La guerre de l'information chez les Britanniques

Description de la position britannique sur la guerre de l'information.

La position anglaise sur la guerre de l'information

Captain Patrick Tyrell, Royal Navy,
Assistant Director, Information Warfare Policy,
Ministry of Defense, Bruxelles, 23 et 24 mai 1996.

La doctrine anglaise d'Information Warfare n'est pas encore fixée. La réflexion est en cours. Il faudra encore 18 mois à 2 ans pour obtenir des conclusions. Celles-ci s'appuyant sur les éléments ci-dessous :

1. En 1991, le syndrome de « l'information technologique » (IT) a gagné les esprits et en particulier celui du Premier Ministre d'alors, Mme Thatcher, persuadée que FIT allait changer profondément le cadre de vie et de travail. En 1996, il faut constater un progrès incessant dans le développement des technologies, l'accroissement de la miniaturisation des matériels, celui des capacités des Banques de Données ainsi que des applications révolutionnaires.

2. Dans toutes les armées, les militaires se sont adaptés à la révolution de l'information, ce qui a entraîné un développement du sujet de la guerre de l'information ; aux Etats-Unis, en particulier, les technologies nouvelles ont été au cceur de la « révolution dans les affaires militaires », en cohérence avec la conviction qu'elles marqueraient les prochains conflits dans les domaines de la cyberwar et de l'Information Warfare. Cela étant, il ne faut pas oublier que les organisations militaires sont d'autant plus vulnérables à la guerre de l'information, qu'elles dépendent de celle-ci. Des armées rustiques peuvent conserver un grave potentiel de nuisance.

3. Les évolutions en cours indiquent la permanence de l'importance du renseignement et de l'intoxication tandis que les nouvelles technologies permettent, comme jamais, d'entrer dans les systèmes adverses pour influer sur les boucles de décision de ces derniers.

4. On assiste en même temps à une profonde dilution des combattants sur le terrain : on est passéfune densité de 20 000 hommes au Km' à Marathon, à 0,2 pendant la guerre du Golfe. Ceci entraîne une mobilité accrue et de meilleures communications ; la notion nouvelle de « champ de bataille éclaté » (disengac:,,ed batllefield) exige un contrôle accru de l'information. La disparition des distances a des conséquences sur le commandement militaire puisque les politiciens - et éventuellement les médias - ont maintenant une bonne visibilité des opérations à partir de bases éloignées.

5. La dépendance des systèmes d'information ne touche pas que les militaires. Tous les secteurs sont touchés : la logistique (systèmes CALS et EDI), la gestion des ressources humaines, les réseaux civils de télécommunication et d'infrastructure. Pour la première fois dans l'histoire, de la guerre, ce sont les besoins commerciaux plutôt que militaires qui prévalent ; mais les avantages sont considérables pour les militaires.

6, Les changements sont tels en matière de « révolution de l'information » que bien peu peuvent prédire ce que seront les technologies de l'information dans 20 ou 30 ans. Cela étant, elles ne sont que des outils et il ne faut pas oublier qu'en tout état de cause, en bout de chaîne il y aura toujours, quel soit le niveau (compagnie, bataillon, théâtre ou niveau stratégique) un chef militaire qui a besoin de l'information pour asseoir sa décision. Autrefois il en avait trop peu ; aujourd'hui, il peut en avoir trop.

7. Le concept même de « guerre de l'information » doit être précisé à la lumière de la révolution du même nom. Cette guerre nouvelle découle de la possibilité d'attaquer l'infrastructure d'information commerciale, économique et sociale d'une nation, lui causant de sévères dommages sans, pour autant, mener simultanément une campagne militaire. De surcroît, l'identité de l'agresseur peut ne pas être connue. On peut donc proposer la définition suivante : « La guerre de l'information est l'attaque délibérée, illégale et systématique d'activités nationales d'information afin de :





  • soit exploiter l'information contenue dans la cible ;

  • soit en interdire l'accès au personnel autorise ;

  • soit modifier ou polluer les données de la cible.


8. On peut aussi élaborer la matrice suivante, en partant des travaux du Dr John ALGER de la National Defense University.

