Pierre Hillard, qui est historien, a réussi à se procurer des documents sur la future Europe des régions à base ethnique en gestation à Bruxelles. Dans son dernier livre «Minorités et Régionalismes » (3ème édition augmentée), il explique comment ces documents, édités sous l’égide officielle du Parlement Européen, corrigent les frontières de la France et de l’Angleterre au profit de l’Allemagne. Le plus inquiétant, c’est que ces éléments servent de base aux travaux actuels de la Convention sur l’avenir de l’Europe présidée par Valéry Giscard d’Estaing ; Convention dont la mission est de rédiger une constitution pour l’Union Européenne.
A l’heure de l’élargissement il serait peut-être utile de mettre en garde nos voisins d’Europe centrale sur l’Europe qui les attend. Il semblerait que l’on soit loin du rêve de Jean Monnet...
Interview par J-B Jusot.
Jean-Baptiste JUSOT : Pensez-vous vraiment que la France soit menacée de disparition ?
Pierre HILLARD : Dans le cadre de la construction européenne, oui ! Surtout quand on sait ce que nous prépare la Convention pour l’Avenir de l’Europe avec la future «Constitution européenne ». Je n’invente rien, relisez la Charte de Droits Fondamentaux signée à l’issue du sommet de Nice en décembre 2000. Dans son article 21, le texte dit ceci : « (...) toutes les discriminations d’ordre ethnique, religieuse, sexuelle et linguistique sont interdites. »
JB.J : Quelles en sont alors les conséquences pour notre souveraineté ?
P.H: Ce texte sert actuellement de base à la future «constitution». Avec ceux-ci, les groupes basques, alsaciens ou corses pourront revendiquer une existence autonome, portant ainsi atteinte à l’unité nationale.
JB.J : Comment expliquez vous qu’il y ait si peu d’étude sur cette vision ethno-culturelle allemande sur l’Europe que vous dénoncez dans votre ouvrage ?
P.H: Très peu hélas. Une personne, Yvonne Bollmann, a écrit un livre, La tentation allemande en 1997. Cette alsacienne évoquait cette version allemande de l’Europe. Elle apportait des indices sérieux, de fortes présomptions, des faits troublants. Du coup, les esprits malhonnêtes parlaient à l’époque de fantaisies et de fantasmes germanophobes. Deux allemands ont eux aussi soulevé ce problème dans un ouvrage intitulé De la guerre à la guerre, mais là encore sans suffisamment de preuves...
JB.J : Et vous, quelles sont vos preuves ?
P.H : Tout mon étude s’appuie sur cinq textes officiels. Mon livre est avant fait pour décortiquer et expliquer ces textes. Ces documents préparent en fait l’Etat européen des régions à base ethnique. Il s’agit de la Charte de l’autonomie locale (fin des années 1980), de la charte de l'autonomie régionale (1997), de la Charte de Madrid sur les Eurorégions (fin des années 80), de la Charte des langues régionales ou minoritaires (1988 entrée en vigueur en 1998) et de la Convention-cadre pour la protection des minorités (1994 entrée en vigueur en 1998). Vous pouvez consulter tous ces textes sur le site du conseil de l’Europe. Une fois encore je le répète, je n’invente rien. Tous ces textes d’inspiration allemande servent de base même aux travaux de la Convention sur l’avenir de l’Europe.
JB.J : Selon vous, cette Europe Fédérale des Régions que les eurocrates nous préparent n’est pas le fruit du hasard ou une invention du jour. Pour vous elle est le résultat d’un lent processus. Qu’est ce qui vous permet d’avancer cette thèse ?
P.H: L’Allemagne, quand elle est rentrée dans la CEE, a joué la comédie de la modestie forcée à cause de son lourd passé. Mais, les Allemands ont réussi à imposer leur philosophie de l’Europe. Déjà en 1963 ils avaient réussi à introduire certains principes dans la Convention Européenne des Droits de l’homme. A partir de la réunification ce processus c’est emballé.
