Compte-rendu de la conférence «Intelligence économique et stratégie de puissance» à Bruxelles
Conférence animée par Eddy Caekelberghs, journaliste à la RTBF en présence de Christian Harbulot, directeur de l’École de Guerre Économique (EGE), pionnier de l’intelligence économique en France et de Stéphane Mortier, expert en intelligence économique, chef-adjoint de la section intelligence économique à la direction générale de la gendarmerie nationale, ancien EGE.
Conférence organisée par l'UAE, l'UAE-France et Solvay Schools Alumni, à Bruxelles le 23 octobre 2015.
Jonathan Biermann, président de l'Union des Anciens Étudiants de l'Université libre de Bruxelles, a rappelé l'importance de l'intelligence économique dans l'environnement concurrentiel auquel sont confrontées les entreprises. Un sujet qui se doit d'être abordé et qui trouve une place totalement pertinente dans une activité rassemblant des Alumni de l'Université libre de Bruxelles.
La conférence s’est ouverte sur une clarification conceptuelle de l’intelligence économique et une définition de son champ d’action. Cette introduction a également été l’occasion de préciser l’objectif de formation à l’École de Guerre Économique afin d’éloigner les clichés d’une formation « d’espions économiques ». Dans un souci de compréhension, Christian Harbulot prend l’exemple du « scandale Volkswagen » afin d’illustrer le concept de guerre économique. Stéphane Mortier enchaîne sur ce thème en expliquant que l’on commence à prendre conscience qu’il est important de décrypter les stratégies des différents acteurs et qu’il faut sensibiliser le personnel des entreprises aux atteintes, légales ou illégales, qui peuvent venir entacher le bon fonctionnement des entreprises, voir leur mort. Pour celui-ci, l’intelligence économique est la gestion et le traitement de l’information sensible et stratégique utile à l'entreprise, dans un but d'accroissement de compétitivité et surtout pour anticiper les changements de l'environnement avant les autres acteurs. Il en est de même pour les États dans un but d'accroissement de puissance, ou des laboratoire de recherche dans un but d'accroissement de la qualité des recherches.
Les intervenants ont tenu à rappeler que la société de l’information a fondamentalement modifié la logique des rapports de force actuels et que certains acteurs, comme les agences de renseignement classiques, se voient dépassées par le changement de paradigme. Dans ce nouveau paradigme, les menaces sont multiples et Stéphane Mortier nous rappelle qu’il y a aujourd’hui plusieurs types de cybercriminalité dont les instigateurs peuvent être soit des puissances étatiques étrangères soit des groupes organisés de type mafieux notamment soit encore des électrons libres (hackers, hacktivistes,...). De même, Christian Harbulot explique que les acteurs ont changé et que derrière des objectifs à première vue clairs, se cache une complexité beaucoup plus importante qu’il n’y paraît. A ce titre, les lanceurs d’alerte sont, pour lui, des acteurs qui peuvent être sincères mais aussi être manipulés et manipulateurs. L'information est alors une arme, comme elle peut également être une vulnérabilité. On recense des attaques par, pour ou contre l'information.
Les intervenants se sont également prononcés sur la sécurité des acteurs qui ne leur semble pas encore suffisante notamment en France. Stéphane Mortier explique que les universités ne sont pas assez protégées et en particulier leurs laboratoires de recherche dans la mesure où l’accès à leurs données est rarement bien sécurisé . Par ailleurs, il rappelle que les attaques d’entreprise sont très nombreuses et précise qu’en France, 80% des attaques d’intelligence économique d’entreprises viennent d’entreprises françaises. Les menaces ne viennent pas uniquement de l'étranger
Enfin, le thème de l’Europe est abordé par Christian Harbulot pour rappeler que si l’Europe ne créé pas son propre système, cela sera pour elle une défaite stratégique historique. Il considère que le combat actuel essentiel de l’Europe est de retrouver son autonomie de pensée. Par ailleurs, il insiste sur la responsabilité du monde académique européen de se soustraire du lien de dépendance avec les États-Unis. Tout cela est pour lui une condition nécessaire à l’émergence d’une intelligence économique européenne, qui ne sera pas possible sans que l’Europe ne se réinvente de l’intérieur.
Les échanges avec la salle ont été très riches. Les intervenants ont tenté de répondre aux questionnement des uns et des autres sur des sujets tels le big data, le profil des experts en intelligence économique, le cas l'économie grecque ou encore le rôle controversé des Instituts Confucius dans les universités européennes.
Conférence tweetée en direct par Laura Crocq, étudiante à l’EGE.
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