Il y a quelques années, l'ancien Secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie M. Boutros Ghali avait invité les francophones à relever le défi d'Internet. Nous avons retrouvé pour vous ce texte de 1998 toujours d'actualité.La Francophonie du troisième millénaire sera connectée ou ne sera pas !
Tous les domaines de la société et de l'activité humaine sont en passe d'être bouleversés par cette véritable révolution que constituent les technologies de l'information et de la communication. Une révolution dont on mesure encore mal toutes les retombées, mais dont on perçoit déjà qu'elle aura sur l'histoire de l'Humanité un impact pour le moins aussi important que celui, en d'autres temps, de la révolution agricole ou industrielle.
La Francophonie a montré depuis le sommet de Hanoï qu'elle entendait tenir sa place dans l'évolution du monde. L'année 1998 a été marquée par son entrée sur la scène politique et diplomatique internationale. Le moment est venu, aussi pour elle, d'entrer de plein pied dans la société de l'information.
Il y va de l'avenir de la Francophonie, et tout d'abord de son efficacité. Car cet outil de démocratisation de l'information et de la connaissance, ce formidable outil de développement qu'est Internet constitue, pour la Francophonie particulièrement, un atout considérable. Il est le moyen de pallier l'éclatement géographique de l'espace francophone, en abolissant tout à la fois l'espace et le temps.
Mais il y va surtout de la crédibilité de la Francophonie. Car cette révolution numérique porte en germes deux risques majeurs qui pourraient bien vider de sens ces idéaux qui sont au fondement même de la communauté francophone : la solidarité et le respect de la diversité culturelle et linguistique.
Le premier risque réside dans une fracture d'un nouveau type, au sein même de la Francophonie, entre les info-pauvres et les info-riches. Car l'écart que l'on constate aujourd'hui encore, à l'intérieur même des pays développés, n'est rien en comparaison de celui qui existe entre le Nord et le Sud . Le réseau Internet s'est certes rapidement développé dans toute l'Afrique au cours des deux dernières années. Entre 1996 et 1998, le nombre de pays africains connectés à l'Internet est passé de 16 à 48. Malgré ces progrès spectaculaires, la réalité reste brutale, puisque on ne recense qu'un utilisateur d'Internet pour 5000 habitants en Afrique, alors que la moyenne mondiale est d'environ un utilisateur pour 40 habitants et d'un utilisateur pour 4 à 6 habitants en Amérique du Nord et en Europe, selon les pays.
Le second de ces risques, celui de l'uniformisation linguistique et culturelle, est aussi un défi lancé à la Francophonie dans son combat pour la promotion du plurilinguisme puisque à ce jour 75% des contenus sur Internet sont l'apanage d'une seule langue : l'anglais.
L'accès à Internet
Face à ce double risque de marginalisation économique et culturelle, il faut que la Francophonie inscrive désormais son objectif de solidarité et de respect de la diversité culturelle et linguistique dans la perspective des technologies de l'information. Car le dernier et le plus grave de tous les risques serait, sans doute, de sombrer dans la résignation, quand ce défi nouveau nous invite à une présence singulière et de qualité. C'est pourquoi j'entends bien faire de la coopération dans ce domaine une priorité de mon mandat.
Il ne s'agit pas de remettre en cause les actions traditionnelles de coopération que la Francophonie mène depuis trente ans maintenant dans le domaine de l'éducation et de la formation, de la culture, du développement économique ou de la diffusion de la langue française. Il s'agit de recentrer ces programmes en introduisant cette dimension nouvelle et tous les avantages qu'elle peut offrir, et en faisant surtout de celle-ci un objectif à part entière.
Les chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage ont pris, dès 1995, toute la mesure de l'enjeu. C'est ainsi que la conférence des ministres francophones chargés des info-routes, qui s'est tenue à Montréal en mai 1997, a arrêté un plan d'action qui s'appuie notamment, depuis 1998, sur le Fonds francophone des info-routes, doté d'un montant annuel de 40 millions de francs et alimenté tant par les pays du Nord que par ceux du Sud. La mise en place de ce fonds a suscité un engouement révélateur, puisque plus de cinq cents projets multilatéraux Nord-Sud ou Sud-Sud, provenant de 35 pays, ont déjà été déposés. Et cette priorité a été clairement réaffirmée par les chefs d'Etat et de gouvernement, à Moncton, en septembre 1999, à l'occasion du dernier sommet.