JB.J : A l’inverse existe-t-il une vision française de l’Europe ?
P.H: La seule qu’il y ait eu c’est celle de Jean Monnet, mais il s’agissait essentiellement d’une vision économique. S’il y en a une aujourd’hui elle est bien cachée...
JB.J : Dans votre livre Minorités et Régionalisme dans l’Europe Fédérale des Régions, on a l’impression que l’Allemagne prend un peu sa revanche, car deux fois au siècle dernier le continent européen s’est organisé à ses dépends. Pour l’Europe, le XXI ème siècle sera-t-il le siècle allemand ?
P.H : Joshka Fisher, le ministre Vert allemand avait dit en 1995 dans son livre Le Risque Allemagne : « L’Allemagne va obtenir une hégémonie douce sur l’Europe, chose que les deux guerres mondiales n’ont pas pu apporter ». Il n’est pas le seul à partager cette opinion. Dans la revue n°90 de la fondation Robert Schumann, j’ai découvert un article qui s'appuie sur les propos tenus par un professeur allemand de sciences politiques à l'université Goethe à Francfort, Gunther Hellmann, dans le Herald Tribune du 20 septembre dernier. Ce professeur dit en effet ceci : i>« L'Union européenne restera clairement la priorité de tout gouvernement allemand, mais comme un instrument pour gouverner le continent et non plus comme un instrument permettant de rassurer les voisins de l'Allemagne sur les bonnes intentions de la 1ère puissance européenne ». D’autres preuves ne sont pas nécessaires, je suppose ?
JB.J : Vous allez plus loin puisque vous affirmez que le ministère de l’intérieur allemand financerait les mouvements régionalistes, ces mêmes mouvements basques, corses, savoyard ou alsaciens qui vont à l’encontre des intérêts de puissance de la France ?
P.H: Je me base une fois encore sur des documents officiels, ceux du ministère allemand de l’intérieur. Toutes ces preuves sont en indexe de mon livre. J’ai découvert dans mes recherches, un organisme qui s’appelle l’Union Fédéraliste des Communautés Ethniques Européennes qui est financé par les crédits du ministère de l’intérieur. Sachez aussi qu’il existe une fondation allemande appelée Hermann-Niermann, dont je ne sais pas encore d’où viennent les fonds. Cette fondation finance des projets d’écoles, des crèches, de jardins d’enfants et de centres culturels, à destination des minorités germaniques de l’Europe de l’Est, et de l’Ouest aussi !... puisqu’en 1993 cette fondation a construit un kindergarden en Alsace.
JB.J: Vous ajoutez à votre étude de nombreux documents dont la carte des régions de la Waffen SS de 1944 qui semble avoir inspirée la carte des régions éthniques européennes éditée par le Parti Démocratique des Peuples d’Europe alliés des Verts. Pensez-vous que cette vision ethno-culturelle soit une constante dans la politique européenne des Allemands ?
P.H: Bien sur, regardez l’Allemagne sur les deux derniers siècles. Au XIXème siècle cette vision ethnique s’appliquait principalement aux minorités germaniques d’Europe de l’Est et de Russie. En 1849, la Constitution du Reich englobe toutes les populations allemandes même en dehors des frontières. Au XXème siècle tous les régimes ont fait pareil, le deuxième Reich, Weimar ou les Nazis, que ce soit de manière politique, juridique ou militaire. La seule exception notable vient de Bismarck qui préférait rester fidèle à la Prusse et à sa dynastie. Chez les Allemands il y a toujours la hantise de l’encerclement, la crainte de la Mittelage, la situation du milieu. Pour éviter cela il faut affaiblir ses voisins par la division et le morcellement.
JB.J : Comment expliquez vous que certains libéraux européens soient aux côtés du Parti Démocratique des Peuples d’Europe – Alliance Libre Européenne, dont fait parti Daniel Cohen-Bendit, pour défendre cette Europe là ?
