et la guerre en Irak, quelles seront les prochaines cibles ? Les pays d’Europe de l’Est et l’OTAN ?…
AVS
(1) : Libération (20/02/2002)