La compétition économique Europe - Etats-Unis s'intensifie

Un court résumé des différents conflits commerciaux entre Européens et Américains.Avec l'élection difficile de Georges W Bush à la présidence des Etats-Unis, l'Europe risque de voir les Etats-Unis beaucoup plus exigeants sur les subventions accordées par l'Europe aux différents secteurs de l'agroalimentaire, de l'énergie, ou encore du transport aérien.


En effet, de nombreux conflits grèvent les relations commerciales entre les Etats-Unis et l'Europe

Quels sont les points d'accroche ?

  • Marché du transport aérien.



  • Marché agroalimentaire (marché de la banane, bœuf aux hormones, OGM).



  • La pollution (gaz à effets de serre).

Autant de secteurs qui font l'objet de vifs conflits entre les deux continents et qui vont être ravivés très prochainement.
L'Europe, après avoir adoptée un nouveau régime qualifié par Franz Fischler, le commissaire européen à l'Agriculture, de " compatible avec les principes de l'OMC " pour l'importation de ses bananes, va réclamer la levée des sanctions commerciales américaines sur les produits européens (sanctions qui s'élèvent à environ 190 milliards d'euros).
Tout porterait à croire qu'après cela, plus aucun point d'accroche pourrait entraver les relations commerciales entre les deux continents, mais c'est sans compter sur les derniers évènements de l'année 2000 :




  • Crise de la vache folle.



  • Lancement de l'A380.



  • Sommet de La Haye.



  • Foreign Sales Corporation.



  • Sanctions commerciales tournantes.



  • Election du nouveau président Bush.

Ces évènements ont modifié les règles du jeu que connaissait jusqu'ici chaque partie.


La crise de la vache folle.

La récente panique, qui a eu lieu autour de la vache folle, a fortement sensibilisé les Européens sur leur sécurité alimentaire.
Cette crise a sensibilisé les consommateurs européens à être plus attentifs aux conflits qui opposent l'Europe et les Etats-unis au sujet des OGM et du bœuf aux hormones.

En effet, sur ces deux points, les deux continents s'affrontent, avec les américains qui souhaitent l'ouverture de l'Europe aux bœufs aux hormones ; et les européens qui appliquent le principe de précaution face à des aliments dont on n'a pu déterminer l'existence de risques sanitaires.

De plus, les américains et leurs alliés du groupe Cairns (Afrique du Sud, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Fidji, Indonésie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Philippines, Thaïlande, Uruguay), souhaitent la levée totale de l'embargo sur les céréales transgéniques.

Les Américains réclament également la levée des subventions européennes accordées aux agriculteurs européens. Cette aide s'élève à près de 50 milliards d'euros pour 7 millions d'agriculteurs européens. Les Etats-Unis accordent plus de 400 milliards d'euros d'aide à leurs 2 millions d'agriculteurs. Autant dire que la demande des américains semblent paradoxale par rapport à leur pratique.

Alors pourquoi vouloir une ouverture totale des frontières européennes ?

Les Etats-Unis et leurs alliés souhaitent cette ouverture pour qu'il y ait une libre circulation des produits agricoles. Cette libre circulation permettrait aux pays et aux entreprises les plus compétitifs de vendre partout dans le monde leurs produits agricoles.
Les pays tels que les Etats-Unis, le Canada, le Brésil, l'Australie sont de très gros producteurs agricoles voire des leaders sur le marché de l'agroalimentaire. Ils occuperaient donc des positions de choix sur le marché européen voire mondial.

Les pays européens défendent, de leur coté, le principe de précaution pour fermer les portes aux produits aux hormones et partiellement les OGM.

Derrière tout cela, se cachent en réalité les intérêts vitaux des nations européennes.

L'agriculture est une source d'indépendance pour un pays. Un pays qui se trouve en autosuffisance alimentaire dispose d'une totale indépendance vis-à-vis des autres. C'est un principe que tout le monde s'accorde à reconnaître et à rechercher.

L'ouverture des frontières contribuerait par le jeu de la concurrence à éliminer les pays de taille insuffisante qui ne pourront produire en masse. Pour éviter cela, les industries agroalimentaires européennes devraient produire en masse, ce qui suppose l'utilisation d'engrais chimiques, de produits transgéniques et autres hormones de croissance. L'avantage d'une utilisation de ces produits serait d'éviter, pour ces pays producteurs, la désertification des zones agricoles et de maintenir un degré d'indépendance.

Or l'Europe ne souhaite plus l'utilisation abusive de ces produits qui agissent sur la sécurité alimentaire et sur l'environnement. Les Européens préfèrent maintenir la spécificité des produits du terroir  pour chaque pays européens, qui a fait le succès des produits européens à l'étranger.

Cette spécificité, associée au souci de la sécurité alimentaire et de l'environnement, ne permet pas aux pays européens de se rassembler pour effectuer une production en masse de taille à concurrencer les grands pays producteurs favorables aux produits transgéniques.

Une politique d'ouverture des frontières et d'arrêt des subventions signifierait donc la désertification des zones rurales et la perte pour la France et d'autres pays européens du prestige de ses produits du terroir. Cette perte se traduirait par une hausse brutale du chômage et des coûts de réaménagement du territoire excessif.