P.H : Chacun y trouve son compte, je pense même qu’il y a un fond commun entre les libéraux et les libertaires. Une espèce d’utopie, une idéologie où tout le monde s’aimerait, ce serait l’amitié entre les peuples pour pouvoir commercer et échanger loin des Etats-Nations.
JB.J : Y a-t-il une certaine volonté de nous cacher la vérité pour pouvoir mettre en place ce plan européen d’inspiration allemande ?
P.H: Oui et non. Non, il n’y a pas volonté de cacher réellement car tous les fondements de cette Europe là, sont des textes officiels. Dans ce sens là il n’y a pas de complot. Par contre ce qui est très inquiétant c’est la méconnaissance de ces textes par les peuples européens eux-mêmes. Edouard Husson, spécialiste de l'Allemagne, a accepté de faire la postface de mon livre.
En fait, il y a tellement de documentation qu’il est très difficile de se tenir au courant de tout. En août 1990 par exemple, Elmut Kohl a fait un discours devant les réfugiés allemands d’Europe de l’Est ; le discours fait plus de 15 pages. J’ai réussi à me procurer ce texte, et ce n’est qu’à l’avant-dernière page de ce discours que l’ancien chancelier parle de «remplacer les frontières politiques existantes par des frontières administratives plus faciles à déplacer » !
Quand Jean-Pierre Raffarin parle de régionalisation et de «droit à l’expérimentation » pour les Corses, il s’inscrit dans cette même logique. Mais, qui lit les discours de Jean-Pierre Raffarin ?
Pour François-Georges Dreyfus, ancien directeur du centre germanique de Strasbourg, ma thèse est irréfutable.
JB.J : Comment ont réagit les hommes politique français en lisant votre ouvrage ?
P.H: (rires...) Deux hommes politiques seulement m’ont répondu; Philippe de Villiers et Valéry Giscard d’Estaing en m’adressant de simples formules de politesse. Aucun des grands représentant officilement souverainniste, patriote ou républicain, de Droite comme de Gauche, n’a osé me soutenir.
JB.J : La France, dans ses traditions politiques, son enracinement et sa place historique au cœur de l’Europe serait donc le principale obstacle à ce que vous appelez «l’Europe des Tribus ? »
P.H: Oui, la France est le prototype même de l’Etat-Nation. Ce modèle est opposé à toute forme de découpage ethno-culturel. L’objectif des européistes est de casser ce prototype. Aujourd’hui, il faut que nos concitoyens, ainsi que toute les nations d’Europe, connaissent la portée des 5 documents dont j’ai parlé. Il ne faut pas céder à la germanophobie mais il faut être réaliste et courageux. Vous savez, même en Allemagne de nombreuses voix s’élèvent contre cette vision ethnique, qui est dangereuse pour la stabilité du continent. Le fédéralisme régional va nous conduire à un Kosovo-bis !
JB.J: Il n’y a plus d’espoir ?
P.H: Notre seul espoir c’est que les intérêts allemands entre en conflit avec ceux des américains, mais là nous serions entre le marteau et l’enclume. Sinon, vous n’avez qu’à lire la dernière phrase de mon livre (rires...).
visualiser la carte des régions éthniques européennes, reconnue par le Parlement Européen
visualiser la carte de l'Europe des waffen SS (1944)
Pierre HILLARD est né le 21 /01/1966. Après des études d’histoire et de sciences politiques puis des études de stratégie et de politique de défense, il est actuellement professeur d’Histoire Géographie.
Il collabore à de nombreuses publications comme « conflits actuels », « géostratégiques », « Balkans-infos », www.jeune-France.org, « intelligence et sécurité », « politique magazine ».
Il est l’auteur de : « Minorités et régionalisme, enquête sur le plan allemand qui va bouleverser l’Europe » paru aux éditions François-Xavier de Guibert. (3ème édition augmentée 2002).