La Francophonie est donc parfaitement consciente de sa mission, mais elle est tout aussi consciente de ses moyens. Elle ne prétend pas, à elle seule, corriger tous les retards. Une trentaine de programmes internationaux d'aide visant à élargir les réseaux d'information et de communication dont dispose l'Afrique sont d'ores et déjà en cours. Et je dirais tant mieux ! L'ampleur de la tâche requiert la mobilisation de tous en général, et de la Francophonie en particulier car il est impensable que la Francophonie soit absente de l'entrée de ces pays dans la société d'information.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que l'Organisation internationale de Francophonie, dans ce domaine, comme elle le fait déjà dans le domaine politique, travaille en étroite collaboration avec les autres organisations internationales et recherche les meilleures synergies possibles avec les programmes déjà en cours. Je souhaite aussi mobiliser les grandes institutions financières sur quelques grands projets phares de la Francophonie.
Car beaucoup d'initiatives francophones sont déjà en cours, à travers ceux que l'on appelle les opérateurs de la Francophonie. Il s'agit désormais de resserrer et de renforcer ces actions en mettant plus particulièrement l'accent sur la démocratisation de l'accès, la production de contenus en français et la formation des ressources humaines.
Malgré une demande croissante, notamment de la part des jeunes, comme l'ont bien montré les résolutions adoptées par la jeunesse francophone le 20 mars 1999 à Genève, la généralisation de l'utilisation de l'Internet en Afrique reste limitée en raison de l'insuffisance de l'informatisation et des infrastructures de télécommunications, mais aussi du coût élevé des communications. La Francophonie, là encore, ne peut agir seule. Ses efforts doivent être relayés par une politique volontariste des Etats. En outre, dans la plupart des pays, les services fournis sont actuellement localisés dans les capitales, ce qui permet à un nombre restreint d'utilisateurs d'y accéder puisque 70% de la population vit encore dans des zones rurales.
C'est pourquoi il faut privilégier, dans un premier temps, l'équipement des lieux publics afin de répartir le coût de l'accès à ces équipements entre un grand nombre d'utilisateurs, Qu'il s'agisse des ministères, des ambassades, des centres culturels, des établissements scolaires, des universités à l'instar des 26 centres de ressources implantés par l'Agence universitaire de la Francophonie. Ce réseau permet la diffusion de plus d'un million d'unités documentaires par an auprès de la communauté universitaire francophone du Sud ainsi que l'accès à l'Internet scientifique pour plus de 40 000 enseignants chercheurs. Par ailleurs la Francophonie doit tirer le meilleur parti de l'implantation par l'Agence intergouvernementale de la Francophonie dans 16 pays de 170 Centres de lecture et d'animation culturelle en milieu rural. A titre expérimental, 14 d'entre eux sont pour l'heure connectés à l'Internet.
La Francophonie poursuit dans ce sens. Elle s'est fixée, pour les deux années à venir, un projet ambitieux d'ouverture de cybercentres communautaires.
L' info- voie pour le développement
Sur le plan des contenus, la Francophonie a permis un accroissement important du volume d'informations échangé sur la toile, particulièrement pour les pays francophones d'Afrique, mais il est trois secteurs prioritaires dans lesquels elle doit amplifier la création et la circulation de contenus parce qu'ils sont au croisement de la modernité et du développement. Il s'agit de la formation et de l'éducation à distance, du commerce électronique et, bien sûr, du patrimoine culturel.
