L’EGE dans les Grands Dossiers de Diplomatie n°27 sur le thème de l'influence de la France
« L’influence de la France, vocation mondiale, ambition européenne : un paradoxe? » : Analyse de Charles de Marcilly, responsable du bureau de Bruxelles de la Fondation Robert Schuman et professeur à l’Ecole de Guerre Economique, dans les Grands Dossiers de Diplomatie n°27 consacrés à la géopolitique et à la géostratégie de la France.
Quand, le 11 septembre 2014, le Premier ministre français s’insurge, sur le perron de l’hôtel Matignon, contre le « french bashing » insupportable, il fait valoir le rôle diplomatique et militaire ainsi que le rang de cinquième économie mondiale de l’Hexagone. Cette déclaration, qui précédait de quelques jours un discours de politique générale et l’annonce des dérapages budgétaires, illustre à nos yeux l’ambiguïté qui existe entre une situation d’influence historique élevée, mais qui s’effrite au cours de la dernière décennie sur la sphère européenne.
« C’est surtout le poids diplomatique et militaire qui maintient l’influence de la France à son plus haut niveau. »
A Bruxelles, on a pu observer un recul certain dans l’obtention des postes d’influence lors du changement institutionnel de 2014. Les facteurs explicatifs sont d’ordre économique, politique, ou structurel, mais ils découlent également ‘un manque de récit européen.
Les relations extérieures comme vecteur d’influence
Le plus souvent membre fondateur, la France siège dans les principales organisations et instances de décisions mondiales, telles que l’ONU avec son statut de membre permanent du Conseil de Sécurité, ou encore le G8 qui fut créé sur initiative française à la suite du choc pétrolier de 1975.
Ce poids politique se vérifie au travers de l présence des ressortissants français à la tête des diverses institutions internationales. Ainsi, la nomination de Christine Lagarde à la direction générale du Fonds monétaire international en 2011, dans un contexte tourmenté et défavorable à l’image française, atteste particulièrement de ce caractère historique et prégnant. L’influence française à l’international s’exprime bien entendu également par ses entreprises ou par sa culture, dont l’un des principaux vecteurs est la langue.
L francophonie a un impact évident - le français représentera le quatrième espace géopolitique par sa population en 2050, selon le ministère des Affaires étrangères.
Toutefois, c’est surtout le poids diplomatique et militaire qui maintient l’influence de la France à son plus haut niveau. La France dispose d’une des premières armées mondiales et peut projeter ses forces sur les théâtres d’opérations extérieurs dans un délais relativement court. Le soutient des gouvernements successifs - quelle que soit leur couleur politique - assure une continuité dans ce domaine. Ainsi, depuis mai 2007, au moins huit opérations ont été menées. En avril 2015, plus de 7000 hommes étaient mobilisés à l’extérieur. Cet aspect n’a pas échappé à Jean-Claude Juncker, qui relevait sur Europe 1 le 19 mars 2015 : « l’armée française (…) très souvent sauve l’honneur de l’Europe. On l’a vu au Mali, on le voit un peu partout. Donc sans l’armée française, l’Europe serait sans défense. »
Plus récemment, afin de mutualité les ressources et d’accroitre son poids diplomatique, la France a tenté d’encourager une diplomatie européenne. Avec le premier contingent d’experts nationaux détachés auprès du Service européen pour l’action extérieure, la France promeut l’élaboration d’une politique extérieure commune. Cela s’est illustré de nouveau par deux actions fortes depuis le début de l’année 2015 : d’une part, lors de la tentative de conciliation pour résoudre la crise ukrainienne, durant laquelle la France a servi de médiateur, avec l’Allemagne, le 12 février 2015, et qui a abouti à la signature des accords de Minsk 2; et d’autre part, lors de la négociation sur le dossier du nucléaire iranien pour lequel la France est membre du groupe « P5+1 » accompagné de Federica Mogherini, la Haute représentante.