Le rêve stratégique illusoire de Jean Marie Messier

« L’exception culturelle française est morte »… Cette déclaration récente de Jean Marie Messier Président de Vivendi Universal suscite de vives indignations parmi les professionnels de l’industrie cinématographique française, les hommes politiques et les institutionnels comme la Ministre de la Culture et le Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel.
N’étant pas spécialistes du cinématographe, nous nous garderons bien d’intervenir sur ce sujet qui depuis de longues années cristallise les offensives du lobby de l’industrie cinématographique américaine (le Motion Picture Association of America) qui voit dans les subventions accordées une espèce de concurrence déloyale. Cet antagonisme Etats-Unis / Europe a souvent agacé les Américains qui ont toujours su rompre devant cette forte opposition française.

Aujourd’hui une polémique s’installe au nom de cette sacro-sainte « exception culturelle » et le combat ne manque pas de combattants qui pensent qu’un nouveau débat vient de naître et qu’il devient urgent d’apporter une réponse sous la forme si possible d’un maintien des sources de financement diversifiées dans une redéfinition du paysage cinématographique européen.

Ce débat devient de moins en moins réaliste ; nous pensons même qu’il n’est plus d’actualité.

En effet un premier constat s’impose : Jean Marie Messier vient de réussir une brillante et rapide implantation aux Etats-Unis ; que l’on apprécie ou pas le personnage, il faut reconnaître que c’est un entrepreneur qui a su appliquer une stratégie industrielle efficace afin d’arriver au but qu’il s’était fixé : devenir une géant mondial de la communication.
J2M est un personnage qui a compris que l’information et la connaissance étaient peu de choses si l’on ne possédait pas le support pour les véhiculer. Il faut lui rendre justice.

Le second constat est que l’offensive de Vivendi sur le sol américain ne s’est pas heurtée à une farouche opposition de la part des autres concurrents.

Ces deux constats nous incitent à penser que le PDG de Vivendi Universal est un instrument dans les mains des Américains.
Ces derniers depuis cinq ans ont renoncé à attaquer de front divers sujets qui fâchent ; ils ont préféré adopter une démarche plus discrète et beaucoup plus efficace. C’est le soft power (pouvoir doux) décrit dans le concept de guerre psychologique du Département de la Défense Américain.
Jean Marie Messier ne se présente pas comme le défenseur de « l’exception culturelle française » ; aurait-il dans l’idée de rallier les américains à notre culture en s’appuyant sur la nationalité de son entreprise ? ce ne serait pas réaliste.

Le rachat récent de la société audiovisuelle USA Networks avec son PDG Barry Diller qui ne passe pourtant pas pour un homme sympathique rend plausible la manœuvre d’une stratégie cachée derrière tout ceci ; stratégie qui va exploiter les petites faiblesses de J6M (vite, loin et seul !) . Les Etats-Unis vont ainsi pouvoir distribuer à leur guise leur « culture…dominante » selon la logique suivante :
[…Pourquoi en effet se heurter à l’Europe quand nous avons sur place l’un de ses natifs qui trop admiratif de cet Eldorado va nous faciliter la tâche ? Le PDG d’Universal sera notre tête de pont…]

Jean Marie Messier dans un entretien avec Catherine Nay* déclarait « …[…] j’ai aussi envie que notre histoire française et européenne soit expliquée avec le recul historique et des références culturelles qui nous sont propres et que n’ont pas les Américains… ne gâchons pas nos atouts ! »

Nota : nous nous sommes trompés et n’avons pas compris que J2M va résister et utiliser au profit de l’Europe ses studios américains…là il serait très, très fort !!


* Figaro magazine du samedi 19 juin 1999