Le défi de l'éducation et de la formation est un préalable au développement. En révolutionnant les modalités de transmission du savoir, les technologies de la communication, qu'il s'agisse de l'Internet, des télévisions et des radios satellitaires, offrent des potentialités sans précédents. Formation à distance, échange de systèmes éducatifs, le champ des possibilités est infini et devrait permettre de pallier, notamment, les difficultés diverses auxquelles se heurte la circulation des étudiants et des chercheurs. L'Agence intergouvernementale de la Francophonie assure déjà, à travers le Consortium international francophone de formation à distance, la formation d'enseignants et de personnels éducatifs. La chaîne TV5 s'implique, elle aussi, dans ce processus éducatif à travers la production du magazine Funambule. L'Agence universitaire de la Francophonie, a mis au point un Programme Pro Sud destiné à assurer la production au Sud de contenus francophones sur Internet, par les universitaires du Sud eux-mêmes. Le nombre de pages produites sur les sites Internet des différents pays a ainsi quadruplé depuis un an, passant de 17 000 à 65 000. Mais le grand défi de la Francophonie reste sans doute la mise en place de l'université virtuelle francophone qui peut devenir un vecteur privilégié du rayonnement éducatif de la Francophonie.
Il faut aussi que la Francophonie renforce ses interventions dans le domaine de la formation professionnelle et technique, des services de maintenance et du transfert des compétences permettant la création de nouveaux sites.
Il est un second défi incontournable pour la Francophonie : c'est celui de l'intégration dans l'économie mondiale des pays les moins développés. C'est parce que la Francophonie veut maintenir et resserrer le dialogue entre le Nord et le Sud, entre une Francophonie développée et une Francophonie en voie de développement que les chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage se sont retrouvés à Monaco, les 14 et 15 avril 1999, lors de la première conférence des ministres francophones de l'Economie et des Finances. Cette conférence portait sur le thème des investissements et du commerce et, plus particulièrement du commerce électronique. Cette nouvelle forme de transactions peut devenir un moyen puissant de désenclavement pour nombre de pays et leur ouvrir l'accès à un marché mondial. Il faut que la Francophonie mette en place un véritable réseau mondial de commerce électronique francophone. Et la Conférence de Monaco a permis de dégager un certain nombre de priorités pour accompagner cette mutation que la mondialisation demande et que la solidarité exige.
Un nouveau souffle
Mais je crois qu'au-delà de ces défis, la Francophonie peut véritablement, grâce à ces outils, trouver un nouveau souffle. Nous avons aujourd'hui la possibilité de dialoguer avec les francophones de tous les pays, y compris ceux qui ne sont pas membres de la Francophonie et qui expriment souvent le désir ardent d'être plus étroitement associés à nos projets. Nous avons, surtout, la possibilité d'offrir au monde les trésors de notre langue commune, la richesse de notre patrimoine culturel, ou plus exactement de nos patrimoines culturels car la Francophonie est à la fois une et multiple. Elle se nourrit et s'enrichit des particularités de chacun de ses membres.
C'est pour toutes ces raisons que la Francophonie se doit d'être présente et active dans le cybermonde. Je dirais qu'elle ne peut faire autrement, sous peine de s'éteindre doucement et sans bruit aux côtés des autres communautés culturelles et linguistiques. Ne nous laissons pas prendre au leurre des sites multilingues qui commencent à fleurir aux Etats-Unis. En 1998, en effet, les entreprises américaines ont dépensé 10,3 milliards de dollars pour traduire leur site en plusieurs langues. A cet effet, elles dépenseront 17,3 milliards de dollars d'ici à 2003. N'oublions jamais que la langue est au coeur de tous les médias, car à travers l'accès à ces nouveaux espaces, c'est la conquête des marchés, mais surtout des esprits qui se joue. La langue n'est donc plus seulement un outil de communication, elle est devenue un enjeu stratégique de pouvoir, un pouvoir hégémonique et uniformisant, parce que la langue est aussi et surtout l'expression d'un mode de pensée.
Je maintiens donc que la Francophonie doit se battre pour assurer la présence de la langue française et des langues nationales sur Internet, mais je suis persuadé, aussi, que nous devons à notre tour produire des sites traduits en plusieurs langues et engager les autres communautés à faire de même. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons prétendre préserver la diversité linguistique et culturelle dans le monde et par là même assurer la démocratie internationale.
