L’EGE comme école de pensée de l’IE dans «S’engager par la plume» publié par l’ANAJ-IHEDN
L’Association nationale des auditeurs jeunes de l'IHEDN (ANAJ-IHEDN) publie « S’engager par la plume : la parole à la jeunesse », une sélection de travaux rédigés au cours de l’année 2016 par les membres de l’association et qui vise à partager les analyses et les réflexions des auditeurs jeunes, au-delà du cercle des initiés aux questions de défense et de sécurité nationale.
Pour les auteurs du chapitre «Le nouveau paradigme de la puissance», il y a en France deux écoles de pensée de l’intelligence économique qui s'opposent. Elles reposent chacune sur une grille de lecture spécifique des rapports de force économiques internationaux.
Cette première façon de comprendre l’Intelligence économique part du postulat que les échanges commerciaux sont une guerre, dans laquelle chaque État tente d’accroître sa puissance vis-à-vis de ses concurrents. Défendue par le Syndicat français de l’Intelligence économique (Synfie), cette approche a été notamment théorisée par Christian Harbulot, directeur de l’École de guerre économique et auteur du Manuel de l’Intelligence économique. Elle donne à l’État un rôle fondamental dans la conduite de cette guerre, dans la mesure où la recherche de la compétitivité des entreprises participe à l’objectif géostratégique de puissance nationale. L’État ne se limite donc pas à un rôle d’accompagnement des entreprises ou de protection du patrimoine informationnel de celles-ci (contre les cyberattaques notamment), mais est amené à développer des stratégies offensives d’Intelligence économique en matière d’influence et de conquête de marchés. L’émergence du concept – euphémique – de "diplomatie économique" est à cet égard symptomatique du renforcement du rôle des États dans la conduite de la "guerre économique", dans laquelle la France et l’Union européenne sont souvent accusées d’angélisme voire de naïveté.
Récusant le concept de "guerre économique", cette deuxième approche fait référence à des rapports de force économiques tantôt conflictuels, tantôt coopératifs. Comme l’indique ce mot-valise, les relations entre entreprises (et entre États) se caractérisent alternativement par la coopération et la compétition. Cette grille de lecture accorde une importance moindre au rôle de l’État dans les rapports de force, car elle déconnecte la question de la compétitivité des entreprises de celle de la recherche de puissance nationale.
En ce sens, l’État se concentre sur sa fonction régalienne de protection des intérêts économiques et sur son rôle d’accompagnateur par la promotion des outils de l’Intelligence économique auprès des entreprises. Jean-Baptiste Carpentier s’inscrit plutôt dans cette approche, et a même déclaré se reconnaître pleinement dans la notion de "coopétition" lors du colloque organisé par le Synfie le 16 mars 2016 sur le thème "Les nouvelles menaces pesant sur les fleurons industriels français". M. Carpentier a expliqué à cette occasion son rejet d’une vision "guerrière" de l’économie, assumant une nette divergence de vues avec le syndicat des professionnels de l’Intelligence économique.
Cette divergence serait anecdotique si elle se cantonnait à un débat théorique sur les rapports de force économiques et stratégiques. Mais les enjeux sont bien plus cruciaux : ils interrogent le rôle de l’État en tant qu’acteur de l’économie, ainsi que le périmètre et les moyens d’action de l’entité chargée de piloter la politique nationale d’Intelligence économique. Le décret portant création du Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques se garde bien de trancher explicitement entre les deux visions, mais semble privilégier des missions étatiques d’accompagnement aux entreprises davantage que de piloter des politiques publiques d’Intelligence économique.
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