C'est donc des modèles de société et des modèles d'agriculture qui s'opposent.

Le combat aérien.

La compétition dans le transport aérien fait rage entre européens et américains. Cette compétition existe aussi bien dans le transport de passager que dans le transport spatial.
Airbus a considérablement progressé ces dernières années, atteignant 3 500 appareils en 30 ans. En 1999, il dépasse pour la première fois son principal concurrent Boeing sur le nombre d'avions commandés.

Le nouveau groupe EADS qui est né de la fusion d'Aérospatiale Matra, de DaimlerChrysler Aerospace et de Construcciones Aeronauticas, s'apprête à lancer le nouveau cargo des airs l'A380 (anciennement nommé l'A3XX) en concurrence directe avec le fameux Boeing 747.

Le groupe européen vend 5 produits :

  •  Airbus (n° 2 mondial).



  • Transport Militaire (n° 1 avions militaires tactiques légers).



  • Espace (Arianespace n° 1 mondial).



  • Aéronautique (hélicoptères avions de combat, avions de transport régionales et les services).



  • Défense et systèmes civils (systèmes de missiles).

Deux produits attirent plus l'attention du fait des enjeux colossaux qu'ils représentent :




  • Airbus et l'Espace.



  • l'A380 ou A3XX

Dernièrement, pour répondre à l'accroissement du trafic passager, EADS a annoncé le lancement de la production de l'A380, le plus gros transporteur passagers du monde.
Cette nouvelle n'est pas sans déplaire à Boeing qui voit en ce lancement, l'arrivée d'un sérieux concurrent à son 747.
Tout comme pour le domaine de l'agriculture, les Américains dénoncent les pratiques européennes de subvention qu'ils considèrent irrespectueuses des règles de la libre concurrence.


Ariane

La réussite des lancements d'Ariane 5 (la remplaçante d'Ariane 4) relègue à la seconde place les navettes de la NASA.
EADS qui détient plus de 20% d'Arianespace, assure 50% de la fabrication industrielle des fusées et démontre ainsi au monde entier la qualité de son système de production.
Cette réussite a permis à Arianespace de remplir son carnet de commande avec 80% des lancements commerciaux mondiaux commandés en 1999.
Au delà de la réussite des lancements, la fusée Ariane symbolise la valeur du savoir-faire et de la technologie des Européens, désormais capables de rivaliser avec les américains sur les domaines les plus pointus.

Le sommet de la Haye.

La pollution atmosphérique est également un enjeu majeur pour le prochain millénaire. Au-delà du fait qu'il s'agit de l'avenir de l'humanité qui est mis en jeu, la réduction de gaz à effets de serre fait l'objet d'une rude négociation entre l'Europe et les Etats-Unis.

D'un coté, les Européens souhaitent que les accords de Kyoto en 97, qui prévoyaient une baisse de 5% des émissions de gaz, soient respectés par tous les pays signataires. De l'autre, les Américains, les Canadiens, les Japonais, les Australiens, et les Néo-zélandais souhaitent des compensations financières.

Pour les Européens, ces compensations financières permettraient aux pays pollueurs d'acheter des droits de pollution à d'autres pays plus vertueux, ce qui ne résout en rien le problème de l'environnement.

Pour les Américains et leurs alliés, réduire la pollution revient à réduire l'activité économique du pays, et au vue de la croissance démographique la production énergétique risque de croître fortement au grand plaisir de l'industrie énergétique (pétrole, gaz, charbon). Cette dernière verrait certainement d'un très mauvais œil la baisse de la consommation énergétique d'un pays.

La conférence de la Haye, en novembre dernier, s'était soldée par un désaccord. Chaque partie campant sur ses positions.
Avec le nouveau gouvernement Bush, les Européens espèrent pouvoir relancer le processus des négociations.

Les Foreign Sales Corporation (FSC).

Dernièrement, l'Union Européenne a demandé à l'Organisation Mondiale du Commerce de prononcer des sanctions à l'encontre des Etats-Unis pour protester contre le traitement fiscal accordé aux sociétés américaines exportatrices (FSC).

Selon Bruxelles, ce système permet aux entreprises américaines exportatrices de bénéficier de 4 à 6 milliards de dollars par an d'exonération fiscale. Les entreprises qui bénéficient essentiellement de cet avantage sont Boeing et Microsoft.

Comment ? Ces entreprises peuvent établir des sociétés fictives hébergées dans des paradis fiscaux par lesquelles passent les opérations d'exportation en partance des Etats-Unis. Un quart des exportations américaines passeraient par ce canal.

Selon le quotidien Le Monde, nombreuses sont les entreprises qui bénéficient  de ses avantages : Kodak, General Motors, Caterpillar, Chrysler, Union Carbide ou Boeing, Procter & Gamble, ExxonMobil, etc. Les exportations de céréales et de soja passent également par ce canal.
Selon le quotidien, " l'agriculture américaine est même le deuxième utilisateur de FSC ". Même les sociétés de logiciels informatiques utilisent désormais les FSC.

