Article écrit par Lionel SINQUIN (www.c4ifr.com) pour Veille magazine du mois d'Avril 2000.
Appels aux bénévoles, sites créés à l'occasion du naufrage de l'Erika, forums, courriers électroniques, photos trafiquées pour le boycott de Totalfina, & Internet est utilisé très largement dans la mobilisation de la société civile contre la marée noire.
Totalfina, après la Birmanie, se trouve confrontée à une campagne d'info-déstabilisation. Ne tenant pas compte des enseignements du passé, elle continue à communiquer de façon traditionnelle montrant ainsi ses limites et ses handicaps face à des acteurs de plus en plus réactifs et créatifs.
L'utilisation offensive de l'information nous démontre une fois de plus son efficacité dans la gestion des rapports de force.
A - Internet, vecteur principal de la campagne de déstabilisation.
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Dans les jours suivants la catastrophe, de nombreux sites ont fait leur apparition. Amplifié par le souvenir de l'Amoco Cadiz et par la révolte des victimes, ce phénomène a rapidement devancé les médias traditionnels - presse écrite et audiovisuelle. L'impact est d'autant plus important que la réaction de Totalfina dans ce domaine est inexistante.
Dans leur grande majorité, il s'agit de sites créés par des bénévoles et particuliers soutenus par des collectivités locales. Dans cette nébuleuse, notons les plus originaux par leur architecture et leur pertinence : mareenoire.com ; mareenoire.org ; radiophare.net ; erika2000.fr.st.
Les auteurs de ces différents sites orientent dans un premier temps les bonnes volontés vers les mairies et les centres de gestion des volontaires.
En outre, les dernières évolutions de la marée noire, les réflexions des bénévoles mais aussi des professionnels et des particuliers, des billets d'humeur et des forums sont visibles sur ces différents sites.
La multitude des sites met en avant l'utilité pratique et citoyenne de Internet en cas de crise mais montre aussi les limites de la société Totalfina à réagir en temps réel et efficacement.
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De nombreux e-mail ont circulé et continuent de circuler sur le net et plus particulièrement sur les forums de discussions.
Quelle que soit la véracité de l'e-mail et l'initiateur de cette manipulation, cela démontre que l'info-déstabilisation ne repose pas uniquement sur de l'information vérifiable. En effet, une information vraisemblable peut être beaucoup plus destructrice car invérifiable.
En effet, la publication de ces affiches prouve une fois de plus que Internet est un vecteur extraordinaire dans la diffusion de l'information.
Les principaux axes d'attaque de l'info-déstabilisation
- Les conséquences sur l'environnement et sur les régions touchées par la catastrophe ;
- Pollueur/ payeur ;
- Le manque d'information de la part de la société Totalfina ;
- Les conséquences médicales sur les bénévoles - cancers, ... ;
- Lien entre la marée noire et la Birmanie ;
- Le manque de réactivité de Totalfina ;
- Les insuffisances de l'Etat dans sa réactivité.
B - Les dysfonctionnements de la communication de TotalFina.
Lors de l'affaire Total en Birmanie, un réseau d'information avait vu le jour sur Internet - Burma.Net -. On y trouvait une quantité importante d'informations erronées ou manipulées quant à l'activité de Totalfina en Birmanie. Une très large diffusion de ces documents avait été faite dans le milieu des ONG afin de multiplier les leviers d'action contre Totalfina. De nombreux forums publics, fortement médiatisés, étaient organisés afin de dénoncer publiquement l'action des sociétés pétrolières et plus particulièrement celle de Totalfina.
Aujourd'hui, les dirigeants de Totalfina sont confrontés aux mêmes méthodes. La culture du passé semble inexistante chez Totalfina.
L'affaire Erika démontre une fois de plus les incapacités d'un grand groupe industriel à utiliser l'information de manière stratégique et notamment à faire face aux actions subversives de certains acteurs de la société civile.
Le site Internet de Totalfina est révélateur de cette situation : il dessert plus ses intérêts qu'autre chose.
N'y a t-il pas un décalage entre l'image que veut se donner Totalfina et la réalité, n'est ce pas un affront pour les victimes de cette catastrophe ?
Dans le dossier consacré à la marée noire du journal Ouest-France, le 29 décembre 1999, nous pouvons lire les choses suivantes :
Le dernier numéro de météo.fr raconte comment s'est déroulé le dernier exercice de lutte anti-pollution organisé par Totalfina au large de Cherbourg, en octobre dernier:
On est rassuré.
On comprend mieux pourquoi Totalfina joue profil bas dans sa manière de communiquer.
Les dirigeants de Totalfina, par leur culture d'entreprise inadaptée aux nouveaux défis des NTIC, sous estiment le rôle croissant de la société civile dans la gestion courante des affaires.
En effet, Totalfina s'appuie sur des techniques de communication traditionnelle et n'utilise pas l'information de manière intelligente.
Sans doute est-il préférable de dépenser des dizaines de millions de francs en communication pour une OPA.
Pourquoi Totalfina n'a t-elle pas créé un site de communauté regroupant toutes les informations sur la marée noire nécessaires au public ?
- Pourquoi Totalfina n'a t-elle pas mis en ligne un forum afin de permettre à tout le monde de s'exprimer sur la catastrophe ?
Internet n'est pas seulement une vitrine de sociétés commerciales à la recherche de notoriété, c'est aussi un moyen formidable pour diffuser l'information et rassembler des communautés.
La toile constitue, pour la défense des intérêts dispersés et peu soutenus par les forces économiques et politiques dominantes, un outil aujourd'hui indispensable.
Par conséquent, Internet devient un vecteur inévitable dans la gestion de crise et peut être à l'origine d'une info-déstabilisation efficace si l'information qui y circule est utilisée de manière offensive.
Quelques sites liés au naufrage du pétrolier Erika, et Agit-Prop autour de TotalFina
http://www.fedel.ras.eu.org/erika.html
http://www.chez.com/ecolo/
http://www.radiophare.net/erika/
http://www.multimania.com/erikoil/
http://www.mareenoire.org
http://www.mareenoire.com
http://www.admiroutes.asso.fr/action/erika/index.htm
http://www.erika2000.fr.st