9. Il faut aussi clarifier les notions d'offensive et de défensive en guerre de l'information. Si l'on superpose le schéma paix-crise-guerre et les schémas « défensive » puis « offensive », on trouve que la guerre de l'information englobe assurément :





  • La protection des objectifs prioritairement vulnérables que sont les systèmes d'information essentiels qu'ils soient nationaux ou alliés ; entre autres, les systèmes militaires de commandement et de logistique, les systèmes civils financiers, les noeuds de transport et de l'infrastructure gouvernementale.



  • La destruction des systèmes ennemis de commandement et de contrôle (C2W) ainsi que des objectifs d'infrastructure de l'information (12W). Ceci implique que toute action offensive de ce type sera subordonnée à l'autorisation gouvernementale, compte tenu des conséquences en cas de riposte ennemie.


10. Enfin, il est indispensable d'élargir le débat afin de mieux préciser les besoins pour maintenir l'intégrité de l'information et en particulier celle des systèmes non militaires les plus importants énumérés plus haut. Il faut aussi réfléchir aux attaques venues de l'intérieur des systèmes (personnel aigri ou subverti). Ceci d'autant plus que l'environnement continuera à évoluer d'ici vingt ans vers plus de connectivité générale et un usage universel des ordinateurs , avec pour conséquence le conditionnement du réel par le virtuel. Paradoxalement, ceci impose le maintien de systèmes manuels pour pallier à l'effondrement des systèmes généraux. La guerre de l'information aura donc des conséquences d'autant plus monstrueuses sur le monde réel que celui-ci se sera davantage informatisé. De ce fait, la raison d'être de l'Etat-Nation peut être mise en question et le besoin de défenses efficaces contre des attaques par l'information sera très important. Et nous ne sommes qu'au tout début de l'histoire...


Compléments à la position anglaise :

1. L'information est un élément stratégique.

2. Nous sommes simultanément dans les deux derniers âges de Toffler (industriel et informationnel).

3. Les systèmes d'information sont réellement vulnérables : transport, banques, communication, etc.

4. Il est nécessaire de construire une Minimum Essential Information Infrastructure (NOEII) visant à garantir un fonctionnement minimum du système national d'information en cas d'effondrement général. [La Grande-Bretagne reprend ici l'idée émise par la Rand Corporation].

5. La guerre de l'information est, pour l'instant, modelée par la Défense, elle est imprégnée de doctrine militaire.

6 Mais, les militaires ne garderont pas longtemps le leadership dans les avancées technologiques. Le secteur militaire est de plus en plus dépendant des systèmes civils commerciaux. [Même constat qu'aux Etats-Unis].

7. L'information est différemment considérée en fonction de la position des individus dans le système - industriel, politique, militaire, etc.

8. L'offensive a une véritable place dans la guerre de l'information.

9. L'Offensive Information Warfare n'est pas seulement la Command and Control Warfare car elle implique l'agression de l'infrastructure informationnelle ennemie : destruction de transports, logistique, capacité de se battre, etc.

10. Il faut avoir une politique de risk management vis-à-vis de la qualité de l'information. Car il n'existe pas de véritables systèmes de valorisation de l'information (prendre la mesure de).

11. IL'art de la guerre n'a pas changé : il s'agit de connaître les forces de l'ennemi et ses propres forces.

12. La guerre de l'information n'est donc pas nouvelle dans ses techniques de base.

« Nous examinons la façon dont nous pouvons maintenir un niveau de connectivité et d'intra-opérabilité dans une situation hostile. Notre politique est que ce sujet doit être développé en consultation avec chacun des services du Ministère, avec les industries et de façon transparente avec nos alliés. Elle doit également prendre en compte les concepts militaires proches qui ont été développés depuis de nombreuses années. Le Ministère de la Défense britannique est ait fait des travaux menés aux Etats-Unis et a été activement mêlé à plusieurs études et exercices, profitant du développement de la doctrine américaine. Le principal résultat de ces études et expérimentations est de montrer combien les systèmes d'information complexes et inter-dépendants se sont développés et combien notre société moderne dépend d'eux »

Ministère de la Défense Britannique