Face à cela, l'OMC a sommé les Etats-Unis de se mettre en conformité avec les règles du commerce internationale avant le 1 novembre. Dans le cas contraire des sanctions seraient mises en place.
Les sanctions peuvent s'élever à plus de 4,5 milliards d'euros par an. Cette affaire constituerait alors le plus gros litige entre les deux continents.
Le 3 novembre 2000, les entreprises américaines se sont déclarées furieuses à l'encontre de la chambre des représentants (en majorité républicaine) qui n'a pas voté la nouvelle loi limitant les crédits d'impôts sur les exportations, ouvrant ainsi la voie à des sanctions européennes.
Un lobbyiste américain considère cette décision comme " un véritable désastre ". Il n'arrive pas croire que les Etats-Unis se risquent à " une guerre commerciale " avec son partenaire le plus important à cause de cette guerre ouverte entre la maison blanche et la chambre des représentants.

Sanction Carrousel ou Rotation Law.

Cette sanction commerciale, imaginée par le conglomérat Chiquita et votée en mai 2000 par le congrès américain, repose sur un système tournant révisable tous les six mois. Elle a pour but de sanctionner l'Europe du fait du litige commerciale concernant le bœuf aux hormones américain et le régime d'importation de banane européen.

Ce " Rotation Law " élargirait la liste des produits européens exportés aux Etats-Unis, et déjà sanctionnés. Son originalité repose sur son système de rotation des produits sanctionnés, qui déstabiliserait totalement l'activité des entreprises exportatrices  face à l'imprévisibilité de la sanction. Cette dernière toucherait par exemple dans un premier temps le roquefort, puis le camembert, puis un autre produit, etc.
Cette décision unilatérale est notamment critiquée par Pascal Lamy, Commissaire européen au commerce extérieur, qui la conteste auprès de l'Organisation Mondiale du Commerce.

La victoire de Georges W Bush.

La victoire très controversée de Georges W Bush n'est pas pour arranger les relations entre les Etats-Unis et l'Europe.
Le nouveau président américain a tenu un discours de campagne qui risque d'amener le conflit commercial transatlantique à se durcir.
En effet, Georges W Bush souhaite " rétablir le leadership commercial américain ". Pour cela, il veut demander au congrès américain de voter le " Fast track ", procédure qui lui permettrait de négocier seul les accords commerciaux internationaux sur une période définie, et par conséquent d'accélérer le processus décisionnel. Cette procédure n'a d'ailleurs pas d'équivalent en Europe.

"Les pratiques étrangères, les lois et les subventions qui mettent les exportations américaines sur un pied d'inégalité " ne sont pas tolérés par l'équipe électorale du nouveau président. Cette dernière déclarait avant le résultat final vouloir " prendre des mesures contre tout partenaire évoquant de pseudo-arguments scientifiques pour bloquer les importations de produits américains génétiquement modifiés ".

Le 43ème président des Etats-Unis a d'ailleurs déclaré : " je ne tolèrerai plus aucune subvention déloyale à l'égard de l'industrie américaine. Les agriculteurs américains n'ont pas leurs pareils et ils doivent pouvoir prétendre à des conditions de concurrence saine ". Il s'est d'ailleurs engagé à " faire tout ce qui est en son pouvoir et à utiliser toutes les armes dont il dispose pour ouvrir les marchés agricoles internationaux " expliquant que c'est sur l'ouverture des frontières que repose la prospérité de l'agriculture américaine.

Juste après l'annonce du lancement de l'A380, l'actuel président américain Bill Clinton mettait en garde les Européens sur l'utilisation des subventions pour financer un tel projet qui violerait le traité d'union euro-américain de 1992 et la convention de 1994 de l'OMC.
Les déclarations de Georges W Bush sonnent donc le même son de cloche que la déclaration de Bill Clinton. On doit donc s'attendre à ce qu'une véritable guerre commerciale s'installe sous la présidence républicaine.

Cette montée des conflits commerciaux transatlantiques pourrait se réduire si des accords bilatéraux aboutissaient dans les prochains mois.

Le Conflit Culturel.

A travers ces conflits commerciaux, il est important de signaler qu'ils se basent pour la plupart sur un conflit culturel.
Les Etats-Unis n'acceptent pas que l'on puisse refuser un produit pour raison de sécurité sanitaire sans avoir apporter la preuve scientifique qu'il était dangereux.
C'est d'ailleurs pour cette raison, qu'une loi fut votée sous la pression des lobbies agricoles, limitant la liberté d'expression des journalistes. Ces derniers ne peuvent plus s'exprimer sur la qualité d'un produit sans l'appuie d'une analyse scientifique. De ce fait, les seules informations auxquelles peuvent se référer les journalistes  sont celles des laboratoires d'analyses habilités par le gouvernement ou par les entreprises agricoles.

A contrario, l'Europe met en avant le principe de précaution pour éloigner les organismes génétiquement modifiés et le bœuf aux hormones, voire pour interdire certains produits pharmaceutiques tels que la DHEA (hormone anti-vieillissement interdite en France).

Autant dire que le conflit américano-européen risque de perdurer encore de longues années avant qu'un accord durable de paix global ne soit trouvé.