Comment cerner l’évidence de la guerre économique

Les ouvrages sur la guerre économique existent enfin. Olivier de Maison Rouge et Nicolas Moinet vont bientôt faire paraître la suite de leurs écrits chez VA Editions.  Ils poursuivent la démarche entamée par l’Ecole de Pensée sur la Guerre Economique qui contribue à sortir du non-dit et de l’omission. Nous reviendrons bientôt sur le contenu de ces ouvrages. La période que nous allons vivre nous incite à redoubler d’efforts pour formaliser les grilles de lecture qui ont si longtemps fait défaut à nos centres de décision politiques et économiques.

Pour élaborer ces grilles de lecture, il faut revenir sur des écrits fondamentaux. S’il fallait citer un ouvrage, je commencerai par celui de Matthieu Auzanneau (1), sans omettre une des premières tentatives traitant du pétrole, celle d’Anton Zischka.

La lecture de cet ouvrage de 881 pages est essentielle. L’auteur retrace avec une foule de précisions la manière dont le pétrole est devenu l’élément-clé de la construction de la puissance britannique à la fin du XIXè siècle. Il analyse ensuite les mécanismes dont s’est construit l’empire Rockefeller dans la restructuration de la jeune économie des Etats-Unis au début du XXè siècle puis dans la mutation de la politique étrangère américaine jusqu’à la période actuelle. Cet ouvrage est d’autant plus intéressant parce qu’il nous donne les clés pour comprendre les différents niveaux de rapports de force générés par les multiples enjeux de l’industrie pétrolière :

  • Rivalités entre puissances puis entente entre puissances anglo-saxonnes, alliances paradoxales entre monde occidental et monde arabo-persique, construction d’Etats artificiels comme l’Irak, politique de déconstruction d’entités nationales au Moyen Orient.
  • Relations chaotiques entre les pouvoirs privés des clans pétroliers américains, divergences temporaires sur les objectifs pour contrôler l’accès au pétrole, contradictions dans la manière de positionner la prise de décision politique par rapport aux visées spécifiques des intérêts privés.
  • Violence des procédures de domination pour s’assurer la taille critique sur un le marché intérieur américain et émergence d’un processus de « vassalité » à l’intérieur de l’économie de marché.
  • Remise en cause de la pertinence des discours sur la libre concurrence ainsi que sur les soi-disantes remises en cause des monopoles du type Standard Oil.
  • Symbiose organisationnelle par le biais de l’Arabian American Oil Company, entre la vision marchande et la définition de la géopolitique à travers l’alliance entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite.

L’Ecole de Guerre Economique va approfondir ces différentes pistes de réflexion dans le but de formaliser des grilles de lecture adaptées à chaque période afin de mieux cerner les mutations des enjeux et l’évolution de la nature des rapports de force.

 

Christian Harbulot

 

Notes

1- Matthieu Auzanneau, Or noir, la grande histoire du pétrole, Paris, La découverte/P, 2016.

2- Anton Zischka, La guerre secrète pour le pétrole, Paris, Payot, 1934.

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