Affrontements économiques et stratégies entre grandes puissances, l'EGE dans le SECEM Mag
Le dernier numéro du Magazine sur la Sécurité Economique et la Compétitivité des Entreprises en Méditerranée (SECEM Magazine N°7 janvier - mars 2016) consacre un Dossier Spécial à l’Intelligence économique sous le titre « L’intérêt de mettre en place une stratégie d’Intelligence Economique en entreprise ».
Club Belgique de l’AEGE et responsable Intelligence économique au sein de la SOGEPA.
Vous pouvez retrouver l’intégralité de l’interview de Christian Harbulot ci-dessous :
Expert international en Intelligence Economique, quel est le poids de la géopolitique au sein d’une stratégie d’Intelligence Economique à l’échelle d’un pays ?
L’importation du gaz russe en Europe de l’Ouest en est une bonne illustration. Lors des tensions entre l’Ukraine et la Russie, certains pays européens ont eu des problèmes d’approvisionnement. Dans ce dossier sensible, le recueil des informations pour suivre les actions des protagonistes était vital pour éviter toute désinformation. C’est ainsi qu’on s’est rendu compte que les Ukrainiens captaient une partie du gaz russe destiné aux pays européens pour contourner l’embargo russe. C’est à la suite de ce conflit que l’Union Européenne a découvert les risques liés à une situation de dépendance en matière énergétique.
Mais la géopolitique ne s’arrête pas aux relations internationales entre Etats. La plupart des marchés qui se situent hors du monde occidental nécessitent une connaissance approfondie du contexte local aussi bien sur le plan politique, normatif et sociétal. La réponse aux appels d’offres ne repose pas que sur des connaissances techniques. Pour sortir victorieux d’une compétition dans ce type de dossier, il est nécessaire de recourir à l’Intelligence Economique, que ce soit pour réaliser des études en amont (due diligence) sur les parties prenantes ou pour sortir victorieux du rapport de force.
L’entreprise doit faire face à des concurrents souvent très offensifs, qui ne se contentent pas de rivaliser par la qualité de leurs produits ou en jouant sur les prix. Ces derniers n’hésitent pas à recourir à des stratégies d’influence pour faire pression sur les autorités locales. Elles mènent aussi des opérations de déstabilisation en lançant des rumeurs par le biais de la presse locale. Il est donc nécessaire de contrer ces démarches hostiles pour espérer gagner un contrat. Sans un management de l’information adapté, il est quasiment impossible d’y arriver.
Nous assistons aujourd’hui à une véritable guerre de l’information. Face à cela, que penser du rachat de nos installations stratégiques par des puissances extérieures ? Comment défendre nos informations, notre savoir-faire et nos données dans ce contexte- là ?
La guerre de l’information est une dimension que nous n’arrivons pas encore à bien intégrer dans notre approche de la compétition mondiale. Prenons le cas d’un cadre important d’Alstom qui a été incarcéré pendant 14 mois aux Etats-Unis dans une prison de haute sécurité pour une affaire de versement de commission en Asie du Sud-Est et qui a été remis en liberté lorsque General Electric a racheté Alstom. On peut s’interroger sur la manière dont les législations anti-corruption américaines puis britanniques sont aujourd’hui utilisées de manière parasitaire pour affaiblir des groupes industriels et éventuellement les acquérir. La France ne peut pas rester désarmée dans un tel contexte d’affrontement économique qui ne dit pas son nom.
Il est nécessaire d’être aujourd’hui plus que jamais lucide sur les différentes formes de manipulation du Droit et de leurs conséquences sur le potentiel économique d’un pays. La défense des informations est une approche insuffisante. Il est nécessaire d’appliquer une grille de lecture qui englobe les stratégies d’accroissement de puissance des leaders de l’économie mondiale. Les responsables de l’administration en charge de la protection du patrimoine n’ont pas été formés à cette approche. Les services spécialisés lancent des notes d’alerte dans le meilleur des cas.
L’amélioration de notre système de renseignement économique prôné par Jean-Baptiste Carpentier, Commissaire à l‘Information Stratégique et à la Sécurité Economique ne changera pas cet état de fait tant que le pouvoir politique n’adoptera pas une grille de lecture cohérente sur les dossiers de guerre économique. Après les pertes d’Alcatel et d’Alstom, les rumeurs de ciblage sur Airbus et Sanofi devraient inciter nos gouvernants à passer à l’action en dotant notre pays d’un cadre juridique de recours qui mettrait ces grands groupes à l’abri des manœuvres de prédation sous couverture juridique de pays étrangers, qui sont en l’occurrence nos alliés géopolitiques.
Face aux puissances mondiales émergentes comme l’Inde ou la Chine, la question de la puissance de la France est remise en question. Par manque de considération comme une vraie puissance européenne, ne détruisons pas nous-mêmes notre image et notre poids sur le paysage mondial ?
Quelle stratégie d’influence pour servir ses intérêts sur le paysage mondial ?
Depuis 1945, nos élites (politiques, économiques, financière etc..) se reposent sur les Etats-Unis. La France s'est progressivement dessaisie de sa propre vision stratégique de puissance. Il est difficile de trouver une personnalité politique qui incarne la recherche d'une pensée stratégique autonome. Peut-être avons-nous jeté un peu vite aux oubliettes de l'Histoire cet acharnement du Général De Gaulle à préserver la France des influences extérieures qui pouvaient avoir une incidence négative sur sa destinée. Si sa tentative de troisième voie n'avait aucune chance de réussir, sa volonté de puissance n'était pas dénuée de bon sens. Il est dommage qu'il l'ait habillée d'un discours sur la grandeur qui échappait à la plupart des français. Contrairement à tous les autres, De Gaulle avait compris que la France était une entité qu'il ne fallait pas détruire parce qu'elle était la seule capable d'assurer une protection militaire, économique et culturelle à sa population en cas de crise majeure.
La France va devoir se battre sur plusieurs fronts en redéfinissant son périmètre de souveraineté. La dimension stratégique de l’agriculture est un enjeu qui a commencé a être pris en compte par des intérêts privés qui dialoguent de manière efficace avec les pouvoirs publics. L’expérience symbolisée par le site Momagri démontre que nous sommes capables de produire de la connaissance pertinente, de bâtir des indicateurs économiques pertinents et d’innover en créant la première agence de solvabilité alimentaire au niveau mondial afin de relever les défis du monde agricole de demain.
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