Tous les domaines de la société et de l'activité humaine sont en passe d'être bouleversés par cette véritable révolution que constituent les technologies de l'information et de la communication. Une révolution dont on mesure encore mal toutes les retombées, mais dont on perçoit déjà qu'elle aura sur l'histoire de l'Humanité un impact pour le moins aussi important que celui, en d'autres temps, de la révolution agricole ou industrielle.
La Francophonie a montré depuis le sommet de Hanoï qu'elle entendait tenir sa place dans l'évolution du monde. L'année 1998 a été marquée par son entrée sur la scène politique et diplomatique internationale. Le moment est venu, aussi pour elle, d'entrer de plein pied dans la société de l'information.
Il y va de l'avenir de la Francophonie, et tout d'abord de son efficacité. Car cet outil de démocratisation de l'information et de la connaissance, ce formidable outil de développement qu'est Internet constitue, pour la Francophonie particulièrement, un atout considérable. Il est le moyen de pallier l'éclatement géographique de l'espace francophone, en abolissant tout à la fois l'espace et le temps.
Mais il y va surtout de la crédibilité de la Francophonie. Car cette révolution numérique porte en germes deux risques majeurs qui pourraient bien vider de sens ces idéaux qui sont au fondement même de la communauté francophone : la solidarité et le respect de la diversité culturelle et linguistique.
Le premier risque réside dans une fracture d'un nouveau type, au sein même de la Francophonie, entre les info-pauvres et les info-riches. Car l'écart que l'on constate aujourd'hui encore, à l'intérieur même des pays développés, n'est rien en comparaison de celui qui existe entre le Nord et le Sud . Le réseau Internet s'est certes rapidement développé dans toute l'Afrique au cours des deux dernières années. Entre 1996 et 1998, le nombre de pays africains connectés à l'Internet est passé de 16 à 48. Malgré ces progrès spectaculaires, la réalité reste brutale, puisque on ne recense qu'un utilisateur d'Internet pour 5000 habitants en Afrique, alors que la moyenne mondiale est d'environ un utilisateur pour 40 habitants et d'un utilisateur pour 4 à 6 habitants en Amérique du Nord et en Europe, selon les pays.
Le second de ces risques, celui de l'uniformisation linguistique et culturelle, est aussi un défi lancé à la Francophonie dans son combat pour la promotion du plurilinguisme puisque à ce jour 75% des contenus sur Internet sont l'apanage d'une seule langue : l'anglais.
L'accès à Internet
Face à ce double risque de marginalisation économique et culturelle, il faut que la Francophonie inscrive désormais son objectif de solidarité et de respect de la diversité culturelle et linguistique dans la perspective des technologies de l'information. Car le dernier et le plus grave de tous les risques serait, sans doute, de sombrer dans la résignation, quand ce défi nouveau nous invite à une présence singulière et de qualité. C'est pourquoi j'entends bien faire de la coopération dans ce domaine une priorité de mon mandat.
Il ne s'agit pas de remettre en cause les actions traditionnelles de coopération que la Francophonie mène depuis trente ans maintenant dans le domaine de l'éducation et de la formation, de la culture, du développement économique ou de la diffusion de la langue française. Il s'agit de recentrer ces programmes en introduisant cette dimension nouvelle et tous les avantages qu'elle peut offrir, et en faisant surtout de celle-ci un objectif à part entière.
Les chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage ont pris, dès 1995, toute la mesure de l'enjeu. C'est ainsi que la conférence des ministres francophones chargés des info-routes, qui s'est tenue à Montréal en mai 1997, a arrêté un plan d'action qui s'appuie notamment, depuis 1998, sur le Fonds francophone des info-routes, doté d'un montant annuel de 40 millions de francs et alimenté tant par les pays du Nord que par ceux du Sud. La mise en place de ce fonds a suscité un engouement révélateur, puisque plus de cinq cents projets multilatéraux Nord-Sud ou Sud-Sud, provenant de 35 pays, ont déjà été déposés. Et cette priorité a été clairement réaffirmée par les chefs d'Etat et de gouvernement, à Moncton, en septembre 1999, à l'occasion du dernier sommet.
