Petite guerre de l'information de Greenpeace contre EDF

Greenpeace ne se lasse décidément pas d'utiliser les techniques de guérilla pour promouvoir ses idées et pour amplifier la portée de sa contestation.
Après le véritable coup de main contre les stations Esso aux Pays Bas (voir l'article d'infoguerre), l'association s'attaque à EDF en lançant une campagne de protestation contre la filiale « Vivrelec » d'EDF.

Selon Greenpeace, le chauffage électrique est une aberration énergétique qui pose d'importants problèmes sociaux et environnementaux mais qui équipe pourtant 30 % des logements français. Greenpeace accuse EDF d'être directement responsable de cette situation exceptionnelle en Europe. Effectivement, toujours selon l'association, l'entreprise publique, sous la marque Vivrélec®, a réussi en plusieurs années à imposer ce mode de chauffage domestique en multipliant les opérations de marketing, les primes et autres démarches en direction de tous les acteurs du bâtiment et même des particuliers. Or, la loi sur l'électricité adoptée en 2000, lui interdirait pourtant toute activité de ce type.

Ainsi, en septembre 2001, Greenpeace France et l'Union Fédérale des Consommateurs de la Vienne demandaient à Laurent Fabius, Ministre de l'Economie et des Finances de mettre en demeure EDF, service public de l'électricité dont il assurait alors la tutelle, de respecter la loi en interdisant à EDF de faire la promotion du chauffage électrique. Les associations n'ayant pas obtenu de réponse, avaient déposé un recours contentieux en Conseil d'Etat le 29 novembre 2001. L'examen du recours déposé dans le but de faire cesser les activités de promotion du chauffage électrique d'EDF regroupées sous la marque Vivrélec a été examiné par le Conseil d'Etat le 4 novembre 2002.

A l'issue de l'audience, la Commissaire du Gouvernement a conclu au rejet de leur demande au regard de la relation particulière qu'entretiennent l'Etat et EDF. Greenpeace ne souhaite pas s'en tenir là, et lance un site internet intitulé : electricitédeforce (www.electricitedeforce.com). De l'attaque juridique, on passe à une attaque d'usure sur le net.

Ce genre d'opération, que nous pouvons qualifier de « petite guerre » de l'information, est devenue un classique du genre. Dans ce type d'affrontement, Greenpeace joue souvent gagnant/gagnant. L'association peut se tromper de cible ou de débat, sa notoriété humaniste finit toujours par prendre le dessus. Rappelons-nous la campagne lancée par Greenpeace au milieu des années 90 contre la plateforme pétrolière de Shell. L'argumentation présentée alors par Greenpeace reposait sur de fausses informations. L'association avait dû présenter des excuses publiques à Shell. Cela n'a pas empêcher Shell de se rapprocher par la suite de Greenpeace.

Définition et enjeux de la petite guerre :
La petite guerre est l'ensemble des opérations destinées à obtenir des résultats secondaires ; elle est exécutée avec des forces restreintes, par rapport à celles du gros des forces qui poursuivent le but principal de la «guerre».

La petite guerre n'est donc pas celle qui se fait avec peu de troupes, mais bien celle qui n'emploie que des portions restreintes des forces totales.

Les petites guerres informationnelles précédent ou accompagnent des opérations de déstabilisation plus importantes Il faut savoir que certaines compagnies pétrolières ont tout intérêt à gêner les producteurs d'électricité. Mais le sujet est plus complexe car EDF est aujourd'hui au cœur de différents enjeux majeurs où s'affrontent des concurrents français et étrangers.

Les opérations de petites guerre ne servent qu'à encercler l'adversaire et à marquer des points sur des fronts secondaires dont l'importance ne se mesurera qu'à l'aune de leur cumul. Dans le cas qui nous intéresse, ce genre de site internet à une vertu mobilisatrice et peut par la suite être utilisée comme vecteur de propagation d'une opération beaucoup plus importante.
Il serait ainsi intéressant de se pencher d'un peu plus près sur ce genre d'initiative d'agit-prop dont l'apparente faiblesse de l'effet de nuisance ne doit pas nous faire occulter l'hypothèse d'une possible orchestration de plus grande envergure visant à discréditer l'entreprise concernée, et à remettre au goût du jour le débat sur le nucléaire.