Alex Mandl : l’espion qui n’en était pas un

Dans un article au titre évocateur, « Gemplus : l’espion qui n’en était pas un », Libération reprend à son compte les propos de David Bonderman, patron de Texas Pacific Group et principal actionnaire du leader mondial de la carte à puce. Alex Mandl, actuel n° 1 de Gemplus, fleuron de l’industrie française fortement déstabilisé depuis l’arrivée des américains, n’a rien à voir avec les services secrets de l’Oncle Sam. Rien, vraiment. Certes, il a été administrateur d’In-Q-Tel, le fonds d’investissement de la CIA (www.in-q-tel.com ). Et après ?
Assister à quelques réunions par an ne fait pas de vous un espion. D’accord, In-Q-Tel a pour mission d’acheter les technologies développées par le secteur privé et intéressant les services de renseignement (moteurs de recherche, logiciels pour surfer de manière anonyme, cartographie). Mais assister aux conseils d’administration ne veut pas dire qu’on écoute ce qui s’y dit : avec un bon walkman ou des boules Quies…
Non, comme le dit fort pertinemment David Bonderman à propos des liens d’Alex Mandl avec la CIA : « C’est totalement idiot. C’est comme dire que quelqu’un a été kidnappé par des extraterrestres. »
D’accord, Alex Mandl avait oublié de préciser ses liens avec In-Q-Tel lors de son recrutement, mais faut-il parler aussi des hobbies dans un entretien d’embauche ? Ses états de services suffisaient : n° 2 d’AT&T, géant américain des télécommunications, c’est quand même quelque chose. Précisons que cette entreprise travaille dans un secteur éminemment stratégique pour les Etats-Unis, tant au niveau des infrastructures que des systèmes de sécurisation. A l’époque de Mandl, AT&T possède encore les Bells Labs qui sont en pointe en matière de cryptologie. D’accord, la cryptologie est une obsession des agences de renseignement comme la CIA et surtout la NSA. Mais de là à penser que le n°2 du géant américain ait pu être en contact avec ces agences. Fadaises !
Reste que cette position prestigieuse vaut à Mandl de faire partie du Bohemian Club, société de pensée néo-conservatrice très fermée où l’on trouve tout le gratin du lobby militaro-industriel et notamment des agences de renseignement. Mais de là à voir des espions partout !
A l’époque où il cède aux sirènes de la net-économie pour rejoindre Teligent, une start-up spécialisée dans l’internet, Alex Mandl fait partie du cénacle qui pense la réorganisation de la sécurité nationale en s’appuyant sur les bonnes pratiques du privé. C’est l’organisation Business Executives for National Security (www.bens.org). C’est d’ailleurs de cette Révolution dans les Affaires Militaires que naîtra In-Q-Tel dont Mandl deviendra comme par hasard administrateur. Pour la CIA, il s’agit d’une véritable révolution culturelle : créer un fonds de capital-risque pour capter les technologies émergentes. Pourquoi voler quand on peut acheter ? Or Mandl signe les rapports (accessibles sur Internet) de ces dits cénacles sur la révolution dans les affaires militaires et notamment l’apport du monde des affaires à la sécurité nationale. Comme quoi il faut toujours regarder ce que l’on signe. A moins qu’Alex Mandl ait délégué sa signature. Mais qui peut-on donc bien se fier de nos jours. S’il n’a pas eu le temps de lire les rapports qu’il a signé, indiquons lui que parmi les points-clés se trouve la nécessaire sous-traitance à des entreprises privées des technologies de l’information ou le développement des cartes à puce au sein du Département de la Défense. Bien entendu, toute coïncidence avec une entreprise française leader mondial de la carte à puce et très avancée en matière de cryptologie serait purement fortuite. Quant à Alex Mandl, inutile de préciser que le début de la moitié d’une insinuation sur des liens présumés avec les services secrets américains est purement et simplement… ABRACADABRANTESQUE.