La Francophonie est donc parfaitement consciente de sa mission, mais elle est tout aussi consciente de ses moyens. Elle ne prétend pas, à elle seule, corriger tous les retards. Une trentaine de programmes internationaux d'aide visant à élargir les réseaux d'information et de communication dont dispose l'Afrique sont d'ores et déjà en cours. Et je dirais tant mieux ! L'ampleur de la tâche requiert la mobilisation de tous en général, et de la Francophonie en particulier car il est impensable que la Francophonie soit absente de l'entrée de ces pays dans la société d'information.
C'est la raison pour laquelle je souhaite que l'Organisation internationale de Francophonie, dans ce domaine, comme elle le fait déjà dans le domaine politique, travaille en étroite collaboration avec les autres organisations internationales et recherche les meilleures synergies possibles avec les programmes déjà en cours. Je souhaite aussi mobiliser les grandes institutions financières sur quelques grands projets phares de la Francophonie.
Car beaucoup d'initiatives francophones sont déjà en cours, à travers ceux que l'on appelle les opérateurs de la Francophonie. Il s'agit désormais de resserrer et de renforcer ces actions en mettant plus particulièrement l'accent sur la démocratisation de l'accès, la production de contenus en français et la formation des ressources humaines.
Malgré une demande croissante, notamment de la part des jeunes, comme l'ont bien montré les résolutions adoptées par la jeunesse francophone le 20 mars 1999 à Genève, la généralisation de l'utilisation de l'Internet en Afrique reste limitée en raison de l'insuffisance de l'informatisation et des infrastructures de télécommunications, mais aussi du coût élevé des communications. La Francophonie, là encore, ne peut agir seule. Ses efforts doivent être relayés par une politique volontariste des Etats. En outre, dans la plupart des pays, les services fournis sont actuellement localisés dans les capitales, ce qui permet à un nombre restreint d'utilisateurs d'y accéder puisque 70% de la population vit encore dans des zones rurales.
C'est pourquoi il faut privilégier, dans un premier temps, l'équipement des lieux publics afin de répartir le coût de l'accès à ces équipements entre un grand nombre d'utilisateurs, Qu'il s'agisse des ministères, des ambassades, des centres culturels, des établissements scolaires, des universités à l'instar des 26 centres de ressources implantés par l'Agence universitaire de la Francophonie. Ce réseau permet la diffusion de plus d'un million d'unités documentaires par an auprès de la communauté universitaire francophone du Sud ainsi que l'accès à l'Internet scientifique pour plus de 40 000 enseignants chercheurs. Par ailleurs la Francophonie doit tirer le meilleur parti de l'implantation par l'Agence intergouvernementale de la Francophonie dans 16 pays de 170 Centres de lecture et d'animation culturelle en milieu rural. A titre expérimental, 14 d'entre eux sont pour l'heure connectés à l'Internet.
La Francophonie poursuit dans ce sens. Elle s'est fixée, pour les deux années à venir, un projet ambitieux d'ouverture de cybercentres communautaires.
L' info- voie pour le développement
Sur le plan des contenus, la Francophonie a permis un accroissement important du volume d'informations échangé sur la toile, particulièrement pour les pays francophones d'Afrique, mais il est trois secteurs prioritaires dans lesquels elle doit amplifier la création et la circulation de contenus parce qu'ils sont au croisement de la modernité et du développement. Il s'agit de la formation et de l'éducation à distance, du commerce électronique et, bien sûr, du patrimoine culturel.
