Visuel entretien Alice Casanove

Entretien avec Alice de Casanove, directrice de la culture d’innovation chez Airbus et enseignante du MBA N2IE

Un grand merci à Alice de Casanove, directrice de la culture d’innovation chez Airbus, enseignante au sein du nouveau MBA Executif "Normalisation, Innovation et Intelligence Economique" (N2IE), d'avoir accepté de répondre à nos questions.

En quoi consiste la direction de la culture d’innovation chez Airbus ?

Lorsque l’on est dans un grand groupe comme Airbus (135000 employés à travers le monde), il y a un risque que les collaborateurs administrent le business au lieu de vivre une aventure entrepreneuriale. Ma mission est de mettre en place le système, les structures, les compétences pour mobiliser l’ensemble des collaborateurs afin de poursuivre l’esprit pionnier d’Airbus.

A votre avis, quels sont les enjeux de la transformation digitale pour l’innovation pour Airbus comme pour les PME françaises et européennes à terme ?

Par digitalisation, on cherche l’optimisation des procédés (du design à la production), et passage à l’échelle plus rapide…Le faible coût de la mise en œuvre des outils numériques a rendu la digitalisation incontournable pour les entreprises dans leur quête de compétitivité.

La digitalisation implique aussi un changement culturel de l’organisation aussi bien lors la définition de la feuille de route (qui implique la remise en cause de certains procédés), que lors de la mise en œuvre (qui nécessite de actions de conduite du changement). Pour les managers c’est un changement de paradigme et de mission. Avant le manager était celui qui avait l’information et donc le pouvoir: Il pouvait donc répartir/déléguer les tâches au sein de l’équipe. Dorénavant tout le monde a l’information et le manager est celui qui adopte une position de coach pour s’assurer que l’équipe a les ressources et les compétences pour mener à bien la mission.

L’enjeu pour nos entreprises européennes est d’investir dans les outils, de comprendre la valeur des données et de gérer le changement de culture que crée la digitalisation. Pour les dirigeants d’une entreprise, une digitalisation permet d’avoir une vue à jour et précise des activités de l’ensemble de l’organisation (comme dans une boule de cristal !) ainsi les décisions sont prises à partir de données tangibles et non d’une intuition.

Le revers de la médaille est la fragilité de l’outil informatique qui est en proie aux attaques cyber et autres fuites de données. C’est un enjeu fort pour l’Europe et la France.

Vous êtes Présidente du Comité technique ISO sur le management de l’innovation. N’est-ce pas contraire à l’innovation que de vouloir « l’enfermer » dans un système normatif ?

Il est vrai que c’est un risque que celui de s’enfermer dans les normes sur le management de l’innovation. En les implémentant tel un guide Mais ce serait un mésusage des normes. Elles ne cherchent pas à enfermer mais à créer un vocabulaire commun et établir des ponts entre les organisations engagées dans l’innovation. On cherche l’émulation et la compréhension mutuelle !

Vous présidez le Comité Technique ISO 56000 depuis plusieurs années. Comment la France a-t-elle réussi à gagner cette présidence stratégique ?

Grâce au soutien du ministère de la recherche, la commission française CN Innov de L’AFNOR a pu voir le jour en 2009 lorsque les travaux ont commencé au niveau européen sous l’impulsion espagnole. Lors de la publication des normes européennes en 2013, il a semblé évidemment pour les membres de la commission française CN Innov de porter ces travaux au niveau ISO. Il y a eu beaucoup de réunions de réflexion pour définir la position de la France ainsi que les ressources mises en œuvre. La France a été le premier membre de l’ISO à proposer un comité technique avec un business plan démontrant l’intérêt du sujet pour être normalisé. Ainsi l’ISO a accepté la création du comité technique et a attribué le secrétariat et la présidence à la France.

Au-delà des aspects techniques, diriez-vous que le lobbying joue un grand rôle dans votre présidence ? Selon vous, la France est-elle suffisamment préparée à cette dimension de la normalisation ?

Maintenant que ma présidence se termine, je peux aisément partager que le lobbying représente la majeure partie de mon activité de présidence. Cela se traduit par donner un certain tempo aux travaux, inspirer les experts, et surtout créer une bonne dynamique et ambiance de travail.

Vous avez accepté de participer au Executive MBA N2IE de l’EGE. Sur quel(s) point(s) envisagez-vous de centrer votre intervention ?

Je remercie l’EGE pour leur confiance et je suis très heureuse de partager mon expérience avec les étudiants de l’Executive MBA N2IE. Mon intervention portera sur le management de l’innovation (ses enjeux pour l’organisation, le système de management de l’innovation et son implémentation à partir de la série de normes ISO 56000) je partagerai aussi mon expérience de présidente d’un comité ISO ainsi que ce que j’ai pu constater en termes de leadership de groupes de travail ou de stratégies d’influence.

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Alice de Casanove, est ingénieur Telecom Paris de formation et auteur d'une thèse à l’université de Lorraine sur l’open innovation.  Alice a créé et préside depuis 2013 le comité ISO pour les normes sur le management de l’innovation ISO 56000 series. Elle est directrice de la culture et de l’intrapreneuriat chez Airbus North America basée actuellement à Washington DC.