Le défi de l'éducation et de la formation est un préalable au développement. En révolutionnant les modalités de transmission du savoir, les technologies de la communication, qu'il s'agisse de l'Internet, des télévisions et des radios satellitaires, offrent des potentialités sans précédents. Formation à distance, échange de systèmes éducatifs, le champ des possibilités est infini et devrait permettre de pallier, notamment, les difficultés diverses auxquelles se heurte la circulation des étudiants et des chercheurs. L'Agence intergouvernementale de la Francophonie assure déjà, à travers le Consortium international francophone de formation à distance, la formation d'enseignants et de personnels éducatifs. La chaîne TV5 s'implique, elle aussi, dans ce processus éducatif à travers la production du magazine Funambule. L'Agence universitaire de la Francophonie, a mis au point un Programme Pro Sud destiné à assurer la production au Sud de contenus francophones sur Internet, par les universitaires du Sud eux-mêmes. Le nombre de pages produites sur les sites Internet des différents pays a ainsi quadruplé depuis un an, passant de 17 000 à 65 000. Mais le grand défi de la Francophonie reste sans doute la mise en place de l'université virtuelle francophone qui peut devenir un vecteur privilégié du rayonnement éducatif de la Francophonie.
Il faut aussi que la Francophonie renforce ses interventions dans le domaine de la formation professionnelle et technique, des services de maintenance et du transfert des compétences permettant la création de nouveaux sites.
Il est un second défi incontournable pour la Francophonie : c'est celui de l'intégration dans l'économie mondiale des pays les moins développés. C'est parce que la Francophonie veut maintenir et resserrer le dialogue entre le Nord et le Sud, entre une Francophonie développée et une Francophonie en voie de développement que les chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage se sont retrouvés à Monaco, les 14 et 15 avril 1999, lors de la première conférence des ministres francophones de l'Economie et des Finances. Cette conférence portait sur le thème des investissements et du commerce et, plus particulièrement du commerce électronique. Cette nouvelle forme de transactions peut devenir un moyen puissant de désenclavement pour nombre de pays et leur ouvrir l'accès à un marché mondial. Il faut que la Francophonie mette en place un véritable réseau mondial de commerce électronique francophone. Et la Conférence de Monaco a permis de dégager un certain nombre de priorités pour accompagner cette mutation que la mondialisation demande et que la solidarité exige.
Un nouveau souffle
Mais je crois qu'au-delà de ces défis, la Francophonie peut véritablement, grâce à ces outils, trouver un nouveau souffle. Nous avons aujourd'hui la possibilité de dialoguer avec les francophones de tous les pays, y compris ceux qui ne sont pas membres de la Francophonie et qui expriment souvent le désir ardent d'être plus étroitement associés à nos projets. Nous avons, surtout, la possibilité d'offrir au monde les trésors de notre langue commune, la richesse de notre patrimoine culturel, ou plus exactement de nos patrimoines culturels car la Francophonie est à la fois une et multiple. Elle se nourrit et s'enrichit des particularités de chacun de ses membres.
C'est pour toutes ces raisons que la Francophonie se doit d'être présente et active dans le cybermonde. Je dirais qu'elle ne peut faire autrement, sous peine de s'éteindre doucement et sans bruit aux côtés des autres communautés culturelles et linguistiques. Ne nous laissons pas prendre au leurre des sites multilingues qui commencent à fleurir aux Etats-Unis. En 1998, en effet, les entreprises américaines ont dépensé 10,3 milliards de dollars pour traduire leur site en plusieurs langues. A cet effet, elles dépenseront 17,3 milliards de dollars d'ici à 2003. N'oublions jamais que la langue est au coeur de tous les médias, car à travers l'accès à ces nouveaux espaces, c'est la conquête des marchés, mais surtout des esprits qui se joue. La langue n'est donc plus seulement un outil de communication, elle est devenue un enjeu stratégique de pouvoir, un pouvoir hégémonique et uniformisant, parce que la langue est aussi et surtout l'expression d'un mode de pensée.
Je maintiens donc que la Francophonie doit se battre pour assurer la présence de la langue française et des langues nationales sur Internet, mais je suis persuadé, aussi, que nous devons à notre tour produire des sites traduits en plusieurs langues et engager les autres communautés à faire de même. Ce n'est qu'à ce prix que nous pourrons prétendre préserver la diversité linguistique et culturelle dans le monde et par là même assurer la démocratie internationale.